Le 4 mars, c'est la journée mondiale de l'Obésité. Une maladie qui concerne un milliard de personnes dans le monde, selon les derniers chiffres de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Et 15% de la population adulte réunionnaise, selon les derniers chiffres de l'Observatoire régional de santé (ORS).
A la clinique nutrition Omega du Port, Sylvie, quinquagénaire, est en pleine séance de sport. Une des nombreuses activités de son emploi du temps depuis qu'elle est hospitalisée, au même titre que les ateliers de diététique et les séances de suivi psychologique.
Régimes inadaptés
En situation d'obésité sévère - Indice de Masse Corporelle (IMC) supérieur à 35 -, Sylvie a décidé d'avoir recours à la clinique de nutrition du Port après avoir expérimenté de trop nombreux régimes ou conseils inadaptés à sa situation. Elle explique avoir grossi "en faisant toutes les erreurs venant des magazines ou de certains professionnels".
"Je croyais que j'étais grosse, je faisais quand même des régimes à l'adolescence. Puis j'ai arrêté de fumer, il y a eu des deuils, le chômage, la ménopause..."
Sylvie, hospitalisée à la clinique Omega
"C'est plein d'énergie perdue pour rien, pour regrossir après au fil des années. C'est vrai que c'est tentant de maigrir vite, mais tu regrossis et ça peut provoquer des troubles du comportement alimentaire", dit-elle avec du recul.
"Pas un handicap mais presque"
Lorsqu'elle est arrivée, il y a deux semaines, le premier réflexe de l'équipe a été de la déculpabiliser, dit-elle avec soulagement. "C'est reconnu que l'obésité est une maladie chronique", souligne Sylvie, qui pendant un mois séjournera à la clinique.
La décision s'imposait, signifie-t-elle, "surtout pour la santé".
"Ce n'est pas un handicap mais presque, parce qu'il y a des choses qu'on ne peut plus faire. Avant mon travail c'était d'être debout, mais ce n'est plus possible, j'ai des douleurs aux pieds, aux genoux, au dos... Quand je monte les escaliers je suis essoufflée... Plein de petits détails auxquels on ne pense pas mais qui font mal, aussi au moral"
Sylvie, hospitalisée à la clinique Omega
Reprendre le sport
Si son séjour à la clinique de nutrition ne porte pas ses fruits, elle envisage la "sleeve", opération de chirurgie bariatrique qui vise à réduire la taille de l'estomac. Environ 500 Réunionnais se font opérer chaque année. Mais pour l'instant, Sylvie "essaye en prenant tous les bons conseils" des professionnels qui l'entourent.
La reprise du sport par exemple, est un plaisir pour Sylvie.
"Le fait de reprendre le sport, lé trop gayar ! J'avais oublié que j'aimais le sport. On reprend plaisir, on revient dans notre corps. Quand on a trop de poids à porter, on est à côté de son corps"
Sylvie, hospitalisée à la clinique Omega
Réapprendre à manger
Les conseils de nutrition sont aussi primordiaux pour retrouver une bonne alimentation, les bons réflexes, et "apprendre à manger en pleine conscience pour avoir la sensation de satiété". Sylvie a désormais conscience qu'avant elle "mangeait trop vite, en grande quantité".
"Après on culpabilise, on a mal à l'estomac, et deux heures après on a encore faim et on recommence, on culpabilise à nouveau... Je m'interdisais de manger puis je craquais, et quand on craque on mange vite"
Sylvie, hospitalisée à la clinique Omega
Eviter les pertes de poids rapides
Deux semaines après son arrivée à la clinique, elle n'a pas perdu de poids, et heureusement. Car "il ne faut pas perdre de poids vite, parce que quand on perd vite, on perd du muscle, et on prend du gras". Mais grâce à la reprise du sport, elle a déjà vu son corps changer, ses vêtements devenir "plus lâches". "On se raffermit, mais on pèse le même poids", constate-t-elle.
"En général quand on vient là c'est qu'on a tout essayé. En tout cas j'ai appris beaucoup de choses, et ça fait vraiment du bien"
Sylvie, hospitalisée à la clinique Omega
15% d'adultes obèses à La Réunion
Comme elle, 15% des adultes de 18 à 85 ans souffrent d'obésite à La Réunion, selon les derniers chiffres de l'Observatoire régional de la Santé, qui datent de 2021. Sur l'île, presque une personne sur deux est en situation de surcharge pondérale (47%).
Les jeunes également concernés
Tous les âges sont concernés : l'Observatoire régional de la Santé (ORS) de La Réunion estime que 4% des marmailles de 3-4 ans sont obèses, et 6% des collégiens et lycéens. Selon la dernière étude menée conjointement par l'Agence régionale de Santé (ARS) et le rectorat, un enfant sur quatre est en surcharge pondérale en classe de 6ème.
"Les gens ne mangent pas bien"
Yeganeh Brochot est médecin endocrinologue à la clinique de nutrition du Port. La professionnelle constate une obésité en aggravation, surtout chez les enfants. "Les habitudes de vie ont été modifiées mais pas dans le bon sens. L'alimentation est déséquilibrée parce que les gens ont beaucoup plus recours à des produits transformés et ultratransformés", observe-t-elle.
"Les gens prennent du poids parce qu'ils ne mangent pas bien parce qu'ils ne prennent pas le temps de faire à manger, et ils ne bougent pas. On pourrait bouger : on habite à La Réunion, il fait bon, on a la mer, mais à part les touristes il n'y a pas grand monde qui met les pieds dans la mer. On peut marcher, ça coûte pas cher, mais les gens ne le font même pas"
Yeganeh Brochot, médecin endocrinologue à la clinique Omega du Port
Des mauvaises habitudes à ne pas transmettre aux enfants
Ce n'est pas tant la quantité, c'est surtout "la qualité des repas qu'ils choisissent qui n'est pas bonne". Des mauvaises habitudes qu'ils transmettent parfois à leurs enfants. "Un enfant à l'âge de 5 ans qui ne mange pas bien, c'est souvent parce que quand il était petit, il n'a pas été en contact avec un repas équilibré", poursuit l'endocrinologue, prenant l'exemple du piment, que les marmailles ici apprennent à manger en voyant leurs parents le faire.
"Si moi maman, je présente des haricots verts à chaque repas quand il a un an et demi, il va y goûter. Mais si je ne lui présente pas les haricots verts, il n'en mangera pas"
Yeganeh Brochot, médecin endocrinologue à la clinique Omega du Port
Or, c'est en réduisant l'obésité dès le jeune âge que demain, devenus adultes, ils auront moins de problèmes de poids, considère Yeganeh Brochet.
De nombreuses conséquences à l'obésité
Pourtant, les difficultés liées à l'obésité sont nombreuses. La première cause à La Réunion, c'est le diabète", rappelle l'endocrinologue. Mais aussi "l'hypertension, l'apnée du sommeil, les problèmes osso-articulaires, de l'arthrose aux troubles de la marche, les accidents cardio-vasculaires, les troubles cardiologiques, et aussi la détérioration de la qualité de vie, parce que quand vous avez du mal à vous déplacer ou que vous êtes essoufflés quand vous faites quelque chose, c'est votre qualité de vie qui est impactée". La liste est longue.
30 minutes d'activité physique par jour
Pour rappel, les recommandations fixent à 30 minutes par jour le temps d'activité physique pour rester en bonne santé. Et cela peut se faire simplement, fait comprendre le Dr Yeganeh Brochet.
"Tous les jours il faut être actif : dès qu'on peut il faut marcher, prendre l'escalier... On peut se garer un peu plus loin et marcher, on n'est pas obligés de se garer juste au pied d'un immeuble. Et dès qu'on peut, s'inscrire dans un club collectif pour le côté stimulant de l'activité en groupe"
Dr Yeganeh Brochet, médecin endocrinologue à la clinique Omega
De la prévention dès le plus jeune âge
Le Dr Hamid Ellarouti est le directeur de l’animation territoriale et des parcours à l’Agence Régionale de Santé (ARS) de La Réunion. Lui aussi évoque l'importance de la prévention dès le plus jeune âge, d'où le déploiement prochainement de l'opération "Nutrition Marmailles" en milieu scolaire.
"Il y a urgence à agir parce qu'on s'est rendus compte que plus on agit tôt, chez l'enfant, plus on va avoir des actions efficaces en matière de santé publique, dans la lutte contre l'obésité et le surpoids", note le Dr Ellarouti.
"Ce qu'on relève c'est qu'avec l'âge, le surpoids et surtout l'obésité augmentent de manière très significative : c'est lié à des habitudes de vie et des comportements nutritionnels qui nécessitent une adaptation"
Dr Hamid Ellarouti, directeur de l’animation territoriale et des parcours à l’ARS Réunion
Plus d'obésité chez les plus précaires
En outre, il est désormais avéré qu'un lien existe entre la précarité et la situation pondérale au sein de la population. Les chiffres de l'Observatoire régional de santé (ORS) démontrent ainsi qu'en 2021, la part d'adultes obèses était de 20% chez ceux disposant d'un revenus bas, contre 8% chez ceux disposant d'un revenu élevé.