Jean-Luc Lehericy quitte le CHS, après 25 ans à améliorer la santé mentale des Calédoniens

Jean-Luc Lehericy, mercredi 15 novembre, lors de l'hommage de ses collègues du CHS
C’est cette semaine que le docteur Jean-Luc Lehericy prend officiellement sa retraite après 25 ans à la tête du service de psychiatrie du CHS. Diplômé en commerce, en gestion, en mathématiques, ancien diplomate, ce profil atypique au franc parler assumé a permis l'évolution de la prise en charge de la psychiatrie en Calédonie.

Il devait passer cinq ans sur le territoire, en détachement sur arrêté ministériel. Finalement, Jean-Luc Lehericy est resté un quart de siècle à son poste de chef du service de psychiatrie du centre hospitalier spécialisé Albert-Bousquet situé à Nouville. À 68 ans, le médecin prend sa retraite, mais continuera les expertises judiciaires et administratives.

Je me suis plu ici, j'ai aimé le pays, les gens, ce qu'on faisait à l'hôpital. On avait des moyens et un directeur qui nous appuyait sur tous nos projets.

Jean-Luc Lehericy, chef du service de psychiatrie du CHS pendant 25 ans

Le "coup de foudre"

Contre l’avis de son père qui ne voulait pas de médecin dans la famille, Jean-Luc Lehericy intègre l’école de santé des armées. Brièvement, car il démissionne pour entrer à la fac, se destinant à l’anesthésie-réanimation, puis à l’hématologie, avant de changer d’avis. "Une copine interne allait faire un stage en psychiatrie. Je l'ai suivie, même si je n'avais aucune envie de faire psy. Et là, ça a été le coup de foudre ! Je me suis rendu compte que, finalement, ça n'était pas ce que je pensais."

Pourtant, ses premiers emplois n'ont rien à voir avec la médecine. Les affaires étrangères le recrutent en tant que diplomate. En poste en Inde à l'ambassade de France, puis en Afrique où il réorganise les systèmes de santé. "Je n'ai jamais été quelqu'un de discret. Quand on me donne une mission, je la fais, et ça peut casser de tous les côtés. Je n'ai pas peur de l'autorité... Et donc on a voulu me planquer."

Développement de la psychiatrie

C'est à Saint-Pierre-et-Miquelon qu'il commence réellement à exercer la psychiatrie, dans les années 90. Les médecins militaires viennent de quitter l'archipel français de l'Atlantique nord, et Jean-Luc Lehericy est chargé de préparer l'arrivée des soignants civils. Après quelques années sur place, il est nommé en Nouvelle-Calédonie et prend ses fonctions en janvier 1999.

"Quand je suis arrivé, le CHS était bloqué. Il y avait eu quatre audits, je crois. Rien ne marchait. Et je suis quelqu'un qui sait relativement gérer les gens. Il a fallu réorganiser les services." C'est là que la prise en charge de la santé mentale a bien évolué : "On a eu plus d'infirmières, de médecins, des crédits, plus de lits. On a créé des unités particulières, et un ensemble de sous-structures comme le Casado, le centre d'addictologie, l'organisme des tutelles, l'ACSMS, le foyer Séviane... On est devenus très autonomes."

On a créé le centre de gériatrie, qui était auparavant une unité de mon service. On a créé la médecine et la psychiatrie [hospitalières] en prison. Puis les centres de Poindimié, Koné, Koumac, et les missions aux Loyauté et à Wallis-et-Futuna. Jusqu'au Covid, on était sur un élan dynamique.

Jean-Luc Lehericy, chef du service de psychiatrie

"On a du mal à recruter"

C'est au moment de la réouverture des frontières que des infirmiers spécialisés et des psychiatres hospitaliers ont quitté le Caillou. Jean-Luc Lehericy peste encore contre la fixation du numerus clausus, qui a limité le nombre de médecins pendant cinquante ans. "De douze praticiens en poste en Calédonie, après l'épidémie de Covid, on est passés à quatre ou cinq. Ce qui était très insuffisant. On a dû fermer les urgences psy, arrêter les missions. On a du mal à recruter."

On a très peu de lits, actuellement. En tout cas, moins de lits que de demandes. Donc on est obligés de refuser entre cinq et dix personnes chaque jour. Tout le monde nous culpabilise, en disant : "il va se tuer, ou tuer quelqu'un". Mais quand on ferme des lits, qu'on n'a plus de médecins... Quand il n'y a rien, il n'y a rien à offrir. Ou pas grand chose.

Jean-Luc Lehericy, psychiatre

Un psychiatre s’est installé à Koumac en août, en replacement de celui qui prend la succession de Jean-Luc Lehericy. En intérim, car le poste est publié depuis huit ans, sans trouver preneur. Le nouveau chef de service, Guy Southwell, a fait le choix d'employer des remplaçants sur des missions de quelques mois. Les vœux de Jean-Luc Lehericy ? L’ouverture d’unités spécialisées en addictologie et dans la prise en charge des adolescents. Et que le centre psychiatrique qui devait ouvrir à La Foa voit le jour.

Voyez aussi le reportage de David Sigal et Michel Marin

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