Dans une étude, pour la Commission européenne, sur la demande future et la sécurité d'approvisionnement en nickel pour les batteries des véhicules électriques, huit experts soulignent le rôle central de l’Indonésie, nouveau géant du nickel. Sans ignorer la place de la Nouvelle-Calédonie.
L’étude Roskill, réalisée à la demande du Centre commun de recherche (JRC) de la Commission européenne, estime que l’approvisionnement en nickel commencera à être tendu à partir de 2027, notamment pour les fabricants des véhicules électriques européens.
L’étude, qui comprend 144 pages en anglais, commence par un constat. Sans un investissement d’au moins 4 à 7,5 milliards d’euros d’ici 2030 dans le secteur de l’industrie du nickel, l’Europe sera incapable d’accéder à autant de sulfate de qualité batterie électrique que nécessaire. La France a fait un premier pas significatif en apportant une contribution de 500 millions d’euros à l’Usine du Sud de la Nouvelle-Calédonie.
Roskill indique ensuite que "la production mondiale de nickel devrait augmenter de 4,7 % par an jusqu'en 2030, pour atteindre plus de 4 millions de tonnes". En 2030 toujours, près de la moitié de la production mondiale sera destinée aux batteries électriques. La contribution de l’Usine du Sud est prévue pour 60.000 tonnes, soit environ 5 % de la demande mondiale de « nickel électrique ».
Pour réduire la dépendance de l’Europe, les experts de Roskill préconisent de développer le recyclage : "en raison du manque de gisements de nickel prêts à être mis en valeur au sein de l’UE ". Deux entreprises européennes peuvent relever le défi du recyclage pour récupérer du nickel : Umicore et Eramet.
2 produits du nickel en concurrence
L’étude privilégie deux types de nickel pour les batteries ; tout d’abord le Mixed Hydroxid Product, une poudre intermédiaire raffinée qui est appelée Nickel Hydroxid Cake en Nouvelle-Calédonie, où elle contient aussi du cobalt. Mais, elle ne sera pas disponible en quantité suffisante, sauf si les projets hydro métallurgiques, notamment indonésiens, poussent comme des champignons.
Impossible n’est pas chinois
L’autre ingrédient, les chimistes du groupe chinois Tsingshan l’ont perfectionné. Ils se disent prêts à produire chaque année, et à bas coût, de 100.000 à 200.000 tonnes de Matte de nickel à partir de fonte (NPI), traditionnellement destinée à l’acier et qui servirait désormais à faire du nickel de qualité batterie. La technologie n'est pas nouvelle, mais elle permettrait de limiter les risques de pénurie, et d'offrir une alternative relativement abondante.
Depuis l’annonce du consortium chinois, début mars, le cours du métal a chuté passant de 20.00 dollars à 16.000 dollars la tonne. Pour les investisseurs, le risque de pénurie a diminué, le prix du nickel baisse. Pour les producteurs d'acier, y compris Tsinghan, c'est l'assurance d'avoir stoppé la flambée des cours du métal.
La Nouvelle-Calédonie, d'abord un producteur minier ?
Etrangement, dans l’étude Roskill, la Nouvelle-Calédonie, tout comme les Philippines, sont d’abord des "exportateurs de minerai de nickel vers la Chine" minerai qui sert à produire de la fonte (NPI) qui sera ensuite transformée en concentré, en matte (sulfure de nickel), dans des convertisseurs pour les batteries.
L’Indonésie survole et domine le marché
MHP ou Matte, pour relever le défi d’une production suffisante il n’y aura qu’un seul très grand producteur, selon Roskill. L’Indonésie, est décrite comme le "nouvel eldorado" du nickel. Le grand pays d’Asie du sud-est est cité presque à longueur de chapitres comme pouvant produire tous les types de produits pour les batteries électriques ; du nickel en veux-tu en voilà.
Le chinois Tsingshan se dit prêt à livrer en 2021 de la matte pour batterie, à partir de fonte de nickel (NPI) pour l'acier, dans son usine de Morowali. Et l’Indonésie se voit aussi producteur de batteries et de véhicules électriques, associée à des partenaires chinois et internationaux.
Coût de production de la matte indonésienne ? Autour de 15.000 dollars la tonne (source Bloomberg) ; ressources abondantes, faible coût du travail, facilités offertes aux investisseurs, contraintes environnementales encore limitées, il ressort de l’étude de Roskill, qu’aucun pays ne semble pouvoir rivaliser avec l’Indonésie.
Du nickel pour batterie en Papouasie-Nouvelle-Guinée
Ailleurs, dans la région Indo-Pacifique, Roskill s'attend à une expansion des producteurs, "tels que Ramu en Papouasie-Nouvelle-Guinée pour produire du sulfate de nickel". Il est indiqué que l’usine chinoise de PPG pratique le rejet des résidus miniers acides en mer profonde (deep-sea tailings), "ce qui pose des problèmes environnementaux."
L’Europe compte aussi sur la Finlande
Et pour l’Europe ? La source d’approvisionnement de proximité est la Finlande, une autre terre de nickel. Sur place, une grande usine hydro métallurgique adossée à la mine de Terrafame, est en construction. Le gouvernement de gauche (PSD-Verts), majoritaire au capital du consortium, est associé au négociant suisse Trafigura. "Le nickel finlandais alimentera les usines des fabricants européens de batteries". précise Roskill.
L’offre de nickel "ne devrait pas marquer le pas" avec d’autres projets hydro métallurgique en cours à Madagascar, en Turquie et à Chypre. En Grèce, Larco envisage de passer du ferronickel à la matte en installant un convertisseur pour remplaçer le fer par du soufre; son futur repreneur pourrait le décider et le financer…
Deux inconnues demeurent, selon Roskill ; "la faisabilité réelle et la date de mise en service des nouvelles usines, et les enjeux environnementaux" qui pourraient exclure, au moins pour l’Union Européenne, les productions hydro métallurgiques de nickel utilisant les rejets en mer. "Toutefois, l’Indonésie s’efforce de "verdir" sa production", conclut Roskill. Le cabinet d'experts miniers indique, à titre d'exemple, le projet hydro métallurgique de l’allemand Basf et du français Eramet à Weda Bay. Il exclut les rejets en mer et prévoit le stockage des résidus à sec", à l'exemple de l'usine du Sud en Nouvelle-Calédonie...
Les inquiétudes autour d'une pénurie de nickel pour les batteries se sont calmées, mais dans dix ans, quand 40 % des voitures neuves seront électriques, c'est une autre histoire...
Cours du nickel au LME de Londres, après clôture de la cotation hebdomadaire :16.220 dollars/t + 2,03 % Semaine - 1,03 %