Jugé pour la noyade accidentelle de son bébé, un père est relaxé

Palais de justice de Nouméa
Un père de famille, dont l’enfant de sept mois laissé seul s’était noyé dans un bassin, a comparu pour homicide involontaire. Le parquet a demandé une sanction pénale. Le tribunal l’a finalement relaxé.

Puni à vie, la justice n’a pas alourdi une sentence déjà si lourde à porter. Un homme de 33 ans, qui comparaissait vendredi devant le tribunal de Nouméa, a échappé à une sanction pénale alors qu’il était poursuivi pour l’homicide involontaire de son bébé de sept mois, le 19 juillet 2022 à Nouméa.

A l’énoncé du délibéré dans ce dossier particulièrement douloureux, la présidente Lise Prenel a justifié cette décision de relaxe par « l’absence de faute caractérisée pouvant entraîner une condamnation » et que seule une « faute simple » pouvait lui être reprochée. La juridiction n’a pas suivi les réquisitions du parquet qui avait réclamé une peine de douze mois de prison avec sursis, estimant que cet homme avait commis « une faute d’imprudence » et avait « exposé le bébé à un risque qu’il ne pouvait pas ignorer ».

Pas de protection autour du bassin

Le 19 juillet 2022, la vie s’est effondrée pour cette maman dont les larmes n’ont jamais cessé de couler sur son visage tout au long du procès. Ce matin-là, le prévenu devait garder le nourrisson de sept mois qu’il considère comme son fils - la mère affirme qu’il est issu d’une relation extra-conjugale mais aucun test de paternité n’a été effectué – alors qu’il n’avait pratiquement pas dormi de la nuit parce qu’il avait travaillé jusqu’à quatre heures du matin.

Le couple est séparé à cette époque mais le trentenaire s’en occupe régulièrement, « ça me faisait plaisir. Je m’occupais de son autre fils de 11 ans que je considère aussi comme le mien ».

Une fois l’adolescent parti au collège, l’homme raconte qu’il était allé se promener avec le bébé avant de rentrer au domicile. « Il était fatigué, je l’ai mis dans la chambre pour l’endormir. Je me suis posé à côté et je me suis aussi assoupi ». Si profondément qu’il ne se rend pas compte lorsque l’enfant, qui ne marche qu’à quatre pattes, quitte le lit. A son réveil, il découvre que le petit n’est plus là. La panique est alors indescriptible. Il le cherche partout, dans la maison et à l’extérieur. Le bébé sera retrouvé un instant plus tard, la tête immergée dans le bassin à poissons du jardin. Réanimé dans un premier temps, il finira par succomber.

Le parquet avait décidé du renvoi de ce trentenaire, décrit par tous comme un excellent père, en considérant qu’il s’était rendu coupable d’un défaut de vigilance et de surveillance du petit garçon. « Il arrive que la justice classe ce genre d’affaires dramatiques, introduit la procureure Fabienne Coupry, mais il a commis une faute en s’endormant et en laissant l’enfant seul ». La représentante du ministère public évoque « l’absence de porte dans une chambre située en face du bassin et par laquelle le bébé est passé », lui reprochant ensuite de ne pas avoir tiré la sonnette d’alarme quand la fatigue devenait insurmontable. « Ça nous est tous déjà arrivé mais vous auriez dû demander de l’aide. Le but n’est pas de vous accabler mais de comprendre », ajoute-t-elle.

"Sa vie est brisée"

Ses collègues de travail se souviennent d’un homme « fatigué qui enchaînait les nuits de travail et la garde du petit toute la journée ». « Il faisait passer les problèmes des autres avant les siens », dira l’un d’eux. Un autre assure encore que le prévenu « ne pouvait pas refuser de garder le bébé car sinon, la maman s’énervait et lui refusait de lui confier pendant plusieurs jours, ce qui l’attristait beaucoup ».

Le père, mouchoir dans une main, s’explique calmement. Derrière lui, son ex-compagne ne cesse de pleurer la disparition de son fils. « Elle est dans l’impossibilité de faire son deuil, c’est atroce et insoutenable. Sa vie est brisée », décrit son avocate Me Claire Arcangeli.

Prisonnière de son malheur, la maman puise dans ses dernières forces pour confier à la barre qu’elle s’était « servie de lui pour garder mon enfant. Je lui avais fait croire que c’était son fils parce que je savais que c’était un bon papa. J’ai choisi la facilité. Mais s’il était si fatigué, pourquoi ne m’en a-t-il pas parlé ? Mon fils aurait eu plus d’un an aujourd’hui ».

Sans avocat, le prévenu ne cherche pas à fuir ses responsabilités. « On peut sans difficulté dire que vous étiez un excellent papa mais vous avez laissé s’accumuler la fatigue et vous vous êtes endormi dans une maison où il n’y avait pas de porte dans une chambre et un bassin sans protection, sans même vous apercevoir du réveil du nourrisson »,résume la présidente.

Depuis, il vit avec le poids de la culpabilité.