Les partis indépendantistes calédoniens divisés entre radicalité et consensualité

A gauche, Christian Tein, représentant de la ligne dure du FLNKS, actuellement détenu en Métropole. A droite, Victor Tutugoro favorable à une "souveraineté partagée".
Les mouvements indépendantistes de Nouvelle-Calédonie sont en proie à des divisions croissantes, après six mois de crise politique et sociale profonde dans l'archipel français où ces courants veulent continuer de peser dans les discussions. Ces divergences de visions éclatent au moment où l'Etat a mis sur la table l'idée d'une "souveraineté partagée" sur le "Caillou".

Après l'UPM (Union progressiste en Mélanésie) jeudi, le Palika (Parti de libération kanak socialiste) a à son tour officialisé vendredi son retrait du FLNKS, le Front de libération kanak socialiste, principal rassemblement de partis politiques et de groupes militants qui luttent pour l'indépendance calédonienne. Depuis plusieurs mois, UPM et Palika ne participaient plus aux réunions de son bureau politique. Ils avaient également boycotté, fin août, le crucial congrès de Koumac.

C'est là que le FLNKS a entériné son virage radical, avec la désignation à sa présidence de Christian Tein, le leader de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), et l'intégration de ce mouvement, sans existence juridique jusqu'alors. Une manière d'adouber les membres de l'organisation à l'origine de la mobilisation contre la modification du corps électoral, qui a dégénéré en émeutes en mai dernier, faisant 13 morts et des milliards d'euros de dégâts.

 "Souveraineté en partenariat"

L'UPM comme le Palika revendiquent une ligne plus consensuelle. Réunis au sein d'une coalition baptisée Union nationale pour l'indépendance (UNI), ils portent depuis 2013 un "projet d'indépendance avec partenariat". L'invitation à envisager "une souveraineté partagée" dans la République, lancée mardi par la mission de concertation conduite par les présidents de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet et du Sénat Gérard Larcher, a d'ailleurs été plutôt bien accueillie. 

"On vit dans la réalité. L'objectif est de négocier avec l'État et les partenaires une souveraineté partagée affirmée, qui pose comme option à terme la pleine souveraineté en partenariat", explique Aldolphe Digoué, membre du bureau politique du Palika. L'essentiel pour les deux partis étant de mener de front les discussions institutionnelles et la reconstruction économique : "On a touché le fond du fond", estime Victor Tutugoro, le président de l'UPM. "Or sans économie en état de marche, il n'y a pas de stabilité politique. Regardez le Soudan ou Haïti, nous on ne veut pas ça". Les deux mouvements entendent donc porter leur vision commune lors des prochaines discussions sur l'avenir du territoire à travers l'UNI et non plus le FLNKS. "Ce qui n'empêchera pas de se retrouver sur certains points le moment venu", relève Victor Tutugoro.

"Pas d'accord légitime" sans FLNKS

Du son côté, le Front de libération kanak socialiste "prend acte" des scissions. Mais "le représentant du peuple kanak, c'est le FLNKS", juge Dominique Fochi, membre du bureau politique et secrétaire général de l'Union calédonienne, le principal mouvement indépendantiste : un message adressé à l'État à l'occasion d'une conférence de presse vendredi.

Visite du ministre des Outre-mer François-Noël Buffet et de la mission d'information du Forum des Îles du Pacifique en octobre, déplacement de Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet... "A chaque fois, nos demandes de rendez-vous sont restées lettre morte. Les entretiens se sont faits uniquement au niveau des groupes politiques représentés au congrès", déplore Dominique Fochi. Or, le FLNKS a intégré la CCAT et plusieurs petits mouvements indépendantistes, qui ne sont pas tous représentés au congrès de la Nouvelle-Calédonie. "L'Etat manoeuvre pour écarter le FLNKS", pense M. Fochi. Il prévient : "Ce sont les décisions du congrès de Koumac qui ont permis la désescalade de la violence et ont donc permis à ces visites de se tenir. Les accords de Matignon en 1988 et de Nouméa en 1998 ont été signés par le FLNKS. Il n'y aura pas d'accord légitime si nous ne sommes pas partie prenante".

Après plusieurs mois de crise, l'Etat a décidé de reporter les élections provinciales prévues cette année à novembre 2025, ajournant du même coup le traitement du dossier ultra-sensible du corps électoral, sans le régler. Un an pour trouver une solution.