Au lendemain du meurtre d'un policier sur les Champs-Elysées à Paris, l'enquête s'est concentrée sur le parcours du tueur, un multirécidiviste, et son lien éventuel avec le groupe Etat islamique.
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L'attaque de jeudi soir (heure de Paris), dans un contexte tendu avant le premier tour de l'élection présidentielle, a porté à 239 le nombre de morts dans des attentats jihadistes en France depuis 2015. Elle a suspendu la fin de la campagne présidentielle, que François Hollande a promis de sécuriser, à l'issue d'un Conseil de défense.
Le ministre de l'Intérieur Matthias Fekl a adressé un "message de reconnaissance" aux forces de sécurité, louées comme "le rempart de la démocratie", alors que 50.000 policiers et gendarmes, ainsi que 7.000 militaires, seront mobilisés dimanche pour le scrutin. "Rien ne doit entraver" ce "rendez-vous démocratique", a souligné M. Cazeneuve.
Relâché par la justice
Jeudi soir, le tueur, arrivé en voiture sur les Champs-Elysées, s'est porté à hauteur d'un car de police stationné sur l'avenue. Il est descendu et a ouvert le feu avec un fusil d'assaut kalachnikov sur le véhicule, tuant sur le coup le policier de 37 ans assis au volant, de deux balles à la tête, a précisé vendredi à la presse le procureur de Paris, François Molins.
Il a ensuite contourné le car de police et tiré à plusieurs reprises sur des policiers en faction sur l'avenue, blessant grièvement un policier de 34 ans, dont les jours ne sont pas en danger et légèrement un troisième policier de 31 ans et une passante allemande touchée au pied par des éclats de balle.
Le procureur Molins a souligné que Karim Cheurfi "n'était pas fiché S" (considéré comme une menace pour la surêté de l'Etat) et "n'avait pas présenté tout au long de sa période d'incarcération, donc pendant une période de quasiment 14 ans, (...) de signes de radicalisation ou de signes de prosélytisme".
Karim Cheurfi avait été arrêté le 23 février après avoir affirmé à un proche, en décembre, vouloir "tuer des policiers en représailles de ce qui se passait en Syrie", pris des contacts pour acheter des armes et acheté des couteaux commando, une mini-caméra et des masques sur internet.
Il avait été relâché le lendemain, la justice estimant ne pas disposer d'assez d'éléments, selon des sources proches de l'enquête. Une enquête antiterroriste avait néanmoins été ouverte en mars à son sujet.
Puis, en avril, il avait été convoqué par le juge d'application des peines de Meaux (Seine-et-Marne) car il avait effectué en janvier et février un voyage en Algérie - "pour s'y marier", selon lui - sans avertir la police, comme il en avait l'obligation. Lors de sa convocation, le juge n'avait toutefois pas révoqué son sursis avec mise à l'épreuve, a précisé François Molins.
Vive émotion des services de police
Karim Cheurfi, qui semble avoir agi seul selon les premiers éléments de l'enquête, avait été condamné en 2005 à quinze ans de réclusion pour tentatives d'homicide volontaire, notamment sur un policier en Seine-et-Marne.
Son lien exact avec le groupe jihadiste Etat islamique (EI), qui a rapidement revendiqué l'attaque jeudi soir, reste à établir.
Jeudi, un mot manuscrit défendant Daech a été retrouvé sur les lieux de l'attaque, avec un fusil à pompe, deux gros couteaux et un Coran.
Selon l'EI, l'attaque a été menée par un combattant du nom d'"Abu Yussef le Belge", une nationalité qui ne correspond pas à celle, française, de Karim Cheurfi.
Salim, un ami de la famille du tueur, l'a décrit à l'AFP comme un type qui "a un grain" et "a passé une bonne partie de sa vie en prison". Pour un voisin, qui dit le connaître depuis vingt ans, "ses actes, ses réactions, sa façon de marcher, son attitude étaient en décalage, comme s'il venait de Mars".
Les obsèques de Karim Cheurfi auront lieu mardi, a-t-on appris de source policière.
Plusieurs syndicats de police ont exprimé leur "émotion" et "leur colère". Alliance a appelé "les policiers, gendarmes et personnels administratifs" à se "rassembler au sein des services", massivement, lors de la prochaine cérémonie d'hommage national au policier tué.
Mardi, les autorités avaient annoncé avoir déjoué un nouvel attentat avec l'arrestation à Marseille de deux hommes soupçonnés de préparer au moins "une action violente", en pleine fin de campagne présidentielle.