Emoi international après le décès de la marathonienne Rebecca Cheptegei, brûlée par son compagnon

Rebecca Cheptegei (au centre, en maillot jaune) au marathon femmes des championnats du monde de Budapest, en août 2023.
"Crime odieux", "féminicide", "violence insensée" : le monde du sport et des associations de défense des droits des femmes condamnent ce jeudi 5 septembre, le décès au Kenya de la marathonienne ougandaise Rebecca Cheptegei, brûlée vive par un homme présenté comme son compagnon. L'athlète de 33 ans avait participé au marathon des Jeux Olympiques de Paris.

La marathonienne ougandaise Rebecca Cheptegei, est décédée des suites de ses blessures, ce jeudi 5 septembre, après avoir été brûlée vive par un homme présenté comme son compagnon. 

L'athlète de 33 ans avait participé au marathon des Jeux olympiques de Paris (44e).

Brûlée "à plus de 80%", elle a succombé à "une défaillance de plusieurs organes", a annoncé Kimani Mbugua, responsable de l'unité de soins intensifs au Moi Teaching and Referral Hospital (MTRH) de la ville d'Eldoret.

Elle avait été hospitalisée dimanche après avoir été arrosée d'essence et embrasée chez elle par un homme, identifié comme Dickson Ndiema Marangach, alors qu'elle revenait de l'église avec ses enfants.

La marathonienne vivait avec sa soeur et ses deux filles, âgées de 9 et 11 ans, selon le quotidien kényan The Standard, dans une maison qu'elle avait fait construire à Endebess, localité où elle s'entraînait, à 25 kilomètres de la frontière ougandaise.

Un rapport de police a présenté l'athlète et le suspect comme "un couple qui avait constamment des disputes familiales".

Selon le père de Rebecca Cheptegei, l'attaque a pour origine un différend au sujet du terrain que sa fille avait acheté pour construire sa maison.

Egalement brûlé et hospitalisé, le suspect est dans un état "stable", sous respirateur artificiel, a indiqué à l'AFP le directeur par interim du MRTH Owen Menach, ajoutant qu'"il est maintenant sous surveillance policière 24H/24."

"Féminicide"

L'annonce de ce meurtre a suscité une vive émotion.

Le président du Comité International Olympique, Thomas Bach, s'est dit "choqué et profondément attristé" de cette "horrible attaque".

"La nouvelle de la mort tragique de notre fille, Rebecca Cheptegei, à la suite de violences conjugales est profondément troublante", a réagi sur X la Première dame ougandaise Janet Museveni, également ministre des Sports.

"Cette tragédie nous rappelle avec force que nous devons faire davantage pour lutter contre la violence sexiste dans notre société, qui a fait son apparition ces dernières années dans les cercles sportifs d'élite", a estimé le ministre kényan des Sports, Kipchumba Murkomen, dans un communiqué.

Pour les organisateurs des Jeux de Paris, ce "crime odieux rappelle la réalité alarmante de la violence qui touche trop de femmes dans la société".

"Oui, c'est un féminicide. Nous devons mettre fin aux féminicides", a lancé sur X Njeri Migwi, cofondatrice de l'association "Usikimye" ("Ne reste pas silencieuse" en swahili), refuge pour victimes de violences sexuelles et sexistes.

Ce décès vient s'ajouter à ceux de nombreuses autres femmes au Kenya, où 152 féminicides ont été enregistrés en 2023 par l'organisation Femicide Count Kenya, qui souligne toutefois que "le nombre réel est certainement plus élevé".

Un rapport de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) évoquait 725 cas de féminicides en 2022.

Agnes Tirop, le déclic

Le monde de l'athlétisme au Kenya a particulièrement été frappé par ces violences ces dernières années.

"Cette violence insensée doit cesser", s'est indignée l'athlète roumaine d'origine kényane Joan Chelimo, qui a cofondé l'association Tirop's Angels, créée au Kenya par des athlètes pour lutter contre les violences faites aux femmes après la mort d'Agnes Tirop.

Le meurtre en octobre 2021 de cette prometteuse athlète de 25 ans, double médaillée de bronze mondiale du 10.000 m (2017, 2019) et 4e des JO de Tokyo sur 5.000 m, avait bouleversé le monde de l'athlétisme au Kenya, où ce sport est roi.

La jeune femme avait été retrouvée poignardée à mort à son domicile d'Iten, célèbre lieu d'entraînement pour la course de fond dans la vallée du Rift.

Son mari Emmanuel Ibrahim Rotich est poursuivi pour meurtre. Il nie les accusations. Son procès est en cours.

En avril 2022, une autre athlète bahreïnie d'origine kényane, Damaris Mutua, avait été retrouvée morte à Iten. Son compagnon, en fuite, est soupçonné de l'avoir tuée.

Reaction de l'ONU

L'ONU a "fermement" condamné jeudi le "meurtre violent" de l'athlète ougandaise Rebecca Cheptegei.

"Chaque jour dans cette salle, nous passons beaucoup de temps à parler des problèmes liés à la paix et la sécurité dans le monde. Aujourd'hui, je veux prendre un moment pour évoquer la mort tragique d'une personne qui illustre un problème plus large trop souvent ignoré", a déclaré devant la presse Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, avant de décrire la mort de la marathonienne de 33 ans.

"Nous nous joignons au Fonds des Nations unies pour la population et à ONU-Femmes pour condamner fermement son meurtre violent", a-t-il ajouté.

"Les violences basées sur le genre sont une des violations des droits humains les plus répandues dans le monde et devraient être traitées comme telles", a insisté le porte-parole, évoquant des chiffres de l'ONU estimant que "toutes les 11 minutes, une femme ou une fille est tuée par son partenaire ou un membre de sa famille quelque part dans le monde". Des chiffres probablement sous-évalués.

"Comme l'a dit le secrétaire général, nous vivons dans une culture dominée par les hommes, qui rend les femmes vulnérables en les privant d'égalité, de dignité et de droits".

"Nous en payons tous le prix. Nos sociétés sont moins pacifiques, notre économie moins prospère et notre monde moins juste. Mais un autre monde est possible", a-t-il ajouté.