A l'issue de son contrôle des comptes et de la gestion, la CTC a formulé dix recommandations de régularité et sept recommandations de performance à la municipalité de Poindimié, visant à améliorer la gestion, sécuriser les procédures et garantir le bon emploi des fonds publics.
Une gouvernance à consolider
La gouvernance communale présente plusieurs anomalies selon la Chambre territoriale des comptes : le conseil municipal n’est pas réuni tous les trimestres, les procès-verbaux des séances ne sont pas systématiquement établis, et la commune ne tient pas de registre des délibérations et actes du maire. Le droit à la formation des élus n'est pas encadré, et le budget qui lui est alloué est insuffisant... et inutilisé. "Le montant prévisionnel des dépenses de formation ne peut être inférieur à 2% du montant total des indemnités des élus, rappelle Florence Bonnafoux, la présidente de la CTC. Ici les crédits n'ont pas été dépensés, donc ils n'ont pas organisé, au titre de la commune, des formations."
Les recommandations de la CTC :
- Clarifier l’organisation hiérarchique, les responsabilités attenantes ainsi que les missions confiées aux agents de la commune, en veillant à la cohérence entre les fiches de postes et les missions réellement effectuées.
- Arrêter un dossier d’information communal sur les risques majeurs et un plan communal de sauvegarde afin de préparer la réponse à d’éventuelles situations de crise induites par le changement climatique.
- Réunir le conseil municipal au moins une fois par trimestre et étoffer la note de synthèse sur les affaires soumises à délibération jointe aux convocations du conseil.
- Etablir systématiquement un procès-verbal des réunions du conseil municipal, le faire approuver lors de la séance suivante du conseil et en assurer la publicité vis-à-vis des citoyens.
- Tenir un registre des délibérations du conseil municipal et des actes du maire.
- Respecter les dispositions des articles L.122-11 et L.122-21 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie encadrant les délégations du maire à ses adjoints et imposant un compte-rendu des décisions prises par le maire en vertu de sa délégation lors de chaque réunion obligatoire du conseil municipal.
- Délibérer sur l’exercice du droit à la formation des membres du conseil municipal et allouer à la formation des élus un budget suffisant.
Une fiabilité des comptes et une qualité de l'information financière à améliorer
La trésorerie de Poindimié est très dégradée. Le suivi des factures est défaillant, les paiements sont réalisés en retard, et la commune n’a pas réglé les sommes qu’elle a été condamnée à verser par plusieurs décisions de justice.
Les recommandations de la CTC :
- Mettre en place une procédure de la dépense intégrant l’enregistrement et suivi des factures, l’attestation du service fait et le mandatement et veiller à son appropriation par l’ensemble des services intervenant dans le circuit de la dépense.
- Respecter le délai maximal de mandatement de trente jour prévu par l’article 71 dela délibération n°424 du congrès du 20 mars 2019 portant réglementation des marchés publics.
- Mandater les sommes que la commune a été condamnée à payer par jugements exécutoires n°22/0005 du 18 janvier 2022 de la cour d’appel de Nouméa et n° 22/00117 du 5 juillet 2022 du tribunal de première instance de Nouméa section détachée de Koné, en priorisant leur paiement auprès du comptable public.
- Respecter le principe d’indépendance des exercices budgétaires en procédant aux opérations de fin d’exercice (restes à réaliser et rattachements) dans le respect des principes définis par l’instruction budgétaire et comptable M14 et par le code des communes de la Nouvelle-Calédonie.
Une situation financière qui demeure fragile
La situation financière de la commune est fragile : la dette culminait à 593 millions en 2022 : c’est 74,6 millions de plus par rapport à 2018. "La capacité de désendettement, c'est à dire d'autofinancement de la commune à rembourser sa dette, en 2022, est tombée à 4,2 années. C'est un bon ratio, pour Florence Bonnafoux. Car en 2020, on culminait à 14,9 années. Sur ce point il y a une régularisation, une remise à la normale de la situation de la commune."
Les charges de personnel représentent la moitié des dépenses réelles de fonctionnement. "Cela rigidifie les dépenses, explique Florence Bonnafoux. Car une commune peut difficilement licencier ses agents du jour au lendemain. Elle est obligée de payer son personnel, et n'aura pas de marge de manœuvre pour faire autre chose."
Il devient urgent de récupérer les créances des usagers du service de l’eau, qui atteignaient 315 millions fin 2022. "La question du recouvrement des factures d'eau des habitants de la commune est celle qui impacte réellement la situation financière, pointe Florence Bonnafoux. Car l'ensemble de ces créances pèsent sur le budget annexe de l'eau, et par conséquent, sur le budget principal qui est obligé d'équilibrer le budget annexe de l'eau."
L'urgence, c'est d'améliorer le recouvrement des factures d'eau, ce qui suppose un effort de pédagogie de la commune auprès des administrés pour inciter au paiement, une révision de la tarification de l'eau, et des mesures plus coercitives pour s'assurer du recouvrement de ces factures.
Florence Bonnafoux, présidente de la CTC
Les recommandations de la CTC :
- Organiser la présentation des orientations budgétaires sur la base d’un rapport comportant l’ensemble des informations prévues à l’article D.212-7 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie et dans des conditions favorisant l’émergence d’un débat approfondi conformément aux ambitions posées dans le règlement intérieur du conseil municipal.
- Intégrer l’eau et l’assainissement au sein d’un même budget annexe, doté de l’autonomie financière et par conséquent de son propre compte au Trésor.
- Définir et mettre en œuvre une stratégie de redressement de la trésorerie reposant sur deux piliers : le réexamen de la tarification de la fourniture en eau potable, en envisageant la mise en place d’une tarification incitative ; une politique de recouvrement plus active, avec l’appui du comptable public.
Des enjeux de politique publique à prendre en compte
Enfin il s’agit de considérer les conséquences du changement climatique : élévation du niveau de l’océan, érosion côtière et submersion marine. La chambre invite Poindimié à élaborer un plan de sauvegarde, et un dossier communal sur les risques majeurs d'ici 2025 pour s’y préparer.
Les autres recommandations de la CTC :
- Respecter les modalités de computation des seuils en matière de commande publique et élaborer un règlement interne des procédures de commande publique permettant de garantir, y compris pour les achats d’un montant inférieur à vingt millions de francs CFP, le respect des principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et le transparence des procédures.
- Etablir et mettre régulièrement à jour l’inventaire physique et comptable des immobilisations, conformément aux instructions budgétaires et comptables M14 (budget principal) et M4 (budget annexe).
- Amortir les immobilisations du budget principal et du budget annexe de l’eau, conformément aux dispositions de l’article L.221-2 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie et des instructions budgétaires et comptables M14 et M4, sur la base d’une nouvelle délibération unique à prendre pour le budget principal et le budget annexe.
Le point d'ici un an
Le maire de Poindimié, Paul Néaoutyine, a adressé une réponse à la Chambre territoriale des comptes, avant de présenter le rapport en conseil municipal de ce mois de janvier. "Sa réponse montre qu'il a bien pris en compte la plupart de nos recommandations, avec peut-être un délai légèrement différent, rapporte Florence Bonnafoux. Je suis très optimiste sur le fait que l'ensemble des recommandations de la chambre vont être mise en œuvre, en tout cas en ce qui concerne la gestion administrative et comptable de la commune. La question de la situation financière est un autre sujet. Notamment le plan de redressement de la trésorerie, et ce que ça implique en terme de maîtrise des dépenses, et de recouvrement des créances du service annexe de l'eau. Là dessus, on a moins d'indications sur ce qui va être mis en œuvre."
En janvier 2025, le maire devra présenter un rapport sur la concrétisation des recommandations de la CTC.