Discussions bilatérales, comité des signataires... Ce qu’on peut retenir de l’entretien d’Aloisio Sako, président du Rassemblement démocratique océanien

Aloisio Sako, président du RDO, en charge de l'animation du FLNKS, image d'archives
Le RDO est en ce moment chargé de l’animation, au bureau politique du FLNKS. Voilà pourquoi le président du Rassemblement démocratique océanien était dimanche l’invité du journal télévisé sur NC la 1ère. Aloisio Sako a évoqué les fameuses discussions bilatérales que le front indépendantiste entend mener avec l'État ou son avis tranché sur un éventuel comité des signataires en septembre, à Paris.

Non, le FLNKS ne compte pas participer à un éventuel comité des signataires en septembre, à Paris. C'est du moins ce que son bureau politique a redit samedi 23 juillet, lors d’une convention tenue à Dumbéa. Le Front de libération nationale kanak et socialiste répète sa préférence pour des bilatérales avec l’Etat, précisant que des groupes de travail vont être mis en place en vue de telles discussions. Le président du RDO, composante du FLNKS actuellement chargée d'animer le bureau politique, était l'invité du journal télévisé dimanche soir. Voici ce qu'on peut en retenir.

Les loyalistes, un partenaire "disqualifié"

Si le front indépendantiste veut des rencontres en tête à tête avec l’État, cela signifie-t-il que pour lui, l’avis des loyalistes ne compte plus ? "Oui", a répondu Aloisio Sako sur le plateau de NC la 1ère. "Les loyalistes se sont prononcés. Maintenant, il faut qu’ils se rangent derrière l’État puisqu’ils sont pour le maintien du pays dans la France. Les discussions que nous demandons, c’est entre le peuple colonisé, incarné par le front indépendantiste (…) et l’État colonisateur", a-t-il développé, en ajoutant : "L’autre partenaire s’est prononcé le 12 décembre. C’est fini, il est disqualifié. Ce n’est pas à lui qu’on a à faire, c’est avec l’État français, l’État colonisateur." 

La troisième consultation, "un passage en force"

"Nous n’arrêtons pas de demander des bilatérales depuis 2020, jamais l’État n’a tenu compte de cela, il n’[en] a fait qu’à sa tête", estime le président du RDO. "Il est passé en force dans cette troisième consultation". Et de répéter l'un des arguments mis en avant pour contester l'organisation de ce référendum à la date du 12 décembre 2021 : "L’État n’a pas respecté sa parole. L’État s’est engagé, en 2020, [à ce] que cette troisième consultation ait lieu en 2022 après les élections nationales, présidentielle et législatives." 
 

Nous sommes dans une situation floue où plus personne ne comprend rien.

Aloisio Sako, président du Rassemblement démocratique océanien

Solder le "contentieux entre le pays colonisateur et le peuple kanak"

Quel serait le contenu de telles discussions bilatérales ? L'invité du JT évoque d’abord "ce processus de décolonisation dans lequel on vit l’Accord de Nouméa. C’est avec l’État qu’on va discuter de la suite, de la sortie notamment. C’est faire le bilan et à partir de ce bilan, on va pouvoir engager les vraies discussions. Mais la chose essentielle", poursuit-il, "concerne l’avenir institutionnel. Nous voulons cette fois-ci, dans cette phase finale, sortir la Nouvelle-Calédonie par le haut. C’est tout au bénéfice de la France de réussir cette décolonisation, mais aussi solder ce contentieux entre ce pays colonisateur et le peuple kanak qui aspire à sa dignité, à sa liberté, avec toutes les communautés que le peuple kanak a acceptées".

Le FLNKS "avance son pion"

Et en cas de refus de ces fameuses bilatérales ? "A chaque fois que l’État avance un pion, nous, on avance le nôtre", rétorque Aloisio Sako. "Le 12 décembre, l’État a avancé la troisième consultation. Qu’est-ce que nous avons dit en face ? Pas de consultation pour le FLNKS. 56 % des Calédoniens [inscrits sur la liste référendaire] ne se sont pas rendus aux urnes."

Plus récemment, "il y a eu l’annonce du ministre de l’Intérieur disant : 'Au mois de septembre, comité des signataires.' Nous avons dit : 'Nous n’irons pas'. Pour le moment, nous nous tiendrons à ce que nous avons décidé à Kaïmolo, nous n’irons pas à ce comité des signataires." En ajoutant : "Ce n’est qu’une annonce, aucune invitation n’a été faite à ce jour aux signataires de l’Accord de Nouméa. "

Une question se pose, celle de savoir si organiser un comité des signataires a toujours un sens. "Il est disqualifié, ce comité des signataires. On n’arrête pas de remettre en cause toutes les résolutions que nous avons prises", déclare le dirigeant du RDO. 

Nous souhaitons ces bilatérales pour que l’État s’explique sur la sortie de l’Accord de Nouméa.

Aloisio Sako

Un contexte "propice"

Une évolution statutaire envisagée pour la Corse, une réflexion sur l’autonomie des régions d’Outre-mer… "Le moment est propice pour tous les mouvements de libération, ceux qui aspirent à plus de liberté, plus d’émancipation", estime-t-il encore. "Et la Calédonie peut profiter de ce nouveau contexte. C’est une évolution, à mon sens, de la part de l’État. Simplement, il faut être vigilant. Très souvent, l’État est revenu sur sa parole."

Nous sommes prêts à discuter avec l’État, d’État à État, partenaire-partenaire, et nous voulons tisser avec l’État des liens librement consentis pour sortir la Calédonie vers le haut, vers l’indépendance. Mais l’État sortira aussi vainqueur parce qu’il aura réussi une décolonisation.

Aloisio Sako

Remaniement du gouvernement

Et le fait de voir le dossier calédonien entre les mains d’un ministre régalien tel que Gérald Darmanin ? "On a eu un ministère depuis très longtemps, les affaires de la Nouvelle-Calédonie étaient confiées à ce ministère de l’Outre-mer. Là, on voit qu’il y a une prise en main par un ministre d’État, pas des moindres, qui s’occupe du service de l’ordre… (…) Reprendre en main le dossier par un ministre d’État, ministre de l’Intérieur, c’est pour moi du recul. Et j’ai peur."

Pas touche au corps électoral

"Acceptez-vous de discuter de réformes pour rapprocher les communautés ?", demande un internaute. "Le corps électoral glissant, pas pour le moment. Tant que le pays n’est pas indépendant, on n’y touche pas", réagit Aloisio Sako, qui se montre plus ouvert sur des sujets tels que "le droit coutumier et le droit commun" ou "le coût de l’immobilier", par exemple. Autre question posée : "Est-ce vrai que nous allons vers une indépendance en association avec la France ?" "Pour le moment, le FLNKS se tient à l’indépendance tout court", répond le président du RDO. "La pleine souveraineté qui conduira le pays à l’indépendance. Il ne faut pas brûler les étapes, les discussions n’ont pas encore commencé".
Enfin, y a-t-il quelque chose qui pourrait faire revenir le front indépendantiste à la table des négociations ? "Il faut que l’État change de tactique ! Il nous a toujours écouté mais (…) il ne comprend pas ce qu’on veut."

Pour une fois, est-ce [que l’État] peut nous comprendre ? Notre vœu, c’est construire une société multiculturelle indépendante, avec tous les fondamentaux universels tels que la solidarité, la fraternité, la prise en compte de cette diversité culturelle qui est une richesse du pays.

Aloisio Sako

L’entretien complet avec Steeven Gnipate :