Toussaint : Père Joël Aumeran favorable à la construction d'un crématorium en Polynésie pour pallier la saturation des cimetières

Le cimetière de Mataiea est saturé.
En Polynésie, c'est un fait : les cimetières saturent à mesure que les années passent. Mais les communes choisissent de les agrandir au lieu de monter un projet de crématorium. Les églises s'ouvrent peu à peu à l'idée tandis que de nombreuses familles franchissent déjà le pas.

Le cimetière de Mataiea ainsi que celui de Pirae sont en phase d'agrandissement. Des travaux d'ampleur sont en cours. 

Des agrandissements onéreux

À Teva I Uta, le chantier a démarré il y a deux ans et coûté 150 millions de francs pacifiques pour la première partie, supportés à hauteur de 20% par la commune. Cette extension prévoit un grand parking et suffisamment d’espace pour 250 sépultures. "Dans ce cimetière on a aussi mis en place un ossuaire, donc on peut exhumer les tombes au bout d'un certain temps et mettre ça dans l'ossuaire pour préserver le foncier" explique Clément Vergnhes, adjoint au maire de la commune de Teva I Uta. 

En attendant, il faut parfois être funambule pour circuler entre les tombes du cimetière de Mataiea sans les piétiner, tellement elles sont proches les unes des autres. "Vous avez vu ? Il n'y a plus de place. Je trouve que l'extension du cimetière est une bonne chose" souligne Chantal Bonnefin, habitante de Mataiea, qui serait favorable à la construction d'un crématorium.

Au moins tu as la personne à la maison, dans un petit pot. Tous les jours, tu peux être avec lui. On peut se regrouper autour de ce petit pot là.

Chantal Bonnefin, habitante de Mataiea et partisane de l'incinération

Du côté de la commune de Pirae, on s'obstine à dire qu'un crématorium serait beaucoup trop contraignant pour trois principales raisons :

La première, ce sont les couts. La seconde c'est tout ce qui est lié à l'opérationnalité du projet c'est-à-dire comment ça se fonctionne, comment ça sera géré. Et la troisième contrainte est liée à l'acceptation sociale du projet. Donc aujourd'hui on n'a pas forcément de visibilité sur ce projet.

Moea Simon, directrice générale adjointe des services de la mairie de Pirae

Sauf que dans cette même commune, l'élargissement actuel du cimetière, dont les travaux devraient se terminer courant 2025, coûte un milliard de francs pacifiques. Est-ce qu'à ce prix-là, on ne pourrait pas entrevoir au moins un embryon de projet de crématorium en Polynésie ? 

La crémation déjà pratiquée...et désormais validée par certaines églises

Moeata Wohler a eu recours à la crémation. Son époux, décédé en juin dernier, a été incinéré sur l’île de Hilo à Hawaï. Il a fallu attendre trois semaines après le décès pour procéder à la crémation mais c'était sans hésitation le meilleur choix à ses yeux.

D'abord c'est beaucoup plus propre pour la nature. On n'a plus à mettre des tombes, chercher des endroits parce-qu'il n'y a plus de places dans les cimetières. Avoir des caveaux coûte extrêmement cher. Je ne vois que des avantages [à la crémation, NDLR].

Moeata Wohler, partisane de l'incinération

Autrefois complètement désapprouvée et inenvisageable pour la communauté polynésienne, la crémation semble entrer peu à peu dans les mœurs. En témoigne le point de vue, nouveau, du Père Joël Aumeran, prêtre de Mahina, invité sur notre plateau le 31 octobre.

Je n'ai jamais dit non. Une culture qui n'évolue pas est une culture morte. Donc ce qui a été dit il y a dix ou quinze ans...je pense qu'à un moment donné il faut être pragmatique tout en adaptant sa foi. (...) Mais pour l'incinération, il est important de laisser le choix à chacun.

Père Joël Aumeran, prêtre de Mahina

Le prêtre suggère "de se réunir avec les maires" pour pallier ce "problème foncier" et réfléchir à des solutions pérennes. Ce positionnement pourrait ouvrir la voie à la construction d'un crématorium, considérant le poids des églises dans la société polynésienne. "Ouvrir l'horizon à cela, pourquoi pas. L'essentiel est toujours de faire mémoire de la personne décédée" conclut l'homme de foi.