Des salariés de Carrefour Kenu-In saisissent le tribunal administratif pour rupture de contrat abusive

L'enseigne a brûlé pendant les émeutes de Nouvelle-Calédonie. Kenu-in. Septembre 2024.
Totalement détruit pendant les émeutes, l’hypermarché de Koutio a mis fin sur-le-champ aux contrats de ses employés. Dix d'entre eux contestent cette décision, validée par l'inspection du travail, devant le tribunal administratif.

Une rupture de contrat pour cas de force majeure. C’est ce que l’hypermarché Carrefour Kenu-In a invoqué pour mettre fin aux contrats de ses salariés, après le pillage et l'incendie du magasin, lors des émeutes de mai dernier. Mais pour Me Louise Chauchat, "rien ne tient dans cette procédure".

L'avocate des requérants fustige l'attitude de la direction. "Le cynisme du groupe est évident. Conforama a brûlé le 15 mai, puis Carrefour du 16 au 17 mai. Or, les ruptures de contrat sont intervenues directement le 16 mai", retrace Me Chauchat, pour qui l'employeur a appliqué une logique comptable. "Ça aurait coûté plus cher d’appliquer les procédures du Code du travail avec éventuellement, des licenciements économiques, qui n’ont pas été faits pour les salariés. Ils sont tous partis sans aucune indemnité."


200 salariés saisissent le tribunal du travail

L'avocate se dit d'autant plus choquée que cette décision de l’employeur a été validée par l’inspection du travail. "Alors que sur la forme comme sur le fond, les décisions ne sont absolument pas justifiées". Autre argument avancé : "l'inspection du travail a été saisie postérieurement à ces ruptures de contrat. Ce qui n’arrive jamais", affirme Me Chauchat.

Dix salariés protégés ont saisi le tribunal administratif. Mais ils sont deux cents employés à poursuivre le groupe Carrefour Kenu-In au tribunal du travail. C'est par un coup de téléphone qu'ils ont appris la fin de leur contrat.

Cédryc Cornaille était responsable de la réception de cet hypermarché de Dumbéa depuis quatorze ans. "On nous a licenciés du jour au lendemain, comme ça. On nous a appelés et on nous a dit : 'vous pouvez venir signer votre solde de tout compte ? Vous avez une semaine pour le faire'", témoigne-t-il.

Ils ont peut-être perdu un magasin mais nous, on a perdu toute notre vie.

Cédric Cornaille, salarié licencié


Un poumon économique détruit

Comme bon nombre de ses collègues, ce salarié ne s’attendait pas à une telle décision. "Il y avait des locaux et du stock pour relancer l’activité. C’est un gros groupe, Carrefour. Ils ont peut-être perdu un magasin mais nous, on a perdu toute notre vie. On a des crédits, des enfants à nourrir. Ça reste très compliqué pour nous."

Me Degreslan, le représentant de l'enseigne, juge tout aussi cynique l'attitude de sa consœur. Il lui reproche de n’avoir eu aucun mot pour le centre commercial de Koutio, qui était l’un des poumons économiques du Pays et qui "a été brûlé, incendié".

L'avocat en profite pour rappeler que ce magasin n'appartient pas directement au géant de la grande distribution. "Le nom Carrefour n’est qu’une franchise. Les employeurs n’ont aucun autre lien avec le groupe national". La décision est attendue d'ici à la fin du mois.