Dans cette partie du lagon de Tahiti fleurit un petit jardin corallien depuis 10 ans. Des boutures entretenues par les bénévoles de l’association Tamarii Pointe des Pêcheurs. "C'est dans cette zone qu'on va restaurer régulièrement, où on va transporter les coraux, où on va arracher des algues depuis dix ans, qui fait que c'est une petite zone restaurée au milieu du lagon", confie Jessica Tran, biologiste de l’association Tamarii Pointe des pêcheurs.
Avec une sonde, ils relèvent la température et la luminosité du lagon. Ici, il a fait 30 degrés en moyenne cette année et jusqu’à 32 degrés. Beaucoup trop chaud pour le corail. Il commence par pâlir, puis devient fluorescent avant d’être totalement blanc. Et si la température reste élevée trop longtemps, le corail meurt et les algues le recouvrent.
"Les coraux depuis des années ne sont pas en très bonne santé. On ne leur laisse pas assez de temps pour récupérer leur place dans le lagon. Et, malheureusement, blanchissement plus acidification, plus pleins de perturbation qu'on peut avoir localement et mondialement font qu'il y a moins de coraux ou qu'ils sont en mauvaise santé, et il y a beaucoup plus d'algues", analyse la biologiste.
Dans la passe poissonneuse de Arutua aux Tuamotu, les coraux sont déjà totalement blancs, comme recouverts de sable, et plus aucun poisson. Sur l’île de Moorea aussi, la pente externe du récif accumule les agressions. Il ne reste aujourd’hui plus que 5 à 10% de couverture corallienne contre 30% auparavant.
"On a des températures qui sont beaucoup plus soutenues, on l'observe à l'extérieur mais sous l'eau aussi. À l’heure actuelle, la température de l'eau atteint les 29,5-29,6. Et on sait justement que le seuil du blanchissement des coraux, en tout cas les îles de la Société et autour des Tuamotu, est autour des 30 degrés", explique Claire Boitel, doctorante au CRIOBE.
Avec une eau trop chaude et une trop forte luminosité, l’algue zooxanthelle est expulsée du tissu animal du corail qui redevient transparent. Si la symbiose ne se rétablit pas rapidement, le corail peut mourir à terme. Et il n’est pas le seul à blanchir…
Simon Van Wynsberge rentre d’une mission de recherche à sur l’atoll de Reao aux Tuamotu. Le bénitier, à l’état sauvage ou en collectage pour l’aquariophilie, y est particulièrement surveillé. "À partir du mois de février, la température a commencé à augmenter, et ensuite elle est restée au-dessus de 30 degrés pendant 40 jours consécutifs", observe Simon Van Wynsberge, chercheur en dynamique des populations et écologie à l’UMR241 SECOPOL.
"On sait que la température mais aussi la lumière induit le blanchissement. Donc, on peut jouer parfois sur des structures aquacoles pour essayer d'ombrager un petit peu les bénitiers. Ce sont des solutions à tester, il faut voir, faire des tests pour voir si ça fonctionne".
Simon Van Wynsberge - chercheur
Dans le lagon, seul un bénitier sur 10 a gardé ses couleurs. Lui, aussi, vit en symbiose avec la zooxanthelle, expulsée en cas de fortes températures et forte lumière. Simon fait partie de l’équipe qui tente de trouver des solutions pour contourner le réchauffement de l’océan. "C'est préoccupant pour les pêcheurs et les aquaculteurs car leur revenu dépend de cette ressource. C'est de trouver des zones au sein du lagon plus fraîches, plus épargnées par ces vagues de chaleur, ces canicules marines, ou alors de trouver aussi pour l'aquaculture des solutions basées sur par exemple la lumière. On sait que la température mais aussi la lumière induit le blanchissement. Donc, on peut jouer parfois sur des structures aquacoles pour essayer d'ombrager un petit peu les bénitiers. Ce sont des solutions à tester, il faut voir, faire des tests pour voir si ça fonctionne".
Le corail est une protection côtière mais aussi une source de nourriture et un incroyable écosystème. Il abrite un quart des espèces sous-marines. Il est le cœur de nos lagons.