C’est un pari un peu fou mais aussi un moyen, pour ses deux co-gérants, “de ne pas sombrer”. En quatre semaines, la petite clinique de l’Hippocampe a réussi à renaître de ses cendres, en remontant une nouvelle structure, à quelques encablures de là, au 4e Km.
Il y a exactement un mois, le soir du 13 mai, l’établissement a été pris pour cible par les émeutiers, dans ce quartier au nord de Nouméa.
Tous les voisins de la clinique ont créé une véritable chaîne humaine pour sortir les animaux.
Guillaume De Savigny, vétérinaire
Des chats hospitalisés, sauvés par les riverains
"On était coincé chez nous. On n’a pas pu venir sur place, raconte Guillaume De Savigny, l’un des deux vétérinaires. Mais tous les voisins de la clinique, au 6e Km, ont créé une véritable chaîne humaine pour sortir les animaux, parce qu’il y avait plein de chats hospitalisés. Ils ont réussi à forcer la porte et à les sauver tous."
Si le matériel a été totalement détruit par les flammes, les gérants estiment avoir évité le pire. "On a une gratitude infinie envers tous les habitants du 6e Km."
Des bureaux transformés en clinique vétérinaire
Et "cette aventure humaine" ne s’arrête pas là. Même s’ils se disent "fatigués, écœurés et tristes", les responsables de cette clinique, vieille de 30 ans, sont bien décidés à "recommencer à zéro".
La structure a été aidée par la société Locabox, qui a libéré ses locaux administratifs rue Chalier, au 4e Km. En quatre semaines, les équipes ont réussi à transformer ces bureaux en clinique vétérinaire, avec des espaces dédiés à la chirurgie. "Ces locaux n’étaient pas du tout destinés à cela. L’électricien, le plombier, le menuisier aménagent tout en fonction de nos besoins", explique Eric Leconte, l’un des deux co-gérants de la clinique.
Matériel de récupération
Une partie du matériel a été récupérée, comme ce chauffe-eau de seconde main ou cet évier dernier cri, racheté à bas prix au Médipôle. Les confrères, également touchés par la crise, ont fait preuve de solidarité. À l’image de la clinique de Dumbéa-sur-mer, qui a fait don de ses cages à animaux, après avoir été elle aussi incendiée, le 16 mai.
"Nous remercions tout le monde pour le matériel qui nous a été déposé, insiste Guillaume De Savigny. Cela va du stylo à la calculatrice, en passant par la petite imprimante. Parce qu’on n’a plus rien, en fait. On repart de zéro."
On a entendu dire qu’on aurait des aides de l’Etat, de la province, que l’assurance allait se débloquer rapidement... Pour l’instant, on a zéro.
Eric Leconte, vétérinaire
Un soutien financier toujours en attente
Reste la question des aides financières, qui manquent toujours à l’appel. "Notre situation est plus que compliquée. On a entendu dire qu’on aurait des aides de l’Etat, de la province, que l’assurance allait se débloquer rapidement, qu’il y allait avoir des prêts à taux zéro de la banque, énumère Eric Leconte. Et quand tu sollicites tout ça, il n’y a rien. Pour l’instant, on a zéro."
Les deux responsables ont déjà investi 11 millions de francs en matériel mais cela reste insuffisant. "En réalité, il faudrait 30 millions pour faire repartir la clinique et payer nos salariés. Pour l’instant, ils n’ont pas touché un centime car on ne peut pas les payer, indique Eric Leconte. On a quand même huit salariés. Le chômage partiel, on l’attend toujours."
Pillée, saccagée puis incendiée
La clinique de l’Hippocampe n’est pas la seule à avoir été incendiée depuis le début des émeutes. Celles de Boulari et de Dumbéa-sur-mer ont été prises pour cibles, elles aussi. "Ce sont les voisins qui nous ont alertés sur Facebook que la clinique était en train d’être pillée. Notre femme de ménage, qui habitait en face, a essayé d’intervenir, relate Colette Arpaillange, l’une des responsables de l’établissement de Dumbéa. On leur a demandé en priorité d’évacuer notre chat mascotte, résident de la clinique. Et puis, à un moment, ça a dérapé. En fin de journée, ils ont tout pillé, tout cassé et après, ils ont mis le feu."
Même si le bâtiment doit pouvoir être réhabilité, selon les experts, la réouverture de l’établissement semble incertaine. "On va peut-être prévoir de faire des tournées à Dumbéa-sur-mer, confie Colette Arpaillange. Mais on n’a pas encore pris de décision sur le fait de reprendre une activité sur site ou non."