"Mettre en place la distribution de Viagra" : les maires inquiets par la baisse de la natalité, selon Cyril Tetuanui

Cyril Tetuanui, président du syndicat pour la promotion des communes
En Polynésie française, la natalité a diminué de moitié entre 1992 et 2022, selon le dernier recensement de l'Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF, février 2024). Plusieurs écoles de Tahiti ont dû fermer des classes à cause de cette chute de natalité. Pour tenter d'y remédier, des pistes de réflexion sont évoquées par les maires, et notamment le président du syndicat pour la promotion des communes, comme l'augmentation des allocations familiales ou encore la distribution de Viagra.

26,0 naissances pour 1 000 habitants en 1992, 13,9 en 2017 puis 12,9 en 2022 : le taux de natalité n'a cessé de diminuer ces trente dernières années en Polynésie, selon l'ISPF. 

Cette problématique démographique est devenue l'une des principales inquiétudes des tavana de Polynésie. Le sujet était au cœur des discussions lors du 33ème congrès des maires à Tubuai la semaine passée. 

Edouard Fritch, le maire de Pirae, l'a relevé : certaines communes se voient contraintes de fermer des classes d'école, comme à Arue, Pirae ou encore Paea, conséquence d'une baisse de la natalité. Parmi les propositions avancées : "augmenter les allocations familiales" ou..."mettre en place la distribution de viagra pour les hommes" - un médicament utilisé pour traiter l'impuissance masculine. Ces "pistes de réflexion" ont été évoquées par Cyril Tetuanui au micro d'Ibrahim Ahmed Hazi ce lundi matin dans l'émission "L'invité Café" sur nos ondes. "Il a vraiment dit ça ?" rétorque l'économiste Florent Venayre, étonné. Oui, le président du syndicat pour la promotion des communes a vraiment dit ça.

Menace pour nos systèmes de retraite et de protection sociale

Si l'idée peut faire sourire ou, au contraire, faire trembler les féministes, la baisse de la natalité pourrait avoir un impact très sérieux sur notre économie. "On a constaté que d'ici 2030, il y aura autant de Polynésiens de moins de 15 ans que de 60 ans et plus. Cela veut dire qu'il y aura un problème. Avec au moins 100 000 Polynésiens accompagnés par ceux qui auront entre 18 et 59 ans. Il y aura beaucoup de personnes seules. Il y aura moins d'enfants dans nos écoles, le maire de Pirae l'a cité. Peut-être que des écoles vont fermer" s'inquiète Cyril Tetuanui. 

Moins d'enfants qui naissent, cela signifie moins de personnes qui travaillent et donc qui cotisent. Il faut donc s'attendre à un impact sur : 

  • les retraites 
  • le système de santé
  • la fiscalité

"Les problèmes finiront par arriver et c'est bien de les anticiper dès maintenant. On a ici des dépenses de santé très importantes parce-qu'on a beaucoup de longues maladies. Pour l'instant, on prend cela sur les revenus des personnes actives. Mais on n'a pas beaucoup de personnes actives. On part d'un taux d'emploi très faible : 55%. On a déjà du mal à trouver un équilibre financier avec la protection sociale en Polynésie... Si on arrivait à augmenter le taux d'emploi, le fait que la baisse de la natalité soit relativement marquée ne serait pas aussi grave" analyse Florent Venayre, professeur de sciences économiques.

Ailleurs dans le monde, les grands pays ont recours à l'immigration pour combler le manque de main d'œuvre. Mais "en Polynésie c'est une problématique différente à cause du petit territoire et d'un certain nombre de réticences qu'on a à faire venir des gens qui ne sont pas des Polynésiens" précise l'économiste. Peut-être alors, songer à attirer les travailleurs de Nouvelle-Calédonie (d'autant plus dans le contexte de crise actuelle) ou de Wallis-et-Futuna... 

Sinon, peut-être que la distribution de viagra suggérée par les maires pourrait bien être la solution miracle. Avec 1,8 enfant par femmes, l'indice de fécondité Polynésien est en dessous du taux de renouvellement qui se situe autour de 2.

Les femmes font moins d'enfants ou les font plus tard. Plusieurs facteurs pourraient l'expliquer comme la baisse du pouvoir d'achat et l'évolution des mentalités avec des femmes qui se réalisent autrement qu'en devenant maman. Mais aucune étude sociologique n'a été menée récemment à ce sujet. 

À titre de comparaison, une baisse de natalité s'observe aussi en métropole, avec 12,5 naissances pour 1 000 enregistrés en 1994, contre 10,7 en 2022 (INSEE, 2023). 

Regardez le dossier sur la baisse de la natalité de Caroline Farhi et Melissa Chongue :