Le visage ensanglanté, elle erre en pleine nuit. Il est une heure du matin, un 27 juin 2015. La sexagénaire se rend à la marine de Apoo iti, à Raiatea où elle tombe sur un couple. Elle leur explique avoir été agressée chez elle alors qu'elle dormait, son mari est absent étant en mission à l'extérieur. Le couple l'emmène directement à l'hôpital d'Uturoa, elle est évasanée le lendemain vers le CHPF. Une ITT de 30 jours lui est alors délivrée.
Pendant trois ans, il ne se passe pas grand-chose. Il faudra attendre que la victime écrive au procureur pour que les choses avancent. Une enquête menée par la gendarmerie de Raiatea est bien en cours mais les investigations stagnent. Dossier égaré, objets saisis mais pas mis sous scellés... Les errements de procédures sont importants. La section de recherche de Papeete finit par s'emparer de l'enquête.
Les enquêteurs remontent alors le fil et trouvent une trace ADN sur un tee-shirt et une taie d'oreiller. Une trace qui appartient à un homme habitant non loin des lieux de l'agression. Il avait été entendu par les autorités au moment des faits mais avait nié tout lien avec cette agression, prétextant avoir été avec sa femme toute la nuit.
En 2018, les gendarmes découvrent que cet homme à un passif judiciaire lourd. En 1998, à l'âge de 24 ans, il a été condamné pour agression sexuelle en réunion avec arme. Même modus operandi : il s'introduit chez une adolescente de 16 ans alors qu'elle dormait, il la frappe et lui impose des pénétrations digitales. Plus tard, en 2007, il est de nouveau condamné mais cette fois pour des vols en réunion.
Récit invariable de la victime
Le 26 août 2019, une nouvelle audition est organisée. La victime raconte les faits en détail. Ils font froid dans le dos. Ce triste soir, elle part se coucher à l'étage après avoir regardé la télévision. Réveillée par un bruit, elle pense d'abord à ses chats s'amusant avec ses rideaux. Elle descend aux toilettes, allume la lumière, puis se recouche. Mais, elle sent une présence.
Quand elle ouvre les yeux, elle distingue un individu avec un vêtement sur la tête. À partir de là, tout va très vite. L'homme lui porte des coups, pénètre son vagin avec ses doigts. La jeune femme crie mais son agresseur saisit un drap pour étouffer ses cris et s'empare d'un oreiller pour la faire taire. La victime expliquera aux enquêteurs s'être vue mourir.
Elle met son pouce devant son nez afin qu'elle puisse respirer, elle décide de ne plus bouger et de faire la morte. L'homme bondit du lit, la victime ne l'entend plus. Paniquée, elle s'enfuit de la maison. Nue, elle prend un peue pour se couvrir et se rend à la marina d'Apoo iti où elle rencontrera ce couple qui va l'aider. Ce récit, la victime le répétera à plusieurs reprises sans jamais changer de discours.
L'accusé nie avant de reconnaître une partie des faits
Nouvelle avancée le 16 août 2022, l'accusé est placé en garde à vue. Dans un premier temps, il nie l'agression sexuelle mais reconnaît avoir porté ce tee-shirt, sur lequel on retrouvera son ADN, et avoir frappé la femme. Selon lui, cette dernière était toujours vivante lors de son départ. Il reconnaît également avoir pris ses sous-vêtements et s'être masturbé avec.
À la barre, ce mercredi, l'homme explique être entré dans la maison pour voler de la nourriture. Puis, il est entré dans la chambre et a vu quelqu’un allongé sous les draps. Quand il se rend compte qu'il s'agit d'une femme, il se masturbe, lui assène trois coups de poing, la frappe à deux reprises avec un parpaing avant de la pénétrer de manière digitale. Il explique avoir mis un coussin et un drap sur la tête de la victime pour qu'elle ne le reconnaisse pas.
"Je n'ai jamais voulu la tuer, je ne voulais pas qu'on reconnaisse mon visage. Mais, j'avais bien l'intention de la violer"
Déclaration de l'accusé à la barre
Au moment des faits, l'homme à 41 ans et vit dans une cabane dans un faapu avec son épouse. Lors de cette première journée de procès consacrée à l'audition de l'accusé et des enquêteurs de la gendarmerie, le jury apprend qu'il a grandi à Raiatea, dans une maison familiale avec ses dix frères et sœurs. Son père travaillait à l'équipement, il buvait et parfois frappait sa mère. L'accusé a fait un CAP maçonnerie mais arrête l'école pour aider sa mère et son petit frère. Quelques années plus tard, il devient lui-même père de famille, il a deux enfants âgés aujourd'hui de 15 et 20 ans.
Jeudi, ce sera au tour de la victime et des experts d'être entendue. La troisième journée, vendredi, sera consacrée aux plaidoiries. L'accusé est jugé pour viol et tentative de meurtre. Il encourt la réclusion à perpétuité.