La semaine dernière, des délégations indépendantistes et non-indépendantistes avaient été reçues à Matignon, Beauvau et l'Élysée. C'était la première fois depuis 2019 que les deux camps étaient réunis autour d'une même table pour évoquer l'avenir de l'archipel du Pacifique sud, peuplé de près de 280 000 habitants.
Emmanuel Macron et son gouvernement y avaient vu l'espoir d'un accord politique en vue d'une révision constitutionnelle en 2024 portant sur le statut du territoire.
Mais jeudi, l'Union calédonienne, la composante principale et la plus radicale du Front de libération kanak socialiste (FLNKS), a annoncé suspendre "toutes rencontres avec les représentants de l'Etat, y compris les réunions techniques, jusqu'à la tenue (de son) congrès annuel", prévu du 9 au 12 novembre prochain.
Conséquence : les responsables de ce mouvement ne devraient pas rencontrer Gérald Darmanin lors de sa prochaine visite sur le Caillou, prévue fin octobre. Sollicité par l'AFP, le cabinet du ministre de l'Intérieur n'a pas commenté la suspension de la participation de l'Union calédonienne aux discussions avec l'Etat.
La position de ce mouvement n'est pas celle de tous les indépendantistes. De son côté, l'Union pour l'indépendance (UNI), coalition également membre du FLNKS dont le président du gouvernement calédonien Louis Mapou est issu, avait indiqué au terme de la séquence parisienne être prête à ouvrir les négociations dès octobre.
Impensable pour l'Union calédonienne, qui juge "irrecevable" le projet d'accord de "cinq pages" proposé par l'Etat la semaine dernière, estimant qu'il ramènerait "30 ans en arrière" la population kanake.
"Révolution"
Gérald Darmanin avait détaillé samedi dans les colonnes du Monde le projet, qui prévoit une "modernisation des institutions" territoriales, avec "des changements dans la répartition des compétences entre les trois provinces et le gouvernement" calédonien et un nombre d'élus des provinces au Congrès de Nouvelle-Calédonie qui "réponde aux évolutions démographiques". Le gouvernement souhaite aboutir à un accord politique avant les élections provinciales de 2024. A minima, il souhaite procéder au dégel du corps électoral, pour ne plus limiter ce scrutin aux natifs et aux résidents calédoniens les plus anciens. Dans l'idée du gouvernement, l'accord préserverait le droit de la population à l'autodétermination mais ne proposerait pas "de date ou de durée pour l'atteindre". Une "révolution" selon Gérald Darmanin, pour qui cela retirerait une "épée de Damoclès".
Dans son communiqué publié à l'issue d'une réunion de sa commission exécutive, l'Union calédonienne qualifie le texte gouvernemental de "pas sérieux".Le mouvement juge en particulier que le gouvernement français n'a "pas vraiment montré sa volonté de prendre en compte (...) le règlement du contentieux colonial" et "la poursuite du processus de décolonisation de la Nouvelle-Calédonie". Pour l'UC, "force est de constater que la méthode de l'Etat Macron est toujours aussi fumeuse, hasardeuse et démunie de sens, lorsque l'on connaît la manière dont la construction des précédents accords a été réfléchie". Une référence aux accords de Matignon en 1988 et à l'accord de Nouméa de 1998, dont la rédaction finale avait fait l'objet d'un consensus des parties prenantes.
La Nouvelle-Calédonie est arrivée au terme du processus ouvert par l'accord de Nouméa, qui prévoyait l'organisation de trois référendums d'autodétermination. Si les consultations de 2018 et 2020 se sont déroulées sans encombre, le scrutin de 2021, en pleine crise du covid, a été boycotté par les indépendantistes, qui en contestent toujours le résultat, défavorable à l'indépendance comme lors des deux précédents référendums. Depuis, les indépendantistes ont refusé de discuter avec les "loyalistes", qui de leur côté estiment que les Calédoniens se sont définitivement prononcés en faveur du maintien dans la République française, malgré la faible participation (47% en 2021, contre 81% en 2018 et 84% en 2020).