Sept ans, de multiples soulèvements populaires et des bras de fer judiciaires plus tard, le gouvernement se décide à racheter une partie de la plage, au nom du bien commun. Lors de la première séance de la session extraordinaire qui s'est tenue à l'assemblée de la Polynésie française, le jeudi 23 février 2023, le ministre des finances Yvonnick Raffin expliquait que les tarifs du mètre carré ont été définis par la commission du domaine. Réunie le 20 janvier dernier, elle a estimé à 19 000 FCP le mètre carré pour cette parcelle de Tema'e, là où se situe la plage. Le gouvernement souhaite racheter 8 hectares sur 29.
Avis mitigés
"Heureusement que les associations se sont levées pour que la population de Moorea puisse continuer à utiliser quotidiennement cet endroit merveilleux", soutiennent Jacques et Nathalie, habitants de Moorea.
Poema, également résidente de l'île, partage le même avis : "ça me rassure, enfin je crois que ça rassure toute la population de Tema’e plutôt. (...) Je ne suis pas d’accord [pour que le projet hôtelier se fasse]. Moi, j’aimerais voir le lagon [rester] comme ça."
Projet hôtelier
Pour autant, le projet hôtelier n’est pas définitivement enterré. Rappelons que le Plan de Gestion des Espaces Maritimes de Moorea, le PGEM, modifié par le gouvernement en septembre 2021 sans consultation des associations, permet aujourd’hui la construction de bungalows sur pilotis, sur une zone délimitée de la plage. Poursuivi au tribunal administratif par l'association des habitants de Tema'e Moorea, le pays a été sommé par le tribunal administratif le 6 septembre 2022 d'annuler l'article y faisant référence. A ce jour, le PGEM n'a toujours pas été modifié au Journal officiel de la Polynésie française.
Il faut savoir que le terrain de Tema’e fait 53 hectares, il a été racheté à un étranger en début d’année de 2022, et donc avec un projet hôtelier touristique sur le site et avec un aménagement en tout les cas au niveau public
Nancy Wane, représentante du groupe WANE
En clair, vous maintenez votre projet, c'est juste une partie de la parcelle de Tema'e que vous revendez au pays ? "Exactement", précise t-elle, "c'est une partie des 53 hectares qui seront recédés au pays. C'était un des projets initiaux puisque le pays ne pouvait pas se positionner pour le rachat global du projet, du terrain à l'époque, et donc, nous, nous avons un projet hôtelier, et à côté vraisemblablement, puisque cela a été acté hier [jeudi 23 février 2024] à l'Assemblée, une partie de leur budget serait attribuée au rachat d'une partie du terrain afin de l'aménager en zone publique".
Rachat tardif
Cette transaction, à la veille des élections, interroge dans les rangs de l’opposition.
Sur cette AP [autorisation de programme, ndlr] de 3, 5 milliards que vous créez pour acheter les terrains à Haapiti et à Tema’e. Alors, êtes-vous sérieux aussi là ? Après avoir été sourds aux demandes des associations sur le sujet ! Pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt ?
Teva Rohfritsch, élu non-inscrit à l'Assemblée de la Polynésie française
Tout simplement parce-que "la population de Moorea souhaitait que cette partie reste publique, nous on l’écoute ! (...) Notre rôle n’est pas non plus d’empêcher à tout va que les opérations se fassent" défend Luc Faatau, élu Tapura huiraatira à l’assemblée de la Polynésie française, et co-rapporteur.
Mais comme Teva Rohfritsch, les associations sont dubitatives.
C’est marrant parce qu’en plus, c’est à la veille des élections ! Alors ? C’est un effet d’annonce ? C’est quoi le truc ?! Et là, vous avez 3 hectares 2. Prenez 3 hectares 2, payez les au prix d’un terrain non constructible et vous allez faire des économies et nous aussi !
Alain Bonno, président de l’association des habitants de Tema’e - Moorea
Car selon le plan général d’aménagement de Moorea, 3 hectares sur le rivage constituent une emprise réservée de jardin public pour un projet communal.
En clair, la commune et le Pays pouvaient user de leur droit de préemption avant que le bien soit vendu à Louis Wane. Mais surtout, cet emplacement réservé empêche toute construction sur la zone en question.
Le sort est entre les mains des autorités de l’île pour savoir si on désinscrit l’emprise réservée, ce qui permettrait à Monsieur Wan de construire jusqu’en bord de plage, ou si au contraire on la maintient et on fait un parc public pour tout le monde
Alain Bonno, Président de l'association des habitants de Tema'e Moorea
Si la vente est conclue, Tema’e pourrait être accessible uniquement par l’aérodrome, pour les riverains et le public.