Quatre personnes, dont un muto'i, condamnées dans une affaire d'ice et de proxénétisme

Me Gilles Jourdainne, avocat d'un des prévenus.
Quatre personnes, dont une femme et un policier municipal, ont été condamnées ce lundi dans une sordide affaire de stupéfiants, qui mêle trafic d'ice et de paka, proxénétisme et violences conjugales. Des trajectoires de vie laminées par l'addiction et la violence.

Des trajectoires de vie laminées par l'addiction à l'ice. Un jeune quarantenaire de Papara, H. O., père de 5 enfants, titulaire d'un master et un temps enseignant, comparaissait ce lundi 9 septembre au tribunal, après être tombé dans une forte consommation d'ice. Déjà condamné à plusieurs reprises pour des bagarres et des conduites sous l'empire de l'alcool ou du stupéfiants, cette fois la justice lui reproche des faits de proxénétisme aggravé, des violences conjugales en état de récidive légale et usage et trafic de stupéfiants, en l'espèce de l'ice et du paka.

"Pas un maquereau, mais il a profité du produit issu des passes de sa compagne"

Pourtant en couple avec une autre femme depuis de nombreuses années et père de quatre enfants, il mène une double vie tumultueuse avec la prévenue. Ils ont eu une fille ensemble et le couple partage ses addictions : l'alcool, l'ice et le paka. "On fumait une à deux fois par semaine." Aucun des deux ne travaille plus désormais, leur addiction et "les marques physiques" ne le leur permettent plus. Lui, dit acheter ses doses avec le salaire qu'il perçoit en s'occupant de sa maman, 130 000 francs pacifique par mois. Elle, dit trouver des doses "à un bon prix" en échange de faveurs sexuelles. Au cours de leurs quatre auditions, ils ont donné quatre versions différentes. Tantôt la jeune femme explique racoler les clients en ville, à la sortie d'une boîte de nuit, tantôt elle raconte avoir noué une "relation privilégiée avec un baron de la ice". "La question du consentement est posée quand on a des relations droguée sous ice," souligne la présidente. Le couple nie toute forme de prostitution. H. O. minimise "c'est une belle femme, on profitait ensemble de ces tarifs préférentiels." "Un tyran domestique" dira le procureur. "H. O. n'est pas un maquereau, mais il a profité du produit issu des passes de sa compagne."

Quotidien sordide et violences : "je ne reconnaissais plus ma fille"

Mais la famille de cette dernière s'inquiète. Elle a remarqué les marques sur son visage et connaît son addiction. Surtout, "sous le coup de la colère", H. O. a envoyé une capture d'écran à la mère de sa compagne, en plein ébat avec deux hommes. "Deux heures après, je m'en suis voulu. C'est tout ce que j'ai trouvé pour que ses parents la voient sous son vrai jour," tente d'expliquer H. O. à la barre. "Il a voulu briser mon image de petite fille", résume sa compagne. Face à ses parents et confrontée aux images, la jeune femme aurait alors reconnu qu'elle se prostituait pour se payer son ice. Sa soeur finit par pousser la porte de la gendarmerie. "Je pense que ça va se terminer très mal, je ne reconnais plus ma fille," avait alors déclaré le père aux gendarmes. J'ai vu ma fille dans un état pas possible. J'ai hurlé pour pouvoir la récupérer."

"Dans ce dossier patchowork, je voudrais rendre hommage à la famille qui s'est inquiétée pour cette jeune femme qui a vu sa vie lentement dériver, a commencé le procureur lors de ses réquisitions. La famille a mis un coup d'arrêt à cette situation et c'est trop peu fréquent."

A la barre, la jeune femme revient sur ses dépositions, met son conjoint à distance des faits pour tenter de le disculper : "un coup perdu en voulant rattrapper mon téléphone", "je suis tombée en randonnée". " C'est vrai que nous avons des disputes très animées, car je suis vite hystérique, mais mes parents ne l'ont jamais aimé." "Vu ce qu'il vous fait, c'est compréhensible", répond la présidente.

Dans les différents rapports psychologiques, les experts notent "une profonde tristesse, de la honte, de la culpabilité, une dévalorisation et une emprise + + + à son conjoint, une dépendance affective entraînant un cycle destructeur." "Je me suis drogué avec elle, mais j'étais quand même là pour lui rappeler de manger de boire," explique H. O. à la barre, alors qu'il raconte qu'elle pouvait rester quatre jours sans manger.

Le couple avait commencé un suivi au CPSA, mais a arrêté après la première séance. Aujourd'hui, il assure avoir arrêté de consommer de l'ice, depuis qu'ils ont signé la Croix bleue en juillet dernier.

Dans son réquisitoire, le procureur dira d'elle qu'elle est avant tout une victime et l'incite à "suivre des soins" pour s'en sortir. Elle est finalement condamnée à 3 mois avec sursis.

Le policier municipal

Lors de leurs perquisitions, les gendarmes retrouvent des 40 pieds de paka, un sachet d'ice et des vidéos des ébats sexuels. Sur l'une d'elles, un policier municipal de Papara, également formateur en ju-jitsu, est identifié avec le couple. Sur les images, les enquêteurs le voient également consommer et faire consommer la jeune femme. A la barre, il reconnaît consommer de l'ice, mais nie toute forme de trafic. "J'ai commencé la ice pour faire du mal à ma femme avec qui j'avais des problèmes conjugaux. Je suis policier municipal depuis 10 ans, 20 ans que je suis prof de sport. Le sport, c'est ma vie. Je connais la dangerosité de ce poison et les risques par rapport à mon métier," assure celui qui est confronté aux "rumeurs de la commune le désignant comme un boss". "On ne condamne pas un homme sur la bases de rumeurs" s'indigne son avocat, Me Gilles Jourdainne. "Aujourd'hui, il risque son emploi, il risque sa vie." "Ce poison m'a fait faire les mauvais choix, raconte le muto'i. J'ai été égoïste : je n'ai plus pensé à ma mère dont je m'occupe, ni à mes enfants." Lorsqu'il est interpellé le 19 août dernier, il est dépisté positif à l'ice et placé en détention provisoire avec H. O.

La culture et le trafic du paka

Au fil des investigations, les enquêteurs identifient pourtant une cabane sans eau ni électricité, dans laquelle est hébergé "un ami d'enfance" du muto'i depuis avril dernier et où sont surtout cultivés 221 pieds de paka. Le policier municipal assure que ces pieds ne sont pas à lui : "je suis conscient qu'il est seul, j'avais de l'empathie pour lui. Il a planté dans mon dos." Pourtant, son ami d'enfance est précis dans ses déclarations : "Les 229 pieds ont financé les batteries, les panneaux solaires et le groupe électrogène. J'ai récolté 1,8 kg. Il est venu faire les boutures et couper les têtes. Il est reparti avec 1,5 kg prêt à être consommé, à 100 000 francs pacifique le gramme de paka."

"On veut en faire un exemple, plaide son avocat, Me Gilles Jourdainne. On ne retrouve ni l'argent de ce trafic, ni écoute téléphoniques.[...] Les personnes qui venaient acheter et qui ressortent des écoutes téléphoniques, en revanche, ne sont pas là aujourd'hui."

De 12 à 15 mois de prison

H. O est condamné à 15 mois de prison avec maintien en détention dont 6 mois avec sursis probatoire pendant 2 ans, une obligation de travailler et de suivre des soins pour l'addiction et des soins psychologiques, ainsi qu'une interdiction de contact avec sa compagne.

Face au policier municipal, le procureur ne mâche pas ses mots : "ce monsieur est l'instigateur d'un trafic de paka, alors qu'il est policier municipal. [...] Il fait partie de la chaîne pénale, c'est un agent de la loi. Il a bafoué la confiance que les citoyens mettent dans la police municipale. Quant à l'ice, il est au moins consommateur." Il est condamné à 12 mois dont 6 mois avec sursis et maintien en détention, une amende de 300 000 francs pacifique et une interdiction d'exercer dans la fonction publique pendant 3 ans.

L'ami d'enfance du muto'i, au casier vierge, est condamné à 12 mois avec sursis pour avoir cultivé du paka dans la cabane.