Le nouveau ponton pourra accueillir six bonitiers et quatorze poti marara. Cette installation, en plus de la nouvelle machine à glace, vont-elles permettre d'apaiser les tensions entre les pêcheurs et la coopérative ? Car elles restent vives depuis la rencontre du 21 août 2023. Les pêcheurs accusent toujours les gérants, et notamment Albert Tapi, président de la coopérative, de leur interdire l'accès à la marina.
"Depuis le début de ce conflit, on leur fermait le portail, on avait refusé à un pêcheur de mettre son bateau à l’abri, à l'intérieur de la coopérative [pendant une tempête]. À un moment donné, les pêcheurs devaient enjamber le portail pour se rendre sur leur bateau et aller à la pêche. Et toujours cette glace qu'ils ne pouvaient pas avoir. Ils avaient une autorisation avec fa'aterehau pour se ravitailler à la tour à glace. Mais ce n'est pas évident avec les thoniers, au port de pêche" précise ce vendredi, Ralph Van Cam, président du syndicat des pêcheurs Rava'ai Mau.
Des irrégularités ?
Selon Albert Tapi, surnommé Bébé Gros, les pêcheurs auraient des impayés et/ou des licences de pêche désuètes, ce qui expliquerait ces refus. Le discours est le même aujourd'hui du côté de la coopérative. "D'après Monsieur Albert Tapi, ils ne sont pas à jour dans leurs cotisations. Il y a un problème de personnes aussi. Il y a eu beaucoup de réunions pour discuter et mettre les choses à plat mais qui n'ont jamais abouti" détaille Hawaiki Hamblin, trésorière de la coopérative de Faa'a.
À cela s'ajouterait un manquement aux règles d'amarrage de la part des pêcheurs. "Certains bateaux occupent deux places mais quand on leur demande de régler les deux amarrages, ils ne veulent pas. Cela s'est envenimé au fil du temps". Et pour la glace ? "C'est moi qui m'en occupe. Je donne la glace à tout le monde. Il y a seulement un pêcheur qui n'est pas à jour depuis 2020. Mais sinon, je leur donnais au prix de 15 francs. Ceux qui n'étaient pas à jour de leur licence de pêche ou suspendus, eux, on leur a fait payer 30 francs, le tarif public" assure Hawaiki.
À l'heure de l'inauguration, les esprits ne sont pas encore apaisés. Alexandre Maoni, un pêcheur de Faa'a, a encore rappelé ce vendredi : "ce n'est pas normal. Je vais à Langlois stationner. C'est injuste. Je veux retourner dans ma commune natale. L'endroit où j'ai grandi, où j'ai vécu, mon port d'attache. Nous espérons avoir une place là-bas. Retourner à Vaitupa." Il a même affirmé que "en ce moment, il [Albert Tapi, NDLR] refuse les cotisations."
Nouveau départ ?
Le nouveau ponton a nécessité trois mois de travaux pour un coût de 117 millions xpf, pris en charge par la Direction des ressources maritimes (DRM) et le Pays.
La cérémonie a démarré vers 11h20, en présence du ministre Taivini Teai et du maire Oscar Temaru qui a donné son avis sur la question : "les pêcheurs, ce sont des pêcheurs, sans jeu de mots. C'est comme les dockers. C'est un monde assez spécial. Mais ce qui est important c'est toujours de ramener la paix au sein de ce monde. Ils le savent. C'est un métier difficile. On ne sait pas ce qui nous attend. Le plus important est de ne pas perdre notre culture, et c'est une partie de notre culture. Dans le très haut, on reconnaît que nous sommes tout petits. Si on veut réussir et que ça se passe bien, on doit se confier à lui. Et c'est sur ça que je compte. Il y a eu un moment de désaccord... Maintenant regardez ce qui est fait pour eux ! C'est magnifique : un nouveau ponton flottant !" se réjouit-il.
Et quand on leur ferme le portail au nez ? "Je suis venu, répond-il. C'était à moitié ouvert. Ils ont leurs horaires...je ne vais pas rentrer dans les détails. Je pense qu'ils doivent accepter ce qui est programmé. Il faut qu'ils se disciplinent. Je ne connais pas leur vie. (...) Sont-ils à jour de leurs cotisations ?" interroge le maire.
Malgré le conflit, les pêcheurs de Faa'a se sont rendus à Vaitupa par bateau. Exceptionnellement, ils ont pu amarrer leurs embarcations pour assister à l'inauguration.
"Pour le moment, il [Albert Tapi] est gérant du site donc il a tous les droits. On espère que ça va s'arranger. Aux dernières nouvelles, la mairie reprendrait la gestion du site de Vaitupa. Les installations qui ont été faites -pontons et machine à glace- sont des dispositifs pour les pêcheurs, c'est eux les prioritaires en principe" a conclu Ralph Van Cam.
L’affaire a été portée devant la justice par les professionnels.