France : Entre 110.000 et 300.000 manifestants pour dénoncer le « coup de force de Macron »

France : Entre 110.000 et 300.000 manifestants pour dénoncer le « coup de force de Macron »
Le rêve fané de voir la gauche à Matignon, le souhait abondamment crié d'imaginer Emmanuel Macron destitué et la "colère" face à un vote jugé bafoué : entre 110.000 et 300.000 manifestants de gauche ont défilé en France, samedi 7 septembre, contre "le coup de force de Macron".

Avec quelque 150 mobilisations prévues dans la toute la France, la gauche, La France Insoumise en tête, a choisi la rue comme tour de chauffe d'un automne politique qui s'annonce brûlant. Sur le réseau social X, la cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot a revendiqué 160.000 manifestants à Paris et 300.000 en France. Selon le ministère de l'Intérieur, les cortèges ont rassemblé 110.000 personnes dans tout le pays dont 26.000 dans la capitale.

"Déni de démocratie", "les Français n'ont pas voté pour ça", "qu'il [ndlr : Macron] démissionne": dans les cortèges, les mêmes mots, souvent, pour dire l'indignation, la rancœur et la colère face à la nomination du LR Michel Barnier comme Premier ministre, un poste qu'Emmanuel Macron a refusé à Lucie Castets, la candidate du Nouveau Front populaire (NFP), arrivé en tête lors des législatives anticipées de juillet.

La colère des manifestants

Cindy Rondineau, photographe de 40 ans, et son compagnon Aubin Gouraud, paysan de 42 ans, ont le cœur très à gauche mais disent ne pas avoir l'habitude de manifester. Samedi matin, ils ont pourtant fait le déplacement de Chaumes-en-Retz jusqu'à Nantes pour manifester car, disent-ils, ils sont "vraiment en colère". "Nous avons vraiment l'impression de ne pas être écoutés en tant qu'électeurs", lâche le couple. Leur fille de 8 ans porte une pancarte "Macron t'es foutu, les CE2 sont dans la rue". La manifestation a rassemblé entre 2.500 personnes, selon la préfecture, et 8.000 participants selon les organisateurs.

À Rennes, la manifestation a réuni dans le calme, 4.800 personnes. À l'autre bout de la France, l'affluence était moindre à Nice. Dans un département où RN, LR et les listes d'union Ciotti-RN se partagent l'ensemble des neuf circonscriptions, de 900 à 1.000 personnes selon les sources ont manifesté derrière la banderole "Défendons notre démocratie".

"Abasourdi"

Drapeaux des insoumis ou palestiniens qui claquent au vent, à Marseille les organisateurs s'époumonent dans des mégaphones avant que la manifestation, qui a réuni entre 3.500 (police) et 12.000 personnes (organisateurs) à l'appel des organisations syndicales de jeunesse, du PCF, de LFI et de la CGT 13, ne s'ébranle depuis la porte d'Aix.

"On a l'impression qu'il n'y aura jamais moyen de mettre la gauche au pouvoir", se désole Louise, 30 ans, dans le cortège lyonnais qui a réuni 5.100 personnes selon la préfecture. "On s'est beaucoup bougé pendant les élections pour aller voter, pour être présents et avoir cet engagement citoyen et ça n'a servi à rien."

"La Cinquième République est en train de s'effondrer. Je pense que, dans tous les cas, exprimer son suffrage ne servira à rien tant que Macron sera au pouvoir"

Manon Bonijol, 21 ans - manifestante

Sur une place de la Bastille pas complètement pleine, Abel Couaillier, 20 ans, étudiant qui a fait la campagne de François Ruffin aux législatives, confesse être "abasourdi" par la nomination de Michel Barnier : "un vieil éléphant de la politique".

 "c'est une dictature qui se met en place. Ça fait un moment qu'on n'était plus écouté dans les rues, maintenant on n'est plus écouté dans les urnes. Manifester, c'est mon seul moyen de dire que je ne suis pas d'accord même si j'ai bien conscience que ça ne sert à rien."

Alexandra Germain, 44 ans, cheffe de projet - manifestante



"La démocratie, ce n'est pas seulement l'art d'accepter d'avoir gagné, c'est aussi l'humilité d'accepter de perdre", a lancé  à l'adresse d'Emmanuel Macron le patriarche Insoumis Jean-Luc Mélenchon, juché sur un camion dans le cortège de la capitale."Ce que Macron nous offre ce n'est pas une cohabitation, c'est une provocation", a tancé sur BFMTV la cheffe des écologistes Marine Tondelier, promettant de ne pas se "résigner", dans le rassemblement de Lille. Mais les troupes mélenchonistes peinent à faire le plein de soutien à gauche: comme les grandes centrales syndicales, le PS n'a pas relayé l'appel à manifester samedi et seuls six élus écologistes et trois Ultramarins ont paraphé, en plus des députés LFI, la proposition de destitution.

Un gouvernement "fragile" ?


La pression n'est pas venue que de la gauche samedi. Le président du Rassemblement national Jordan Bardella, en déplacement à la foire de Châlons-en-Champagne, a exigé de Michel Barnier que "les sujets du Rassemblement national" soient pris en compte par un futur gouvernement étiqueté comme "fragile". Si le RN a jusque-là fait savoir qu'il jugerait le Premier ministre "sur pièces", et n'entendait pas tenter de le renverser à l'Assemblée nationale avant de connaître le contenu de son programme, le ton s'est durci, le parti à la flamme capitalisant sur son contingent de 126 députés (142 avec les alliés d'Eric Ciotti).

"Nous aurons sans doute un rôle d'arbitre dans les prochains mois et à compter d'aujourd'hui", a rappelé le chef du RN."Je crois qu'à compter de ce jour, M. Barnier est un Premier ministre sous surveillance (...) d'un parti politique qui est désormais incontournable dans le jeu parlementaire", a-t-il ajouté, tout en assurant plus tard sur TF1 ne pas vouloir participer "au désordre institutionnel et au chaos démocratique".

Le casting gouvernemental 

"Moi, je suis sous la surveillance de tous les Français", a rétorqué M. Barnier en marge de son premier déplacement en tant que chef du gouvernement, à l'hôpital Necker à Paris. À l'adresse de la gauche, il a récusé les mots de "coup de force, qu'il n'y a pas lieu de prononcer". "On n'est pas dans cet état d'esprit là. L'esprit, c'est de rassembler autour d'un projet d'action gouvernementale", a-t-il encore plaidé, faisant valoir que la situation financière du pays était "grave".

Le Premier ministre a également poursuivi samedi ses consultations à Matignon où il a échangé samedi matin avec sa prédécesseure Elisabeth Borne avant de déjeuner à l'Assemblée avec la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet. Dimanche, il recevra les représentants d'Horizons, dont un autre ex-Premier ministre, Edouard Philippe. En jeu, le casting gouvernemental et surtout l'établissement d'une feuille de route, exercice périlleux dans une Assemblée fragmentée.