Un Calédonien embarqué dans une plongée abyssale au large des îles Tonga

Jérémie Morizet est à bord d'un sous-marin avec un pilote australien.
L’océanaute Jérémie Morizet est entré dans la légende, ce 13 octobre, en effectuant la plongée la plus profonde de l’Histoire pour un Français. Il a atteint 10 806 mètres à bord d’un engin submersible, dans la fosse des Tonga. En surface pour l’assister, l’océanographe calédonien Clément Schapman.

Il l’a fait. Après deux tentatives avortées en raison d’un problème d’isolement de son sous-marin, Jérémie Morizet a repoussé les limites de l’exploration océanographique française. Dimanche, l’océanaute a plongé à presque 11 000 mètres de profondeur, au sud de l’archipel des Tonga.

"Dix heures"

Connu sous le nom d’Horizon deep, ce point est "le deuxième endroit le plus profond au monde", précise l’océanographe Clément Schapman. Ce Nouméen a assisté la mission depuis le bateau. "Mon rôle était de coordonner la plongée depuis la salle de contrôle en surface. C’est une plongée très longue qui dure dix heures, dont quatre heures de descente, deux heures au fond et quatre heures de remontée. Ici en surface, on vérifie que tous les équipements sont opérationnels, et on est en communication permanente avec eux. On envoie des messages à peu près toutes les dix minutes. Un message bref qui va mettre plusieurs secondes à descendre, on va attendre leur retour avec impatience, et c’est le soulagement quand leur retour va arriver bien sûr quelques secondes après."

"Gérer le stress"

Mission accomplie pour l’expédition de Deep Ocean search. "Je suis revenu vivant donc c’est un point positif", sourit Jérémie Morizet. Blague à part, ce type d’expédition reste expérimentale. "Il y a un petit moment solennel au moment de la mise à l’eau. Tout le monde est concentré, suit sa procédure et vous, vous êtes au milieu de tout cela à attendre dans votre combinaison bleu anti-feu qu’on vous donne les tops."

Jérémie Morizet a effectué la plongée la plus profonde de l’Histoire pour un Français lors d'une expédition expérimentale.

"Ce moment-là est un peu stressant", reconnaît Jérémie Morizet. "Mais là, pour ma dixième plongée à bord de ce bathyscaphe (un engin submersible), j’ai quand même appris un peu à gérer le stress. J’ai confiance en ce véhicule, ce qui n’était pas forcément le cas pour la première plongée. Je ne connaissais ni l’équipe ni l’engin."

Le Bakunawa

En 2022, c’est à bord de ce même sous-marin, le Bakunawa (un dragon des mers dans la légende philippine), qu’il avait retrouvé l’épave du destroyer américain Samuel B. Roberts au large des Philippines à 6 815 mètres de fond, ce qui en fait l’épave la plus profonde jamais découverte.

Jadis connu sous le nom de Limiting Factor, le Bakunawa avait participé à la célèbre exploration du Titanic en 2019.

"Une chance inouïe" 

Comme pour la plupart de ces plongées abyssales, peu d’espèces ont croisé le chemin du Bakunawa dans cette fosse des Tonga. "C'est le noir total. Il faut appâter pour attirer des espèces, rapporte Clément Schapman. Il y a très peu de vie mais ils ont observé quelques invertébrés".

Après avoir déjà participé à l’incroyable découverte de l’épave de l’Endurance en 2022, l’océanographe basé à Nouméa gardera de cette nouvelle mission un souvenir mémorable. "C’est une chance inouïe et une grande fierté de pouvoir faire partie de cette expédition", confie-t-il.

Ce n'est pas le record mondial

Le précédent record français de plongée en sous-marin remonte à 1962. Henri-Germain Delauze avait alors atteint les 9 645 mètres de profondeur dans une fosse au Japon.

Quant au record mondial, c’est l’explorateur américain Victor Vescovo qui le détient. En 2019, il était descendu à 10 928 mètres dans la fosse des Mariannes, la plus profonde du monde. À bord du même engin submersible que pour cette expédition aux Tonga.