En France, la proportion de personnes tatouées est aujourd'hui estimée à 20% selon le site spécialisé Ink My Tattoo. Soit un Français sur cinq qui possède au moins un tatouage.
Cette pratique, il y a encore quelques décennies en marge, semble désormais banalisée. C'est donc sans trop de surprise que la Convention de Tatouage de La Réunion 2024 attirait ce dimanche de nombreux visiteurs à la Cité des Arts.
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Depuis vendredi, les passionnés et curieux se sont promenés de stand en stand, à la recherche pour certains du prochain motif pour lequel ils auront un coup de coeur, et qu'ils souhaiteront avoir sur la peau de façon permanente.
Des "messages pour moi-même"
"J'ai une idée, pas trop précise, et j'essaie de voir des artistes qui correspondent à l'image que je me fais au niveau du style", explique Amandine, une visiteuse venue du Tampon. La jeune femme possède déjà plusieurs tatouages, qu'elle n'affiche pas. Mais leur histoire est très personnelle et les motifs n'ont pas été choisis au hasard, loin de là.
"A l'origine, ce sont des messages pour moi-même, des messages forts. Ils sont très discrets, cachés, on ne les voit pas", décrit-elle.
L'un d'eux est un lotus, et il y a une explication à ce choix.
"C'était important pour moi parce que c'était dans une période assez difficile. Or, il faut savoir que c'est une fleur magnifique, mais qui pousse dans une eau souillée, parfois dans la boue. Il signifie qu'on peut renaître après une période difficile"
Amandine
Sa prochaine envie est un "renard à neuf queues", animal légendaire du folklore asiatique. "Pour le coup ce serait sur une partie visible, au bras ou à la cuisse", achève-t-elle. Elle compte même le faire faire dans la journée si elle en a la possibilité.
Le portrait de son grand-père sur la cuisse
Tous ceux interrogés ce jour racontent avoir une histoire personnelle qui a motivé leur acte. Thomas, par exemple, vient de se faire tatouer le portrait de son grand-père décédé sur la cuisse droite, assorti d'une phrase sortie d'une chanson de Mireille Mathieu. "Il dégageait vraiment un énorme charisme sur cette photo", explique-t-il son choix.
Mais au-delà, se faire faire ce tatouage est une étape en elle-même après la perte de l'être cher. "J'avais besoin de ça pour faire le deuil", dit Thomas.
"Chaque tatouage que mi néna i représente un sentiment ou un truc que ma lavé besoin d'exprimer, et la passe par là. C'est mon moyen à moi d'accepter certaines choses"
Thomas
"Pas besoin de le voir pour le ressentir"
Un autre, Romain, nous montre un immense personnage d'inspiration egyptienne qui lui recouvre l'entièreté du dos. Le jeune homme ne le voit donc pas, mais peu lui importe.
"Ce tatouage, c'est toute une histoire, c'est un tatouage personnel, pas forcément à montrer. C'est propre à moi. Mi voi pa li, mais mi koné li lé la, mi koné quoi li raconte. Pas besoin forcément de le voir pour ressentir ce tatouage-là"
Romain
Zoé, déjà tatouée de plusieurs dessins, est ce dimanche entre les mains expertes de son artiste tatoueuse. Un moment qu'elle attendait avec impatience, confie la jeune femme. "Un tatouage c'est une part de soi", indique-t-elle.
S'approprier ou se réapproprier son corps
Pour tous ceux-là, le tatouage répondait à un besoin. Il y a en outre tout un tas de raisons qui peuvent amener une personne à franchir le pas, explique l'organisateur du salon, Pierrot. "On peut le faire pour s'approprier son corps, faire partie d'un clan, pour des raisons d'embellissement personnel...". Parfois, il s'agit même de se reconstruire, achève-t-il, citant l'exemple de femmes atteintes de cancer qu'il a pu tatouer à la poitrine, après qu'elles ont subi une mastectomie.
"On n'est pas en train de vendre une babiole !"
Si les visiteurs flanaient de stand en stand, admirant l'art et le style des 90 professionnels présents, ces derniers sont là pour conseiller avec plaisir, mais aucun ne cherche à forcer le passage à l'acte, comme le fait comprendre Flore Coëlis, collaboratrice chez Maïko Ink.
"On n'essaie pas de convaincre les personnes qui viennent parce que c'est un acte qui va rester sur la peau toute la vie. C'est un choix qui doit être réfléchi, et un modèle qui doit vraiment parler au coeur", insiste-t-elle.
"On n'est pas en train de vendre une babiole, c'est vraiment quelque chose de particulier et qui va les marquer toute leur vie"
Flore Coëlis, collaboratrice chez Maïko Ink
Un succès croissant
Pour Pierrot, l'organisateur de cette convention qui en est déjà à sa cinquième édition, l'engouement pour le tatouage gagne en ampleur, d'année en année. De la première édition dans un bar, à la cinquième à la Cité des Arts, la manifestation semble avoir trouvé sa place.
"Ca permet de casser les clichés, et de nous faire voir un peu. Et aussi de se rencontrer, on n'a jamais l'occasion de tous se voir, c'est un peu comme un colloque", souligne l'organisateur.
90 artistes avaient répondu présent lors de cette édition, mais faute de place, une vingtaine d'autres n'ont pas pu être accueillis. Sur les trois jours de l'événement, environ 5 000 visiteurs se sont déplacés. C'est dire le phénomène.