Tonnerre d'applaudissements dans la salle du Grand théâtre de la maison de la culture, samedi soir. Les spectateurs découvrent avec émotion les témoignages de Hinamoeura Cross, militante atteinte d'une leucémie, de Raphaël, qui a survécu à un cancer de l'os ou encore de Mahine, née avec une anomalie génétique.
Trois ans d'investigation
Suliane Favennec dévoile son tout premier documentaire, anglé sur le point de vue des habitants par rapport aux essais nucléaires et qui résonne dans le public. Un parti pris assumé par la réalisatrice : "on a beaucoup entendu les politiques, les associations ou les religieux dans les films (...). L'idée, c'était d'être directement avec les habitants et la population. Je voulais vraiment que la parole leur soit donnée et que l'on reste sur ce point de vue là. Que ce ne soit pas repris politiquement."
La journaliste a mis de côté son devoir de neutralité pour mettre en lumière les combats de ces polynésiens malades qui souffrent en silence. Plus de trois ans d'enquête à fouiner dans les archives polynésiennes (quasi-inexistantes), françaises et américaines, à trier les images, remonter le fil et gagner la confiance des familles protagonistes du documentaire. "C'est un lien d'amitié qui se créé, j'ai vécu trois ans avec eux ! Cela demande du temps. Il faut avoir cette patience là et je pense qu'elle est importante parce-que le temps permet d'écouter vraiment les gens, pour qu'ils puissent s'exprimer avec leurs mots dans tout leur sens et toute leur force", décrit la réalisatrice.
Un parti pris
Dans le documentaire, les images d'archives montrent l'effroyable ampleur des essais nucléaires. 193 au total, entre 1966 et 1996 à Moruroa et Fangataufa. Plus tard, plusieurs rapports révèleront que ces essais ont en fait eu un impact partout en Polynésie, avec des retombées chimiques sur l'ensemble des archipels, contrairement à ce que l'Etat a voulu faire croire aux Polynésiens. C'est en tout cas ce que veut montrer ce film engagé. Des images choc affichent la propagande de l'Etat, l'impact fracassant des tirs, les militaires en tenue de protection intégrale, le largage des déchets nucléaires au large des atolls et puis les violentes émeutes de 1995 en réponse à la reprise des essais. Mais toujours, les politiques qui minimisent.
Le documentaire nous entraîne dans le combat de Hinamoeura, qui tente de porter la voix de la Polynésie à l'international, comme beaucoup d'autres militants des îles Marshall, du Japon ou du Kazakhstan, champs de tirs des grandes puissances mondiales. De nouveaux témoignages qui poussent les Polynésiens, de nature discrets et réservés, à se livrer enfin. L'objectif pour la réalisatrice : sensibiliser le monde à ce pan de l'histoire ultra-controversé.
"Les oubliés de l'atome" sera prochainement diffusé sur France 3.