C'était il y a trois ans, les attentats des 7, 8, et 9 janvier 2015 faisaient 17 morts. Trois ans après, des commémorations sobres, selon la volonté des familles, se succèdent en ce dimanche 7 janvier. Un des journalistes de Charlie Hebdo raconte la vie après l'attaque.
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C'était il y a trois ans, jour pour jour. La France commençait l'année 2015 dans la douleur avec trois jours de tensions et de psychose marqués par les attaques djihadistes contre Charlie Hebdo, puis deux jours plus tard, contre l'Hyper cacher de la Porte de Vincennes. Au total, 17 personnes ont perdu la vie au cours de ces deux jours.
Ce dimanche 7 janvier, l'hommage s'est voulu sobre, aucune prise de parole, juste les noms des douze victimes de l'attentat du 7 janvier 2015 à Charlie Hebdo, égrenés dans un silence recueilli.
Le président de la République a salué ensuite l'équipe du journal satirique, endeuillée. D'autres personnalités politiques étaient présentes : Anne Hidalgo, maire de Paris, Emmanuel Valls, de l'ancien gouvernement, Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur, Nicole Belloubet, ministre de la justice, Françoise Nyssen, ministre de la culture et Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement.
La veuve de Michel Renaud, un journaliste voyageur proche de l'équipe de Charlie Hebdo, a tenu à s'y associer. "C'était un humaniste, curieux des autres, qui a travaillé toute sa vie pour la France, voyagé toute sa vie dans le monde, il aimait les gens, il ne faisait aucune distinction entre les musulmans, les juifs, les chrétiens. Ce qui comptait, c'était la qualité humaine", témoigne Gala Renaud.
À l'extérieur du dispositif de sécurité, quelques anonymes se sont préssés pour ne pas oublier, à l'instar d'un couple venu des Vosges : "On a le devoir de soutenir les familles des victimes, et puis le devoir de dire aux gens qui ont fait ça que nous on est toujours là, et qu'on n'a pas peur".
Plus loin, sur le boulevard Richard Lenoir, c'est ici que le policier Ahmed Merabet, dont la mère est présente, est tombé sous les balles des frères Kouachi ce même 7 janvier 2015. Les cérémonies se sont achevées à la Porte de Vincennes, au supermarché Cacher, cible d'une seconde attaque terroriste le 9 janvier 2015.
Depuis cette terrible tragédie, ils sont rares au sein de l’équipe de l’hebdomadaire satirique à se confier. Fabrice Nicolino, lourdement blessé lors de l’attaque des frères Kouachi le 7 janvier 2015, a accepté de raconter cette vie après l’attaque à Francetvinfo. D’habitude, Fabrice Nicolino est chargé des questions d’écologie mais dans le dernier numéro anniversaire, il a décidé de raconter la vie à Charlie Hebdo, une rédaction qui vit en quelque sorte dans un bunker, à l’image de la dernière une choisie par l’hebdomadaire satirique.
" Tout a changé très brutalement après le 7 janvier", raconte le journaliste, atteint par trois balles lors de l’attaque, et aujourd’hui "diminué". "Je suis là donc je ne vais pas en plus me plaindre", estime-t-il. "Je ne suis pas adepte de la langue de bois mais il faut le dire : c’est flippant de travailler à Charlie", confie Fabrice Nicolino.
Depuis cette tuerie, les menaces continuent. "Certaines sont totalement délirantes" et feraient "presque rire" l’équipe du journal, "mais d’autres nous font penser qu’il y a derrière des gens très sérieux et qui sont capables de passer aux actes". L’hebdomadaire vit donc avec des mesures de sécurité drastiques : "il y a des portes à franchir", "des voitures lourdement blindées", et une "omniprésence de flics" pour assurer la sécurité d’un certain nombre de membres du journal. Une "panic room" a aussi été installée, "un endroit ultra-sécurisé où on est censé se précipiter en cas d’alerte", explique le journaliste.
Trois ans après l’attaque du journal, Fabrice Nicolino dit penser à ce jour tous les matins en se levant. "Le 7 janvier a figé quelque chose en moi. C’est facile à comprendre. Ça a totalement arrêté des souvenirs, des visages, des gestes, des paroles, témoigne le journaliste. Mes disparus sont là. Ça ne passera pas."
Il se souvient parfaitement de cette matinée où tous étaient serrés dans "un tout petit espace". Lui se trouvait à côté de Bernard Maris, tué lors de l’attaque. "C’est absolument vrai que c’était délicieux d’être à côté de lui. On se donnait des bourrades, des coups de coude. Il se marrait, c’était un homme qui se marrait énormément Bernard". Ironie du sort, Fabrice Nicolino et les autres discutaient avant l’arrivée des frères Kouachi, du retour des jeunes jihadistes. "Nous n'étions absolument pas d’accord, ça gueulait dans tous les sens."
Une quinzaine de mises en examen, et des énigmes toujours non résolues. L'enquête sur les attaques de janvier 2015 à Paris contre l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, contre la policière de Montrouge et contre le magasin Hyper Cacher de la porte de Vincennes, a fortement progressé l'an dernier. Si les commanditaires de ces attentats, qui ont fait 17 morts, sont toujours inconnus, trois ans plus tard, les investigations ont tout de même progressé.
L'enquête a progressé en 2017, notamment grâce aux traces ADN. Celles-ci ont permis de mettre en évidence les liens entre Amedy Coulibaly, le tueur de l'Hyper Cacher, et les frères Kouachi, qui ont attaqué Charlie Hebdo. En septembre, la justice a en effet annoncé que l'ADN de Coulibaly avait été mise en évidence sur un fusil d'assaut utilisé par les Kouachi.
On savait depuis janvier 2015 qu'Amedy Coulibaly, alors âgé de 26 ans, avait rencontré l'un des frères Kouachi en prison, à Fleury-Mérogis (Essonne), en 2009, et qu'ils étaient restés en contact. Les traces d'ADN confirment en outre qu'Amedy Coulibaly a joué un rôle-clé dans l'approvisionnement en armes des deux frères, d'autant que d'autres traces ont été retrouvées sur les armes d'Amedy Coulibaly.
Grâce à ces dernières empreintes, deux filières d'armement ont été mises au jour, l'une dans "la région lilloise, l’autre dirigé depuis la Belgique", écrit Le Monde. "Les deux étaient organisés autour de garagistes véreux, eux-mêmes plaque tournante de trafics en tous genres." La filière de Lille tournait autour de Claude Hermant, figure de l'extrême droite identitaire lilloise, condamné à 7 ans de prison pour trafic d'armes dans une autre affaire, en octobre 2017. Cet indicateur de la police achetait des armes démilitarisées en provenance d'Europe de l'Est, avant de les remettre en fonctionnement.
Le commerce auquel il se livrait a, en bout de chaîne, fini par équiper Amedy Coulibaly, auteur de l'attentat de l'Hyper Cacher. Six armes, dont des pistolets Tokarev, sont tombées dans les mains du jihadiste qui a assassiné en janvier 2015 quatre personnes dans ce magasin à Paris, avant d'être abattu. La veille, il avait tué une policière municipale à Montrouge (Hauts-de-Seine). Dans cette même filière, c'est Samir Ladjali, un des intermédiaires présumés de Coulibaly, qui est mis en examen dans le volet parisien du circuit des armes ayant fourni le jihadiste.
L'enquête s'est accélérée ces derniers mois avec la mise en examen de six nouveaux suspects depuis avril 2017. "Quatorze personnes ont été mises en examen, dont sept en 2017. Il s'agit d'hommes qui, de près ou de loin, auraient fourni une aide logistique aux frères Kouachi, responsables de la tuerie de 'Charlie Hebdo' ou à Amedy Coulibaly, auteur de la prise d'otages de l'Hyper Cacher. Ils sont soupçonnés d'avoir mis à disposition des armes, mais aussi des gilets pare-balles et de l'argent", explique ainsi France 2. Tous nient avoir eu connaissance du projet terroriste.
Les commanditaires des attentats, eux, restent toujours inconnus. L'attaque contre Charlie Hebdo a été revendiquée par Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA). Dans la vidéo diffusée après sa mort, Amedy Coulibaly a revendiqué l'attaque contre l’Hyper Cacher et l'assassinat de la policière de Montrouge, au nom du groupe terroriste Etat islamique. Mais on ignore qui a diffusé la vidéo. Les enquêteurs ne sont pas davantage parvenus à décrypter les messages contenus dans les boîtes mail des trois assaillants. Enfin, ultime énigme non résolue, la justice ne sait toujours pas qui a tiré à trois reprises sur un joggeur le 7 janvier à Fontenay-aux-Roses (Haut-de-Seine).
Les juges antiterroristes espèrent désormais achever au printemps 2018 leur enquête sur ces attentats qui ont frappé la France en plein cœur.
Ce dimanche 7 janvier, l'hommage s'est voulu sobre, aucune prise de parole, juste les noms des douze victimes de l'attentat du 7 janvier 2015 à Charlie Hebdo, égrenés dans un silence recueilli.
Le président de la République a salué ensuite l'équipe du journal satirique, endeuillée. D'autres personnalités politiques étaient présentes : Anne Hidalgo, maire de Paris, Emmanuel Valls, de l'ancien gouvernement, Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur, Nicole Belloubet, ministre de la justice, Françoise Nyssen, ministre de la culture et Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement.
La veuve de Michel Renaud, un journaliste voyageur proche de l'équipe de Charlie Hebdo, a tenu à s'y associer. "C'était un humaniste, curieux des autres, qui a travaillé toute sa vie pour la France, voyagé toute sa vie dans le monde, il aimait les gens, il ne faisait aucune distinction entre les musulmans, les juifs, les chrétiens. Ce qui comptait, c'était la qualité humaine", témoigne Gala Renaud.
Le devoir de dire "on n'a pas peur"
À l'extérieur du dispositif de sécurité, quelques anonymes se sont préssés pour ne pas oublier, à l'instar d'un couple venu des Vosges : "On a le devoir de soutenir les familles des victimes, et puis le devoir de dire aux gens qui ont fait ça que nous on est toujours là, et qu'on n'a pas peur".
Plus loin, sur le boulevard Richard Lenoir, c'est ici que le policier Ahmed Merabet, dont la mère est présente, est tombé sous les balles des frères Kouachi ce même 7 janvier 2015. Les cérémonies se sont achevées à la Porte de Vincennes, au supermarché Cacher, cible d'une seconde attaque terroriste le 9 janvier 2015.
"c’est flippant de travailler à Charlie"
Depuis cette terrible tragédie, ils sont rares au sein de l’équipe de l’hebdomadaire satirique à se confier. Fabrice Nicolino, lourdement blessé lors de l’attaque des frères Kouachi le 7 janvier 2015, a accepté de raconter cette vie après l’attaque à Francetvinfo. D’habitude, Fabrice Nicolino est chargé des questions d’écologie mais dans le dernier numéro anniversaire, il a décidé de raconter la vie à Charlie Hebdo, une rédaction qui vit en quelque sorte dans un bunker, à l’image de la dernière une choisie par l’hebdomadaire satirique.
La Une de #CharlieHebdo
— Christophe Grébert (@grebert) 2 janvier 2018
3 ans déjà#JesuisCharlie pic.twitter.com/NmK4l5bk4T
" Tout a changé très brutalement après le 7 janvier", raconte le journaliste, atteint par trois balles lors de l’attaque, et aujourd’hui "diminué". "Je suis là donc je ne vais pas en plus me plaindre", estime-t-il. "Je ne suis pas adepte de la langue de bois mais il faut le dire : c’est flippant de travailler à Charlie", confie Fabrice Nicolino.
Depuis cette tuerie, les menaces continuent. "Certaines sont totalement délirantes" et feraient "presque rire" l’équipe du journal, "mais d’autres nous font penser qu’il y a derrière des gens très sérieux et qui sont capables de passer aux actes". L’hebdomadaire vit donc avec des mesures de sécurité drastiques : "il y a des portes à franchir", "des voitures lourdement blindées", et une "omniprésence de flics" pour assurer la sécurité d’un certain nombre de membres du journal. Une "panic room" a aussi été installée, "un endroit ultra-sécurisé où on est censé se précipiter en cas d’alerte", explique le journaliste.
Un souvenir présent tous les matins
Trois ans après l’attaque du journal, Fabrice Nicolino dit penser à ce jour tous les matins en se levant. "Le 7 janvier a figé quelque chose en moi. C’est facile à comprendre. Ça a totalement arrêté des souvenirs, des visages, des gestes, des paroles, témoigne le journaliste. Mes disparus sont là. Ça ne passera pas."
Il se souvient parfaitement de cette matinée où tous étaient serrés dans "un tout petit espace". Lui se trouvait à côté de Bernard Maris, tué lors de l’attaque. "C’est absolument vrai que c’était délicieux d’être à côté de lui. On se donnait des bourrades, des coups de coude. Il se marrait, c’était un homme qui se marrait énormément Bernard". Ironie du sort, Fabrice Nicolino et les autres discutaient avant l’arrivée des frères Kouachi, du retour des jeunes jihadistes. "Nous n'étions absolument pas d’accord, ça gueulait dans tous les sens."
J’emmènerai dans la tombe le souvenir parfait, totalement vivant, de ces gens qui ont été tués instantanément sous mes yeux. Ce sont des souvenirs très présents, un peu trop présents parfois.
- Fabrice Nicolino à franceinfo
Où en est l'enquête ?
Une quinzaine de mises en examen, et des énigmes toujours non résolues. L'enquête sur les attaques de janvier 2015 à Paris contre l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, contre la policière de Montrouge et contre le magasin Hyper Cacher de la porte de Vincennes, a fortement progressé l'an dernier. Si les commanditaires de ces attentats, qui ont fait 17 morts, sont toujours inconnus, trois ans plus tard, les investigations ont tout de même progressé.
L'enquête a progressé en 2017, notamment grâce aux traces ADN. Celles-ci ont permis de mettre en évidence les liens entre Amedy Coulibaly, le tueur de l'Hyper Cacher, et les frères Kouachi, qui ont attaqué Charlie Hebdo. En septembre, la justice a en effet annoncé que l'ADN de Coulibaly avait été mise en évidence sur un fusil d'assaut utilisé par les Kouachi.
On savait depuis janvier 2015 qu'Amedy Coulibaly, alors âgé de 26 ans, avait rencontré l'un des frères Kouachi en prison, à Fleury-Mérogis (Essonne), en 2009, et qu'ils étaient restés en contact. Les traces d'ADN confirment en outre qu'Amedy Coulibaly a joué un rôle-clé dans l'approvisionnement en armes des deux frères, d'autant que d'autres traces ont été retrouvées sur les armes d'Amedy Coulibaly.
Deux filières d'armement mises au jour
Grâce à ces dernières empreintes, deux filières d'armement ont été mises au jour, l'une dans "la région lilloise, l’autre dirigé depuis la Belgique", écrit Le Monde. "Les deux étaient organisés autour de garagistes véreux, eux-mêmes plaque tournante de trafics en tous genres." La filière de Lille tournait autour de Claude Hermant, figure de l'extrême droite identitaire lilloise, condamné à 7 ans de prison pour trafic d'armes dans une autre affaire, en octobre 2017. Cet indicateur de la police achetait des armes démilitarisées en provenance d'Europe de l'Est, avant de les remettre en fonctionnement.
Le commerce auquel il se livrait a, en bout de chaîne, fini par équiper Amedy Coulibaly, auteur de l'attentat de l'Hyper Cacher. Six armes, dont des pistolets Tokarev, sont tombées dans les mains du jihadiste qui a assassiné en janvier 2015 quatre personnes dans ce magasin à Paris, avant d'être abattu. La veille, il avait tué une policière municipale à Montrouge (Hauts-de-Seine). Dans cette même filière, c'est Samir Ladjali, un des intermédiaires présumés de Coulibaly, qui est mis en examen dans le volet parisien du circuit des armes ayant fourni le jihadiste.
14 personnes mises en examen
L'enquête s'est accélérée ces derniers mois avec la mise en examen de six nouveaux suspects depuis avril 2017. "Quatorze personnes ont été mises en examen, dont sept en 2017. Il s'agit d'hommes qui, de près ou de loin, auraient fourni une aide logistique aux frères Kouachi, responsables de la tuerie de 'Charlie Hebdo' ou à Amedy Coulibaly, auteur de la prise d'otages de l'Hyper Cacher. Ils sont soupçonnés d'avoir mis à disposition des armes, mais aussi des gilets pare-balles et de l'argent", explique ainsi France 2. Tous nient avoir eu connaissance du projet terroriste.
Les commanditaires des attentats, eux, restent toujours inconnus. L'attaque contre Charlie Hebdo a été revendiquée par Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA). Dans la vidéo diffusée après sa mort, Amedy Coulibaly a revendiqué l'attaque contre l’Hyper Cacher et l'assassinat de la policière de Montrouge, au nom du groupe terroriste Etat islamique. Mais on ignore qui a diffusé la vidéo. Les enquêteurs ne sont pas davantage parvenus à décrypter les messages contenus dans les boîtes mail des trois assaillants. Enfin, ultime énigme non résolue, la justice ne sait toujours pas qui a tiré à trois reprises sur un joggeur le 7 janvier à Fontenay-aux-Roses (Haut-de-Seine).
Les juges antiterroristes espèrent désormais achever au printemps 2018 leur enquête sur ces attentats qui ont frappé la France en plein cœur.