Les déchets, c’est magique ! Sortis la veille au soir, ils disparaissent au petit matin. Mais en réalité, ce n’est pas si simple !
À Mahina, 76 kilos de déchets sont produits chaque année par habitant. Pour la ville, les détritus pèsent très lourd dans le portefeuille. Un calcul sans fin pour le maire.
C’est par semestre que les habitants paient, cela tournerait à l’année autour de 28 mille francs pour la collecte des déchets, et le reste du budget est compensé par la maire. [...] Le budget annexe des déchets tourne aux alentours de 200 millions F. CFP, 230 millions F. CFP voire 250 millions F.CFP, ça dépend. Et on alimente parfois ce budget déficitaire par un budget d’équilibre au budget principal.
Damas Teuira, maire de Mahina
L’argent, cela manque cruellement dans les caisses de la commune de Rangiroa. Après avoir opté pour le tri sélectif, il est abandonné, ou presque, la faute au coût du rapatriement, beaucoup trop élevé. Pour améliorer le traitement des déchets, l'heure est encore à la réflexion.
Nous n'avons pas abandonné le tri sélectif, mais on est toujours en train d’étudier. Le tri sélectif y est toujours. Le problème, c'est l’incivisme de la population et c’est là-dessus que nous sommes en retard. Aujourd’hui, il faut rapatrier les déchets, donc, ça va être un coût. Et faire supporter ça à la population, déjà avec le peu qu’on leur demande, il y en a toujours qui rencontrent des difficultés pour payer.
Tahuhu Maraeura, maire de Rangiroa
Et si la solution miracle était que le pays reprenne la gestion du traitement des ordures ménagères ? Une proposition alléchante, mais sans fond.
1, 1 milliard de francs pacifiques, c’est le coût supporté par les douze communes affiliées à Fenua Ma. Entre l'an 2000 et 2010, le pays supportait 50% des coûts à la SEP. 25% du financement émanaient du Fonds intercommunal de péréquation, et le reste de la facture était supporté par les communes. À partir de 2010, le FIP disparaît et les charges étaient supportées à parts égales entre le pays et les communes. Lors de l'installation de Fenua Ma en 2012, l'aide publique a diminué progressivement, de 500 millions F.CFP à zéro, en 2017.
C’est sûr qu’une commune qui aujourd’hui, ne fait pas de traitements des déchets réglementaires, il n’y aura très certainement pas de transferts de moyens. Par contre, sur une collectivité qui effectue déjà des actions, cela impliquera très certainement un transfert de moyens financiers, humains, de contrats et d’ouvrages.
Benoît Layrle, directeur de Fenua Ma
Ce changement devra aussi faire l’objet d’une modification de la loi organique. Le parcours législatif, s’il est entamé, pourrait durer des années.
Il faut trouver ce que l’on appelle une niche parlementaire. Chaque groupe dispose d’un moment dans l’année où il peut proposer, parce que si c’est une proposition de loi, ça viendra de nous. Si le gouvernement de la République reprend à son compte, à tout moment il peut déposer un projet de loi. Je pense que c’est ce qui sera plus rapide. Mais ça suppose peut-être auparavant que l'on définisse ce projet. Je crois que c’est ce qu’attendent les maires aujourd’hui. Au-delà de dire que le pays va reprendre la gestion du traitement des déchets, mais comment opérationnellement cela peut se faire, et surtout en termes de coût pour les usagers. Je pense qu’il faut creuser davantage le sujet, c’est-à-dire, qu’on ne peut pas simplement annoncer cet objectif. C’est à mon avis un bel objectif, mais il faut donner plus de détails. On connaît la difficulté de notre grand territoire, donc concrètement, c’est de savoir comment on peut se raccorder au système de collecte qui est mis en place par les communes, et qui resteront aux communes, pour ensuite acheminer tous ces détritus vers Papeete, pour les traiter. Donc, il y a des questions de collecte, il y a aussi la question des transports, très certainement maritime, et donc aussi d’hygiène et de sécurité autour de tout ça, et puis la pertinence du procédé qui sera utilisé ici à Tahiti sur cette masse de déchets. Donc, je crois qu’il faudrait à mon avis au préalable, si je puis me permettre, lancer une étude technique, de manière à définir un schéma directeur pour pouvoir engager cette gestion du traitement des déchets à l’échelle du pays.
Teva Rohfritsch, sénateur de la Polynésie française
Cetteproposition de Moetai Brotherson est-elle simplement une opération séduction à trois ans des élections communales ? Toujours est-il qu’une politique sectorielle en matière de déchets est attendue depuis 2015. Par ailleurs, la taxe pour l’environnement, l’agriculture et la pêche mise en place en 2001 pourrait, en partie, financée le traitement des déchets. Elle rapporte 3 milliards de francs chaque année.