C’est le poumon de la Polynésie. Sa raison d’être est de réaliser des investissements. Le Port autonome de Papeete, porte d’entrée de toutes les marchandises importées du territoire, doit, selon la Cour des comptes, se doter rapidement d’une stratégie de développement.
Pour Mahinui Temarii, employé à la manutention durant cinquante ans, mais également syndicaliste en tant que secrétaire général du rassemblement des travailleurs polynésiens, il y a urgence, notamment en termes de sécurité. "Depuis que j'ai commencé, il y a eu beaucoup de décès, écrasés par les containers, écrasés par les engins, il y en a beaucoup. Ils sont en train de lancer des appels d'offres pour la sécurité dans le port. Et la police que fait-elle ? Ils sont beaucoup dans les bureaux, mais qu'est-ce qu'ils font ? Ils sont embauchés pour regarder la sécurité alors que normalement c'est leur travail ?" s'insurge-t-il.
Un schéma directeur à hauteur de 38 milliards de francs pacifiques a récemment été validé par la direction de l’établissement. Il définit les grands projets à mener sur dix ans. Une feuille de route financée par la principale ressource du Port : la taxe de péage. Elle représente plus de 40% de ses recettes et rapporte près de 2 milliards de francs par an au Pays.
Or cette taxe, dépendante d’une stabilité politique, devrait faire l’objet d’une convention d’objectifs et de moyens, inexistants actuellement entre les deux entités, comme l'explique Brigitte Roman, magistrate et 1ère conseillère de la Chambre territoriale des comptes de Polynésie :
"La particularité de la taxe de péage en Polynésie française, c'est que c'est une délibération de l'Assemblée qui l'a votée et aujourd’hui son affectation est intégralement reversée au port autonome. Le sens de notre rapport était donc d'essayer de pérenniser le financement du port autonome, en rappelant quand même qu'une des données nouvelles qu'il y a dans ce rapport, c'est que le port autonome a contracté, auprès d'un pôle bancaire, un emprunt total de huit milliards de francs pacifiques, qu'il devra évidemment rembourser selon des échéances annuelles."
Cet emprunt de 8 milliards finance, entre autres, le terminal de croisière international. Mais l’enjeu essentiel, le projet majeur, reste l’approfondissement de la passe de Papeete. La modification permettra l’entrée des gros cargos, obligés de transférer leurs marchandises en Nouvelle-Zélande dans des bateaux plus réduits, pour les acheminer en Polynésie. Résultat : des coûts de transport supplémentaires et au final des prix à la consommation plus élevés pour la population. Brigitte Roman affirme que : "Cela nécessite effectivement un travail préalable à l'arrivée. Après, ce qui est important d'observer, c'est que la Polynésie française est en bout de ligne maritime. C’est-à-dire qu'après la Polynésie française, il n'y a pas d'autres ports à desservir. Donc les gros armateurs ont aussi cette question de la sécurité de l'approvisionnement de la Polynésie. Cette position de la Polynésie sur le globe doit aussi être considérée dans les éléments que nous avons évoqué dans le rapport."
Autre recommandation de la CTC: une réforme de la politique tarifaire du port autonome, en sommeil depuis plus de quinze ans, qui a conduit à l’augmentation de 250% des tarifs d’amarrage à la Marina Taina. Une décision qui surprend au sein de la CTC, comme le détaille Jean-Luc Lemercier, président de la Chambre territoriale des comptes de Polynésie : "ça ne voulait pas dire d'avoir une réforme non concertée, nous laissons le conseil d'administration et les dirigeants du port autonome, libres des modalités d'application de cette recommandation. Nous n'avons pas fixé d'objectif chiffré."
Impossible de savoir auprès des instances concernées, contactées à ce sujet, si une convention d’objectifs est envisagée entre le Port autonome et le gouvernement.
Mais une certitude : la mondialisation des échanges impose aujourd’hui au Port autonome de Papeete de s’adapter, en élaborant des choix stratégiques de développement pérennes.