Remplacer des matériaux d’origine minérale non renouvelable par des matériaux d’origine biologique renouvelable, telle est la définition admise du biosourcing. Ce remplacement se traduit par la production de produits biosourcés.
Les matériaux biosourcés sont constitués ici en Polynésie de fibres de coco, de bananier, d’ananas, et bientôt de bagasse (résidu fibreux du broyage de la canne à sucre) ; ailleurs dans le monde de chanvre, de lin, de noyaux d’olives, de coquillages… Ils servent encore principalement au secteur de l’emballage. « J’y vois deux avantages, celui de réduire le volume de matériaux qui impactent l’environnement et celui de créer de l’emploi tout en valorisant les ressources », a formulé Florent Malbranche, fondateur de Brigad.
Ce jeudi, au Tech4islands summit, il a animé la table ronde intitulée : Le biosourcing / biomatériaux : une démarche nécessaire pour nos îles ?
Les biomatériaux (qui ne sont pas nécessairement biodégradables !) existent déjà en Polynésie. Leur potentiel est une réalité, leur mise sur le marché nécessaire en raison de l’urgence à agir pour l’environnement, leur développement possible car des financements existent. Sébastien Christian du fonds d’investissement américain Liberset l’a confirmé au cours de la table ronde. « Nous finançons des projets durables en stade de croissance, et nous avons des moyens. Pourtant cela reste difficile d’identifier les projets à accompagner », a-t-il nuancé. Il faut en effet réussir à placer le secteur entre le « mieux qu’avant » et « le bien ». Celui qui répond aux exigences environnementales en restant acceptable financièrement pour être commerciable.
Pacific Biotech, représenté à la table ronde par Xavier Moppert, produit des polymères à partir de bactéries. Florent Montaufray de Polyacht a détaillé le projet Cocorig qui consiste à utiliser de la bourre de coco pour fabriquer des cordes à destination notamment du secteur de la perliculture. « Soutenus par l’Union européenne nous répondons à une attente du Pays. » Nicolas Moufflet, président de Lyspackaging, a annoncé quant à lui le lancement en mai 2023 d’une production locale de biomatériaux à partir de fibres de coco et de canne à sucre. Cette initiative sera le fruit d’un transfert de technologie entre Lyspackaging et Biopack.
Nicolas Moufflet assure qu’il y a actuellement « plein de convergences ». Il a démarré ses travaux de biosourcing en 1999, assure qu’au début des années 2000 la pollution plastique n’était pas un sujet. À l’entendre, « la prise en compte du phénomène date de 2015. » Depuis, le biosourcing prend de l’ampleur. Une entreprise supplémentaire produisant 100 000 tonnes de biopolymères verrait le jour chaque année. Le coût de production des biomatériaux est toujours pointé du doigt, mais cela ne saurait durer. La pétrochimie, grand fournisseur de matériaux à bas prix pour le secteur de l’emballage, a récemment doublé, voire triplé ses tarifs. « L’industrie a même eu à gérer des pénuries », rapporte Nicolas Moufflet. Le coût de production des biomatériaux en revanche reste constant ce qui paraît être un avantage significatif dans le temps. « On va bientôt pouvoir devenir attractif ! »
Pour un territoire isolé, les biomatériaux présentent cet avantage de réduire la pollution, de créer des emplois mais également de réduire la dépendance. Sachant qu’en théorie, « tout pourrait être
biosourçable » a indiqué Tutea Richmond, docteur en chimie des matériaux, chargé de recherche à l’Université de la Polynésie française.