Réfugiés: le rêve australien s'évanouit, place maintenant au rêve américain

Les États-Unis s'apprêtent à accueillir une bonne partie des 1616 réfugiés enfermés à Manus et à Nauru.
Les États-Unis ont accepté d'accueillir une bonne partie des réfugiés détenus depuis 4 ans à Nauru et à Manus. Canberra craint un nouvel afflux de migrants, qui rêvent d'accéder aux États-Unis via l'Australie. 
Cela faisait 4 ans qu’ils flottaient, en détention, sans avenir. Les quelque 2000 migrants enfermés par Canberra à Manus et à Nauru sortent de l’impasse. Ce sont les États-Unis, et non pas l’Australie, qui leur offrent une nouvelle vie.  

Malcolm Turnbull, le Premier ministre australien a annoncé un accord historique avec le gouvernement américain :
« C’est un accord unique, il ne sera pas renouvelé. Cet accord ne concerne que ceux qui sont en ce moment dans les centres régionaux de traitement des demandes des migrants (à Manus et à Nauru, NDLR). Toute personne qui essaierait d’atteindre l’Australie à l’avenir ne pourra jamais bénéficier de cet accord (avec les États-Unis, NDLR), a prévenu le Premier ministre australien. Notre priorité est de transférer d’abord les femmes, les enfants et les familles. C’est un processus qui sera fait méthodiquement, qui va prendre du temps et ne sera pas précipité. Il sera administré conjointement avec le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. »

L’UNHCR, justement, a publié un communiqué pour saluer cet accord entre l’Australie et les États-Unis. Même réaction de la part des défenseurs australiens des demandeurs d’asile, toutefois assortie de bémols: « Cela aurait été mieux que l’Australie honore ses responsabilités envers ces gens et les accueille en Australie, mais cette autre option est la bienvenue car elle garantit leur sécurité », estime l’avocat David Manne, qui est le directeur du Refugee and Immigration Legal Centre (RILC).

De son côté, Daniel Webb, du Human rights law centre, réserve son jugement, car le gouvernement Turnbull n’a pas donné assez de détails sur la nature de l’accord. Le Premier ministre australien n’a en effet pas mentionné le nombre de migrants qui seront transférés aux États-Unis. Comme le rappelle The Guardian Australia, actuellement, 675 des 1015 détenus de Manus, et 941 des 1195 migrants de Nauru ont obtenu leur statut de réfugiés – soit 1616 réfugiés en tout, principalement des Iraniens, des Sri Lankais, des Irakiens, des Syriens, des Bangladeshi, des Pakistanais.
 

Pas de regroupement familial en Australie

À Manus et à Nauru, la majorité des réfugiés seraient enthousiastes à l’idée de refaire leur vie aux États-Unis. Le quotidien The Guardian Australia a recueilli la réaction de Behrouz Boochani, un journaliste iranien détenu à Manus: « C’est clair que la plupart des gens sont ravis d’aller aux États-Unis, mais certains ont besoin d’aller en Australie, car c’est là que se trouve leur famille, a-t-il déclaré. L’Australie se doit de respecter leur souhait de rejoindre leur famille. »
Mais le gouvernement australien reste inflexible. Tous ceux qui n’accepteront pas de s’installer aux États-Unis devront soit repartir dans leur pays, soit refaire leur vie à Nauru, où le gouvernement leur octroierait un visa de 20 ans. Depuis la réouverture des centres de rétention à Manus et à Nauru en 2012, 650 migrants ont choisi de rentrer chez eux.
 

Manus va fermer, Nauru reste ouvert

Concrètement, le transfert des migrants aux États-Unis permettrait au gouvernement papou de fermer le centre de Manus, comme l’y oblige la décision de la Cour Suprême prise fin avril 2016, mais toujours pas appliquée. La détention de demandeurs d’asile et réfugiés est anticonstitutionnelle dans le pays.
Mais par ailleurs, le centre de rétention de Nauru restera ouvert. « Nous aurons encore besoin d’examiner les demandes d’asile dans la région, donc le centre de Nauru restera en activité pour toujours », a précisé Peter Dutton, le ministre australien de l’Immigration.
 

Le « rêve américain » pourrait provoquer une nouvelle ruée des migrants vers l’Australie. Canberra mobilise une flotte importante aux frontières maritimes du pays

Le centre de Nauru reste la clé du dispositif australien de contrôle de l’immigration car le gouvernement s’attend à ce que la solution américaine crée un « appel d'air » vers l’Australie. Malcolm Turnbull:
« Nous nous attendons à ce que les passeurs de clandestins se servent de cet accord (avec les États-Unis, NDLR) comme d’un argument de marketing, pour tenter des migrants vulnérables d’entreprendre la dangereuse traversée par bateau. Voilà pourquoi, après de longs préparatifs, nous avons mis sur pied la flotte la plus importante que l’Australie ait jamais déployée, pour surveiller nos frontières maritimes. Tout bateau piloté par des passeurs, qui tente d’atteindre les eaux australiennes sera intercepté et renvoyé d’où il vient. La politique de protection des frontières de l’Australie n’a pas changé. Elle est ferme et sans équivoque. Ceux qui essaient d’entrer en Australie avec l’aide de passeurs ne seront jamais admis sur le territoire, sous aucun prétexte. »
Les autorités décrivent ce déploiement maritime sans précédent (en temps de paix) comme un« anneau d’acier » aux frontières nord de l’Australie. 
 

Les États-Unis, « fiers » d'aider les réfugiés de Nauru et de Manus

« Nous sommes engagés pour la protection des réfugiés vulnérables dans le monde entier, et sommes fiers de participer à un plan d'aide aux réfugiés vulnérables de Nauru et de Papouasie Nouvelle-Guinée, qui ont besoin d'un pays où s'installer », a déclaré James Carouso, chargé d'affaires à l'ambassade américaine à Canberra. Les États-Unis entretiennent une solide relation de coopération avec le gouvernement australien dans un certain nombre de domaines, y compris celui de la protection des réfugiés, et nous félicitons l'Australie pour son engagement de longue haleine en matière de reclassement des réfugiés et d'aide humanitaire dans le monde entier. » 

Après la victoire de Donald Trump, il y a eu des spéculations, en Australie, sur la viabilité de cet accord de transfert des réfugiés, car le nouveau Président avait juré d'interdire de territoire les migrants musulmans. Lire cet article