Gaston Flosse défend sa proposition de Pays associé

Dans un long courrier à l'adresse de la ministre des Outre-mer, George Pau-Langevin, le Président du Tahoeraa Huiraatira défend avec ferveur sa proposition de Pays associé. 
Gaston Flosse défend sa proposition de Pays associé. C'est ce qu'il explique dans une longue lettre adressée à George Pau Langevin. En effet, le président du Tahoeraa Huiraatira reproche à la ministre des Outre-mer de confondre ce statut avec celui d’état associé. 

Selon Gaston Flosse, il ne s'agit pas de sortir de la République et d’être indépendant, mais plutôt de clarifier les relations entre l’Etat et la Polynésie française afin de sortir d’un rapport de force. Pour ce dernier, il faut être imaginatif.

lettre de Gaston Flosse à George Pau-Langevin


 
La lettre du Président du Tahoeraa Huiraatira
Papeete, le 23 mars 2015
N° 17.03.15/PR/hm

Madame la Ministre,

A l’occasion d’une interview que vous avez accordée à Radio One et diffusée dans son édition du vendredi 20 mars 2015, évoquant le projet de Pays associé vous avez déclaré :
« Un pays associé, c’est un pays indépendant ». Vous vous méprenez totalement sur la nature exacte de ce projet en le confondant avec celui d’Etat associé. Je vous rassure, contrairement à ce que vous sous-entendez, je ne suis pas devenu indépendantiste, comme votre allié politique, le Tavini Huiraatira, avec lequel le Parti Socialiste a signé une convention de partenariat et entretient des liens étroits. Ce n’est pas le statut qui fait l’indépendance. Ce choix reviendra aux Polynésiens le jour où la question leur sera posée par référendum.

A maintes reprises, j’ai eu l’occasion d’expliquer aux différents médias polynésiens auprès desquels vous auriez pu trouver des précisions utiles, que le projet sur lequel nous travaillons n’a rien à voir avec celui d’un Etat associé. Ce dernier suppose d’être d’abord indépendant, puis dans un second temps, de s’associer librement avec une autre Nation. Le projet de Pays associé au sein de la République, puisque tel est précisément son appellation, est radicalement différent. Comme l’indique son nom, il ne s’agit pas de sortir de la République, donc d’être indépendant, mais bien au contraire de clarifier, toujours au sein de la Nation française, les relations entre l’Etat et la Polynésie française afin que celles-ci sortent du rapport de force qui vient régulièrement les polluer.

En 1984, le statut d’Autonomie que je venais de négocier avec le Président de la République François Mitterrand et son ministre des Outre-mer, Monsieur Georges Lemoine, était déjà présenté par ses détracteurs, héritiers d’un jacobinisme dépassé, comme l’antichambre de l’indépendance. Je veux croire que vos propos traduisent un malentendu et que vous ne vous réclamez pas de cet héritage jacobin qui a fait tant de mal à l’Outre-mer.

Je crois qu’il faut sortir de ces faux semblants, de ce manichéisme démagogique. Les cadres institutionnels existants enferment les Régions, et plus particulièrement les collectivités d’Outre-mer, dans un modèle qui n’est plus satisfaisant, et qui représente le plus souvent un frein à leur développement. Car le statut, est bien plus qu’un cadre juridique qui organise les relations entre l’Etat et la Polynésie française, il est avant tout un outil au service du développement et de l’épanouissement des Polynésiens au sein de la République.

Il nous appartient d’être imaginatif. La relation entre la Polynésie française et la France ne saurait se résumer à choisir entre la départementalisation d’un côté, et l’indépendance de l’autre, que la plus grande majorité des Polynésiens refuse. D’ailleurs, le rejet de l’indépendance constitue la pierre angulaire du combat que mène le Tahoera’a Huiraatira depuis sa création en 1977. Mais, entre ces deux extrêmes, le champ des possibles est vaste.

Monsieur Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois, interrogé à ce sujet, déclarait : « Le statut de pays associé n’existe pas dans la constitution ».
L’Autonomie n’existait pas non plus dans la Constitution à l’époque de sa création, et la Polynésie avait déjà fait preuve d’innovation. Si trente ans plus tard, l’Autonomie,
à son tour, a montré ses limites, ce nouveau modèle statutaire reste à inventer sans pour autant constituer une rupture. Bien au contraire, la relation au sein de la République peut se fonder sur de nouvelles bases et elle peut encore se décliner de diverses manières. C’est le projet de Pays associé au sein de la République. 

Dans mon discours d’investiture devant l’Assemblée de la Polynésie française, le 14 septembre 1984, je rappelais déjà ce qu’était pour nous l’Autonomie que nous venions de conquérir : « Que renaisse ainsi la dignité de notre peuple, peuple jamais asservi mais toujours désireux de perpétuer librement son association avec le peuple français
au sein de la nation française». Vous-même qui êtes originaire des Antilles où l’histoire du peuplement de ces îles fut cruelle, ces propos devraient éveiller en vous un écho favorable. Cet état d’esprit est conforme à la lettre du préambule de la Constitution française qui affirme : « En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d'outre-mer qui manifestent la volonté́ d'y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l'idéal commun de liberté́, d'égalité́ et de fraternité́ et conçues en vue de leur évolution démocratique. »

Dès le début de notre histoire commune la relation des Polynésiens avec la France s’est construite sur une volonté libre, et chaque évolution statutaire est une manière de renouveler cette libre association avec la France en y apportant des aménagements et des améliorations. C’est pourquoi je disais en ouverture du colloque sur les 30 ans de l’Autonomie le 27 juin 2014 : « Au-delà des indispensables corrections à apporter au statut, nous pourrons certainement aller plus loin dans l’autonomie en fonction de notre capacité à nous prendre en charge. Faut-il parler de lien fédéral, de pays associé – j’ai bien dit de « pays » et non pas d’Etat - ? Ce pas, celui de pays associé, associé à la France bien sur, sera à mon avis, le futur statut de notre Tahiti Nui ». En conclusion, et pour que ma pensée ne soit pas trahie, je terminais mon intervention en disant ceci : « Permettez en tout cas à un vieil homme politique qui n’a pas d’illusion sur la durée de gouvernance qu’il peut attendre de la vie, de laisser un message simple à son peuple : quelle que soit la forme du statut, ne coupez pas le cordon qui nous relie à la France ». Il n’y a donc aucune ambiguïté dans le projet de Pays associé au sein de la République. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Ne me prêtez pas des intentions que je n’ai pas. 

Comme cela vous a été dit à Papeete, nous menons une réflexion sur cette question, car il s’agit ici de clarifier le rôle de l’Etat et le rôle de la Polynésie française, chacun dans ses compétences propres, sous le sceau de la Constitution et naturellement au sein de la République. Le moment venu, nous présenterons ce projet au peuple Polynésien sous la forme d’un référendum, puis à l’Assemblée de la Polynésie française, et nous demanderons à l’Etat son examen au Parlement. Lorsque le statut sera prêt, nous demanderons à l’Etat, une révision de la Constitution, car ce statut doit évidemment être protégé par la Constitution, tout comme c’est notre volonté que les Polynésiens puissent se prononcer sur cette évolution qui ne fait pas sortir la Polynésie française de la République. Nous sommes loin de l’indépendance que vous évoquez. Je crois même que ce projet, s’il était regardé pour ce qu’il est, pourrait représenter une alternative consensuelle à la Nouvelle Calédonie qui se déchire sur son avenir. Il pourrait même devenir le futur statut des collectivités françaises du Pacifique.

Mais là n’est pas notre priorité. La priorité, vous le savez, c’est l’emploi, grâce au décollage de notre économie et aux grands travaux que nous attendons toujours.
Je vous prie d’agréer, Madame la Ministre des Outre-mer, l’expression de ma considération distinguée. 

Gaston FLOSSE