Dans le box des accusés, Tunui, 34 ans. À la barre, c'est un homme amaigri que le juré découvre. Un homme qui semble encore avoir l'esprit d'un enfant, il s'exprime et se comporte de manière enfantine. Il dira d'ailleurs avoir 26 ans et non 34. Le trentenaire a été diagnostiqué schizophrène en 2006 et mis sous tutelle dix ans plus tard. Aujourd'hui, il est accusé d'avoir poignardé son père à cinq reprises.
Les faits remontent au 8 mai 2021. Ce soir-là, la brigade de Papara est appelée pour une intervention sur Papeari suite à une agression à l'arme blanche. Sur place, un homme à terre encerclé par sa famille. Cet homme, c'est Tunui. Il vient de poignarder son père, qui s'est réfugié dans la salle de bain pour se soigner. Une chance, la victime est un infirmier urgentiste à Taravao, il se prodigue donc les premiers soins.
Mais que s'est-il passé ce soir-là de mai ? Les témoins défilent à la barre pour ce premier jour de procès. L'idée : comprendre cet acte. Le premier est le directeur d'enquête. Il décrit l’accusé comme un homme calme, qui reconnaît les faits mais ne sait pas l’expliquer. Autre témoin important : le père de l'accusé. Celui qui a donc reçu les cinq coups de couteau, une arme de 18 cm. Ce n’est pas la première fois qu’il fait les frais de la violence de son fils, déjà condamné à 4 mois de prison avec sursis pour des coups de couteau à son encontre il y a quelques années. Mais à la barre, le quinquagénaire martèle que son fils agit ainsi à cause de sa maladie.
"Il n'a pas voulu me tuer, il ne visait pas mes organes vitaux, c'était des coups au hasard".
Victime et père de l'accusé
Ce 8 mai, Tunui poursuit un adolescent dans le quartier. Il s'agit du petit copain de sa nièce qu'il semble vouloir rosser. La nièce alerte le père de Tunui, Jean. Ce dernier rattrape son fils et constate qu'il n'est pas dans son état normal. "Il avait les yeux écarquillés. Lorsqu'il est dans cet état, ça ne sert à rien de lui dire quoi que ce soit.", confie ce père de famille dans la salle d'audience. Alors qu'il demande à sa femme d'appeler les gendarmes, Tunui le poignarde. "Il n'a pas voulu me tuer, il ne visait pas mes organes vitaux, c'était des coups au hasard".
Pour Jean, le papa, la défaillance du système de santé quant à la prise en charge de ce genre de pathologie est en partie responsable de ce qui est arrivé. Sa schizophrénie est apparue à l'âge de 15 ans lorsqu'il a commencé à fumer du paka et après le choc du décès de sa grand-mère et de sa rupture avec son ex-copine. Face à la violence de son fils, Jean le fait interner dès qu'il peut mais les places sont rares. Il le fait suivre médicalement et mobilise la famille pour le surveiller. Impliqué dans cette maladie compliquée à gérer, il admet aujourd’hui avoir atteint ses limites pour protéger son garçon et son entourage.
"Il n'y a pas de structures pour ces personnes-là (...) Mon fils n'est pas un criminel, il est malade, il a besoin de soin"
La mère de l'accusé
Après la victime et le père de l'accusé, c'est au tour de la mère de témoigner. Elle aussi dénonce le manque de prise en charge et crie son désespoir à la barre. "Il n'y a pas de structures pour ces personnes-là (...) Mon fils n'est pas un criminel, il est malade, il a besoin de soin", explique cette maman qui rend visite tous les mercredis à son fils en prison où il dort depuis les faits. "Qu'attendez-vous de la cour", interroge alors la présidente de la cour. "Qu'il soit mieux pris en charge, qu'il soit soigné et pas simplement enfermé. Il est incapable de comprendre la punition", estime la mère de famille. Une famille qui face à la maladie et la violence se sent abandonnée par le corps médical.
D'autres témoins ont été entendus ce lundi. Parmi eux, la nièce et son petit copain. Tous racontent la même histoire. Ce qui se joue donc pour ce procès : c'est bien de savoir si l'accusé était en pleine possession de ses moyens ou s'il était en pleine abolition de discernement.
Demain, mardi, un expert qui est hors du territoire devrait être entendu par la cour. Le procès va durer 2 jours.