Les contrats d’accès à l’emploi, dont l’inefficacité a déjà été mise en exergue à maintes reprises, seront accordés en priorité aux organismes d’accueil œuvrant dans les secteurs prioritaires. Une mesure proposée par la ministre du travail, Vanina Crolas, lors du conseil des ministres du 14 juin 2023.
Instrument politique ou réel outil d’insertion ?
Souvent considérés, à tort ou à raison, comme un outil de corruption électorale lors des élections, les contrats d’accès à l’emploi ont pour objectif initial de favoriser l’insertion en entreprise. Selon l’actuel ministre en charge du travail, les CAE ont coûté à la collectivité "23 milliards CFP depuis 2014, et ont bénéficié à près de 25 000 personnes".
Selon un rapport sur les mesures d'aide à l'emploi ces quatre dernières années, dévoilé par nos confrères de Tahiti Infos en novembre 2022, ce dispositif aura été financé à hauteur de 11,5 milliards de FCP en quatre ans pour bénéficier à 21 000 personnes. Sur cette somme globale, 8 milliards FCP ont été financés par la contribution de solidarité territoriale, la CST. Un coût exorbitant au regard des résultats.
“Mais pour quelle insertion ? Et pour quelle montée en compétences ?", interroge alors Vanina Crolas.
C’est justement un autre mauvais constat dressé dans le rapport publié l’an dernier, entre 2019 et 2021, la totalité des mesures d’aide à l’emploi a augmenté de 86% et représenté 15,1 milliards de Fcfp “au détriment de la formation professionnelle” qui n'a bénéficié finalement que de 2,9 milliards de Fcfp sur la même période. Le budget consacré aux CAE est “cinq fois supérieur à celui consacré au budget alloué à l’apprentissage”, constate le rapport.
Les CAE pour les secteurs prioritaires et les communes, toujours
Quelques semaines après sa prise de fonction, la ministre a mis les points sur les « i ». Il n’est plus question de distribuer les CAE à qui veut. Les contrats n’auront plus un "rôle d’amortisseur social" comme précise l’élue Tapura, mais devront désormais répondre aux objectifs fixés, c’est-à-dire, permettre aux bénéficiaires de développer des compétences professionnelles, et de pouvoir s’insérer durablement dans le monde du travail.
Conformément au programme de notre gouvernement, nous souhaitons inciter les demandeurs d’emploi à s’orienter vers le développement des ressources propres du pays, et les stages sont un moyen pour eux de découvrir ces secteurs, et de développer des compétences dans ces domaines.
Vanina Crolas, Ministre du travail
Les quatre secteurs prioritaires étant le tourisme, le secteur primaire, les énergies renouvelables, l’économie numérique et l’audiovisuel.
Les communes, elles, pourront toujours en proposer à leurs administrés, mais attention, le "CAE n’est pas là pour combler le manque de main-d’œuvre des communes". Et à en croire l'élue du Tapura Huiraatira, ce ne sera plus aussi simple.
Elles fixeraient notamment un quota de 5 CAE accueillis par commune, quelle que soit la taille de la commune. Pouvez-vous confirmer ou infirmer cette information, Madame la ministre ? Quid des communes composées de communes associées, très nombreuses aux Tuamotu-Gambier ? S'agit-il de 5 CAE par commune associée, ou de 5 CAE répartis sur l'ensemble de la commune ? Sinon, avez-vous défini un chiffrage pour les communes composées de communes associées ?
Yseult Butscher-Perry, élue Tapura Huiraatira à l'assemblée de la Polynésie française
Pas de réponses claires, mais si la situation n’est évidemment pas la même dans les îles éloignées, l’organisme d’accueil devra répondre à un réel projet professionnel.
Les CAE dans les communes sont toujours possibles, à condition que les missions confiées durant le stage concernent des activités visées par les secteurs prioritaires, et permettent de développer de nouvelles compétences qui font défaut au demandeur d’emploi dans sa recherche d’emploi.
Vanina Crolas, Ministre du travail
Terminé les CAE pour du secrétariat, du nettoyage ou du jardinage. Dans son intervention, Vanina Crolas a également précisé par ailleurs que « 70% du budget consacré à l’emploi était au 1er janvier 2023 déjà consommé par les mesures d’aide à l’emploi commencées en 2022 ».
Le nouveau gouvernement pourrait donc faire face à un problème budgétaire pour mettre en place de nouvelles mesures d’aides à l’emploi, si nouvelles mesures il y aura. Uneenveloppe de 300 millions CFP sera proposée lors du prochain collectif budgétaire "pour permettre l’attribution de 1 500 CAE d’ici la fin de l’année".
La ministre du travail veut révolutionner l’attribution des contrats d’aide à l’emploi, "car le gouvernement s’est engagé à gérer les fonds publics, de manière transparente et efficace, pour répondre aux besoins et aux priorités de notre société".
Sommes-nous réellement à l’aube d’une nouvelle ère ? Le temps nous le dira.