"Je suis quelqu’un qui ne se laisse pas abattre. Je ne lâche rien, je me bats pour réussir !" Le ton, aussi enthousiaste que résolu, illustre le parti-pris de Sagato Lagikula : considérer avec humilité chaque réussite dans un parcours parfois ardu, comme une étape intermédiaire plutôt qu’une fin en soi.
Celui qui est chef de partie dans le restaurant de l’Amicale basque à Nouméa est déjà riche d’un héritage familial à la croisée des cultures. Que ce soit les manières dont sa grand-mère maternelle apprêtait le tazar du côté de Bélep, ou les grandes préparations collectives du umu (four traditionnel wallisien) avec la famille paternelle, c’est dans ces souvenirs qu’il puise pour expliquer l’attrait précoce pour la cuisine… "Quand je cuisine, je pense à toutes ces saveurs, côté papa et côté maman, avec deux cultures différentes. Ça permet de voir que chaque ethnie a sa façon de cuisiner !"
C’est dans le grand Nouméa que Sagato a accompli sa scolarité, débutant son parcours en CLIS (Classes pour l’inclusion scolaire), auprès de petits camarades en situation de handicap. Malgré des difficultés dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, Sagato ne renonce pas ; la découverte des métiers de bouche en SEGPA au collège de Normandie sonne comme une révélation. Il poursuivra son parcours au lycée professionnel Escoffier, jusqu’à un BTS Hôtellerie Restauration obtenu en 2020. "J’ai un parcours atypique. Au début, je ne pensais pas aller jusqu’au BTS. Je me disais que je n’avais pas les capacités, que peut-être niveau culture générale je n’étais pas fort... Mais en pratique, je me suis donné à fond."
Un détour dans l'Ouest de la France pour développer ses compétences
Pour Sagato, la passion des spécialités régionales françaises est notamment née d’une parenthèse elle aussi atypique sur son CV : quatre mois de stage dans une brasserie-restaurant à Cognac, dans l’Ouest de la France. Au choc initial de se retrouver en cuisine avec 25 collègues, et faire face aux cadences soutenues qu’impliquent les deux cents couverts servis en salle, succède la satisfaction de relever le défi. "Moi qui pensais qu’en France les gens sont dans leur coin, chacun pour soi... sourit le jeune homme. En fin de compte il faut bien chercher les personnes en qui tu peux avoir confiance, qui te guident." Les échanges en cuisine avec des collègues originaires aussi bien de Bourgogne que d’Algérie, sont gages d’enrichissement. "Moi aussi j’ai pu partager les cuisines de la Nouvelle-Calédonie. J’ai pu faire un plat dans ce restaurant, un genre de ‘salade tahitienne de poisson à la façon calédonienne’ ! Ça s’est bien passé, les clients ont aimé avoir un plat qui venait d’aussi loin."
À présent, Sagato cherche à cumuler de l’expérience, enclin en parallèle à assumer un rôle d’ambassadeur pour guider une jeunesse qui parfois "se sent un peu comme une bouée qui part" à la dérive… Celui qui plaide pour une offre de formations plus proche des jeunes en situation de rupture, aspire à leur montrer "que si on veut quelque chose, on peut réussir", tout en assumant la fierté d’assumer sa "double culture".
Aujourd’hui on arrive à un moment où le métissage se développe beaucoup […]. Chacun montre à sa communauté que le vivre ensemble, il est là !
Sagato Lagikula