Colère des agriculteurs : un métier difficile aussi en Nouvelle-Calédonie

Rencontre avec Méryl Cugola, un agriculteur calédonien installé dans la vallée de Pocquereux à la Foa. ©Nouvelle-Calédonie la 1ère
Le mouvement de colère des agriculteurs français s'est pour l'instant principalement cantonné à l'hexagone. Pour autant, la situation n'est pas forcément rose non plus en Nouvelle-Calédonie, où le retour sur investissement demeure généralement très aléatoire.

Au cœur de la vallée de Pocquereux à La Foa, l’exploitation de Méryl Cugola s’étend sur plusieurs dizaines d’hectares. L’agriculteur a repris le terrain familial il y a sept ans. Il est depuis confronté à l’augmentation continue de ses coûts, comme celui de l'engrais. 

"Les prix ont triplé depuis trois ans. Avant, on travaillait avec de grosses machines pour épandre. Maintenant, on utilise des arrosoirs et on veille à localiser pour ne pas gaspiller le moindre gramme", confie le maraîcher, qui dépense annuellement près d'un million de francs uniquement pour l'engrais.

La facture de carburant s'avère encore plus salée pour le professionnel. "Entre les tracteurs, les véhicules de service et de livraison et les motopompes, c'est une charge à ne pas négliger. On tourne en moyenne entre 70 000 et 80 000 francs par mois. Ca peut grimper par moments entre 120 et 150 000", explique Méryl Cugola. 

De lourds investissements

Son exploitation emploie aujourd'hui huit personnes pour produire des patates, des courgettes, des concombres ou encore du chou. Et si l'agriculteur n'a pas eu à acheter le terrain, il a tout de même dû investir une trentaine de millions de francs dans les machines et dans les infrastructures. Malgré quelques aides, Méryl Cugola peine encore à se dégager un salaire lors des mauvais mois.

"Il y a des moments où on n'a rien du tout parce qu'il y a un cyclone qui est passé et qu'il faut attendre deux, trois mois pour que le terrain se remette à flot", témoigne le producteur, qui travaille entre dix et quinze heures par jour sur son terrain. 

"Je continue, je m'accroche, mais parfois je me dis que c'est dur et je me demande pourquoi je continue à perséverer alors que je pourrais travailler dans un bureau. J'ai des diplômes, j'ai tout ce qu'il faut ... Mais non, ça c'est au fond de moi. J'aime mon métier", conclut-il.

Vers une crise des vocations ?

D'après l'ISEE, le salaire mensuel s’élevait en moyenne à 218 000 francs dans le secteur agricole. Un chiffre en baisse de près de 2% sur un an. "C'est le secteur le moins rémunérateur en matière d'entreprises. Le niveau d'investissement est souvent très élevé et permet rarement aux agriculteurs de se payer convenablement par rapport aux fonds mobilisés, à l'énergie et au temps passé à travailler", souligne Jean-Christophe Niautou, le président de la chambre d'agriculture de la Nouvelle-Calédonie.

De quoi susciter une crise des vocations sur le long terme ? Le dernier recensement général agricole date de 2012, mais il confirmait déjà à l'époque la baisse toujours plus marquée du nombre d'exploitations sur le caillou. "On observe aussi, comme dans l'hexagone, un vieillissement de nos agriculteurs avec un âge moyen de 58 ans. Il y a un problème de transmission et de renouvellement des générations", indique Jean-Christophe Niautou. 

Malgré plusieurs points communs avec la métropole, la Nouvelle-Calédonie semble aujourd'hui préservée d'un phénomène dramatique dans l'hexagone : le suicide d'un agriculteur tous les deux jours en moyenne. L'enjeu du soutien aux exploitations locales n'en demeure pas moins important, à l'heure où le territoire atteint difficilement 17% d'autonomie alimentaire.