Sur cette parcelle de terre à quelques centaines de mètres de l'usine sucrière du Gol à Saint-Louis se dressent encore plusieurs petites croix votives noires et blanches, mais qui ne mentionnent aucun nom.
Ici ont été enterrés, dans une fosse commune, des esclaves originaires de Madagascar ou d'Afrique, décimés par une épidémie de variole en 1729. C'est dans ce lieu donc hautement symbolique qu'un hommage a été organisé ce dimanche 3 novembre, à tous les ancêtres esclaves morts sans sépulture.
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"La Réunion i doit appropri a li sa"
Pour François Valeama, Saint-Lousien, ce cimetière "appartient à La Réunion toute entière". "Toute La Réunion i doit appropri a li sa", insiste-t-il.
Car ce lieu, aussi surnommé "cimetière des âmes perdues", est le reflet de tout un pan de l'histoire réunionnaise qui ne doit pas perdre sa visibilité, fait-il comprendre.
"Dans ce cimetière-là, na des tombes que na peut-être pas de nom dessus, mais nou répare l'histoire en quelque sorte. Parce que nou dit que navé quelque chose avant, et ce quelque chose là lé enterré là dedans".
François Valeama
Militants et artistes
L'hommage rendu ce dimanche matin, deux jours après la Toussaint, invitait les Réunionnais à se souvenir de ces ancêtres esclaves privés de sépulture.
Militants et sympathisants communistes ont répondu présent, tout comme des artistes qui ont fait résonner maloya et fonnkèr en ces lieux empreints d'histoire.
Stéphane Grondin, du groupe Mélanz Nasyon lui, est là "pour la mémoire de sak la pa gayn la mémoire". "Aujourd'hui lé important de rendre hommage à tout sak la fé nout peup' réunionnais", affirme-t-il.
Le père Lafosse, dernier à avoir été enterré ici
Michael Cataye, du groupe Résonans Maloya, invite quant à lui à s'intéresser à l'histoire du père Lafosse, "que té batay pou la justice, pou met' l'égalité entre noirs et blancs".
Ce cimetière doit en effet son nom au curé et maire de Saint-Louis Jean Lafosse, également connu pour avoir été un militant abolitionniste. Il fut la dernière personne enterrée ici en 1820.
Une stèle depuis 2009
Si de nombreux autres existent probablement sur l'île et ont été abandonnés puis oubliés, ce cimetière d'esclaves lui, a pu résister à l'oubli grâce au travail d'associations.
Entre 1920 et 1930, le lieu est redécouvert par des associations, et réhabilité en 2004. En 2009, le Parti communiste réunionnais fait installer une stèle dans ce lieu de mémoire, pour rappeler que des centaines de milliers d'enfants, de femmes, et d'hommes, furent réduits en esclavage sur l'île et n'ont pas eu de sépulture à leur mort.
"On a développé une stèle pour permettre aux Réunionnais d'aller prier et rendre hommage à des ancêtres qui n'ont pas connu de sépulture"
Ary Yee-Chong-Tchi Kan, PCR