Traverser la Nouvelle-Calédonie du sud au nord sans assistance : le pari un peu fou de Gaspard Émery

Gaspard Emery, avec son paquetage, à l'auberge de jeunesse de Nouméa.
Après un premier essai écourté par les émeutes de l’an dernier, ce voyageur suisse retente la traversée de la Nouvelle-Calédonie à pied et en canoë gonflable. Il s'apprête à partir de l’île des Pins, pour rejoindre l’archipel des Bélep, totalement en autonomie.

Il y a ceux qui ont été bercés par les romans de Jules Verne ou de Jack London. Et ceux inspirés par les récits contemporains de Mike Horn et Sarah Marquis. Gaspard Émery, 33 ans, fait partie de cette deuxième catégorie. Il faut dire que les deux célèbres explorateurs sont suisses, comme lui. Ce sont eux qui lui ont donné le goût des voyages extrêmes.

Parmi ses projets les plus récents : une expédition de 400 km à Madagascar pour un projet caritatif, et la traversée du plus grand désert de sel au monde en Bolivie. "Ça faisait 150 kilomètres. C’est un désert où il n’y a absolument rien. On apprend beaucoup sur soi-même et sur sa patience, dans ces conditions."

Traversée du plus grand lac de sel, en Bolivie.


1 000 km à la force des bras et des jambes

Mais le périple qu’il s’apprête à réaliser en Nouvelle-Calédonie reste à ce jour "le plus gros défi de [sa] vie". Il s’agit de traverser l’archipel du sud au nord en complète autonomie. Une distance de 1 000 km à pied et à la rame, qu’il compte parcourir en moins de trois mois.

Car Gaspard Émery ne part pas totalement en terre inconnue. En 2024 déjà, le Suisse avait tenté l’aventure d’une première traversée calédonienne, mais dans le sens inverse.

Parti de Bélep, à l'extrême nord, il avait ramé et marché sur près de 500 km, jusqu’à Poindimié, avant d’être stoppé net dans son élan par la crise insurrectionnelle du 13 mai. "Les habitants m’ont très gentiment accueilli. Mais à cause des émeutes, les chefs de tribu et la gendarmerie m’ont dit qu’il valait mieux ne pas continuer plus loin."

Entre mer et montagne

Arrivé en Nouvelle-Calédonie dans la nuit du 9 au 10 mars 2025, il s’est donné une semaine pour ficeler les derniers préparatifs. "Je dois compléter ma pharmacie, laisser le bateau gonfler une journée pour être sûr qu’il est au top. Et après cela, il faudra regarder la météo pour voir s’il n’y a pas trop de courant, de vent ou de houle en mer."

Car le volet maritime est un paramètre important de son voyage. "C’est la partie la plus risquée, pour moi, car je viens des montagnes. Je ne suis pas un connaisseur de la mer", admet ce trentenaire originaire des Alpes suisses.

Pour faire ces traversées à la rame, il a emporté dans ses bagages un "pack raft", une sorte de canoë pneumatique, qui peut se glisser dans son sac à dos, une fois dégonflé. Un matériel déjà éprouvé l’an dernier lors de sa première tentative. "J’ai déjà fait la traversée entre Bélep et la Grande Terre. Je sais que c’est possible."

C'est à bord de cette embarcation ultra-légère que Gaspard Emery avait rallié le nord de la Grande Terre depuis Bélep en 2024.


Une vingtaine de kilos sur le dos

Ce pneumatique représente une partie conséquente de son paquetage : six kilos sur les vingt-et-un kilos que pèse son sac. Pour éviter de transporter cette charge encombrante pendant la traversée de la Grande Terre, Gaspard Émery compte expédier son embarcation dans le nord, une fois passé le lac de Yaté. 

Le reste du matériel se compose de "tout ce qu’il faut pour vivre seul et dans la nature" : un hamac avec moustiquaire, un sac de couchage, une bâche pour se couvrir de la pluie, une machette pour ouvrir des chemins en forêt et une trousse à pharmacie, qu'il doit "encore compléter" avant de partir. 

Pour ce qui est des vivres, elles se limitent à deux kilos de nourriture et deux litres d'eau. "J'aurai surtout besoin d'un peu de nourriture et d'eau en mer. Car sur terre, on trouve des rivières un peu partout. On peut aussi pêcher des crevettes et des anguilles". 

Gaspard Emery lors de sa première tentative de traversée de la Nouvelle-Calédonie en 2024.


Hors des sentiers battus

Gaspard Émery attendait une fenêtre météo favorable pour lancer son expédition. Avant de partir, il a passé de nombreuses heures sur le tracé de ce périple très ambitieux. "J'ai travaillé sur mon itinéraire point par point. C’est une grosse partie du projet. Ça permet d’être mieux préparé, même s’il faut laisser la place à l’imprévu."

Oubliez la traditionnelle carte IGN qui prend l'eau et se déchire. Le randonneur cheminera à l'aide de son smartphone. Il partira du sud de l'Ile des Pins, au monument de Saint-Maurice, puis prendra la mer près de la baie de Kuto. Il fera ensuite escale sur différents îlots, avant d'effectuer la traversée jusqu'à Yaté. 

Une fois à terre, le montagnard espère "marcher le moins possible sur les routes mais plutôt dans la chaîne", hors des sentiers battus, même s'il lui faudra parfois fouler l'asphalte ou emprunter des chemins forestiers.

Sans oublier les spécificités du pays. "Je vais me renseigner auprès des populations locales pour voir s’il n’y a pas des endroits tabous, que je n’ai pas le droit de traverser. Ce que je comprends tout à fait."

Le corps humain est capable de tenir sans problème. C’est surtout le mental qui joue.

Gaspard Emery


Puiser dans le mental 

À quelques jours du départ, le trentenaire abordait ce nouveau défi avec sérénité. Pas de préparation physique spécifique au programme : il compte surtout sur son mental pour surmonter les épreuves. "Je sais que même si on est en manque de quelque chose, le corps humain est capable de tenir sans problème. C’est surtout le mental qui joue."

Impatient de rencontrer des habitants pendant son expédition, Gaspard Émery compte aussi partager ses péripéties avec les Calédoniens en publiant ses impressions au fil de son voyage, sur son compte Instagram et son profil Facebook.