"Mon pays ce n’est pas un pays, c’est l’hiver" proclame le célèbre chanteur québécois Gilles Vigneault… Au début des années 70, à tout juste 18 ans, Claude Chalifour fuit les rigueurs de l’hiver qui approche, alors qu’il travaille sur un chantier. Issu d’une famille modeste de la région de Montréal, les cocotiers lui semblent un lointain mirage. Il ne sait pas encore que les années de nomadisme qui s’ouvrent à lui, le mèneront irrésistiblement vers le Pacifique Sud…
En avion, en bateau, en camion de livraison de lait, à pied ou à moto, le jeune Claude traverse les continents, travaillant dès que possible – après l’Amérique puis l’Europe, l’Asie via la Turquie, l’Iran, l’Afghanistan, le Pakistan, l’Inde… Le voyageur et sa femme Chantal, infirmière française, parviennent finalement aux rivages calédoniens en 1981. En chemin, le couple a abordé des cultures bien différentes. "C’est très important de voyager. Je trouve que c’est bien d’aller connaître l’Autre, ça ouvre notre esprit. Et puis on s’aperçoit qu’on est tous pareils, tous égaux, n’importe où ! On a un habillage et une culture différents, mais le fond de l’âme est partout pareil."
Du Québec à Bourail en passant l'Inde ou l'Iran
Arrivant quelque peu fauché sur le Caillou, Claude s’inspire ainsi de l’inventivité observée en chemin pour se tailler des sandales... dans un pneu ! Le résultat attire l’intérêt de clients potentiels et initie ainsi une carrière dans l’artisanat du cuir. "On ne s’est pas seulement arrêtés pour travailler, mais on a découvert le Pays magnifique qu’est la Nouvelle-Calédonie, avec des habitants fabuleux. On a été très bien accueillis !" Cette nouvelle vie aux antipodes permet au continental de concrétiser un vieux rêve : avoir son voilier pour voguer sur le Pacifique.
Son amour du cuir, qu’il partage avec les Calédoniens, se manifeste par de multiples déclinaisons, travaillées grâce à de vieux outils et machines ayant appartenu aux cordonniers d’antan. Mais aussi par de grandes virées jusqu’à la tribu de Ouayaguette – la "plus reculée de Calédonie" - à une époque où 3000 têtes de bétail s’éparpillaient dans la montagne ; ou par son indéfectible fidélité à la foire de Bourail, "l’image du Pays sur un champ de foire. […] C’est un beau moment de partage, toutes ethnies confondues comme on dit ici !"
Celui qui se définit comme un Québécois "tropicalisé" n’a pas renié pour autant sa terre d’origine, qu’il visite régulièrement. Il note "des similitudes entre le Québec et la Calédonie. D’ailleurs il y a pas mal d’étudiants qui y vont…" Pas du genre à ressasser le passé, le sexagénaire note avec humour et tolérance les évolutions de son temps. Une philosophie qui imprègne également son ressenti sur les grands défis à venir pour la société calédonienne.
Ici les gens sont bienveillants, accueillants, généreux. Ce sont ces valeurs-là qui vont gagner !
Claude Chalifour