Femme mortellement poignardée au Port : l'enquête se dirige vers l'hypothèse d'un féminicide suivi d'une tentative de suicide

L'ex-compagnon de la jeune femme retrouvée poignardée au Port le 20 octobre dernier a été mis en examen et placé en détention provisoire.
Après la découverte d'une femme de 34 ans mortellement poignardée dans la nuit de samedi à dimanche, les enquêteurs privilégient à ce stade la thèse du féminicide. L'homme retrouvé blessé à ses côtés est son ex-compagnon, et faisait déjà l'objet d'une plainte pour violences conjugales.

Dans la nuit du samedi 19 au dimanche 20 octobre, une femme de 34 ans avait été découverte morte poignardée dans une voiture à l'entrée du Port Est. Celle-ci portait des traces de coups à l'arme blanche, et à ses côtés, son ex-compagnon était blessé, dans un état critique. Il présentait une profonde blessure à la gorge. 

La victime se trouvait sur la place passager avant, et l'homme, inconscient, se trouvait à la place conducteur, révèle le parquet de Saint-Denis ce lundi 21 octobre 2024. Un couteau ensanglanté était présent à l'intérieur de la voiture.

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Féminicide au Port

Autopsie réalisée ce matin

Une procédure pour meurtre et violences avec arme a été confiée à la brigade criminelle du service territorial de police judiciaire. L'autopsie de la jeune femme de 34 ans a été réalisée ce lundi matin, mais les résultats ne sont pas encore connus. 

Féminicide puis tentative de suicide

Dans un premier temps, dimanche, les enquêteurs se sont interrogés sur la présence d'une tierce personne qui aurait pu être l'auteur de ce massacre. Après les premières vérifications, une autre hypothèse s'est présentée, celle d'un féminicide qui aurait été perpétré par son ex-compagnon, retrouvé à ses côtés. 

"Une des hypothèses de travail est celle d'un meurtre par conjoint, suivi d'une tentative de suicide de celui-ci"

Véronique Denizot, procureure de la République de Saint-Denis

La procureure de la République souligne toutefois que "toutes les pistes restent ouvertes, n'excluant pas l'intervention d'un tiers en l'état des résultats des premières investigations". 

Une plainte pour violences conjugales déposée le 14 octobre

L'homme, âgé d'une trentaine d'années, était connu par la gendarmerie pour des faits de violences conjugales, confirme le parquet de Saint-Denis. La victime, prénommée Chloé, s'était rendue à la gendarmerie de La Possession le lundi 14 octobre dernier, pour déposer plainte. 

Selon nos informations, la victime de 34 ans et mère de deux enfants, vivait sous le même toit que son ex-compagnon jusqu'au jour de la plainte la semaine dernière. 

L'homme toujours hospitalisé

Ce lundi, l'enquête se poursuivait avec plusieurs auditions et constatations, seon le parquet. 

L'ex-compagnon lui, était toujours hospitalisé à Saint-Pierre, et n'a toujours pas pu être entendu pour le moment en raison de son état de santé. "Il est dans un état critique, mais son pronostic vital n'est pas engagé", nous apprend Emeric Coupama, secrétaire départemental adjoint du syndicat Alliance Police Nationale. "Aucune mesure de garde à vue n'est pour le moment envisageable", confirme aussi le parquet.  

Ce dernier ajoute qu'un examen médical a été pratiqué par un médecin légiste afin de déterminer notamment si l'homme est à l'origine de ses propres blessures. 

Chloé n'avait pas donné de nouvelles depuis samedi matin

La victime n'avait plus donné de nouvelles à sa famille depuis le samedi matin. Ses proches s'étaient donc rendus à la gendarmerie de La Possession afin de signaler la disparition inquiétante de la jeune femme, vers 19h, selon le parquet de Saint-Denis. 

"Une procédure pénale de violences conjugales ayant été traitée par la même unité le 14 octobre, de multiples investigations étaient immédiatement diligentées afin de retrouver la victime", tient à souligner la procureure de la République Véronique Denizot. Soit des "réquisitions téléphoniques, auditions, inscription au fichier des personnes recherchées, mise sous surveillance du véhicule de la victime, enquête de voisinage, déplacement aux différents domicile". 

Le véhicule localisé par la famille 

Parallèlement, les proches de Chloé étaient aussi partis à sa recherche. C'est ainsi qu'ils ont fait la découverte de sa voiture au niveau de la darse du port, peu après minuit. "Ils ont appelé le commissariat du Port qui a dépêché des équipages sur place", raconte Emeric Coupama, secrétaire départemental adjoint du syndicat Alliance Police nationale. Ce sont les fonctionnaires de police qui ont ensuite constaté la présence des personnes à l'intérieur du véhicule. 

L'ex-conjoint était convoqué dans les jours à venir

Aucun antécédent de violence conjugale n'était connu dans le couple. Toutefois, l'homme avait été condamné à trois mois avec sursis pour des faits de vols en 2018, apprend-on du parquet. Toujours selon la procureure de la République Véronique Denizot, quatre jours après le dépôt de plainte de Chloé pour violences conjugales, le mis en cause avait été convoqué devant le délégué du procureur pour le 6 novembre prochain. 

Le parquet devait lui signifier "la mise en oeuvre d'un classement sans suite, sous condition d’effectuer un stage de sensibilisation aux violences intra familiales dans le délai de six mois". 

Quid des deux enfants du couple ? 

En ce qui concerne les deux enfants du couple, ils pourraient être confiés à de la famille. Le jue des enfants et le juge aux affaires familiales ont été saisis, rapporte le parquet. "L’association ARAJUFA (Association réunionnaise pour l'aide juridique aux familles et aux victimes, ndlr) a été requise pour procéder à une évaluation personnalisée de la situation de la famille de la victime, afin de déterminer toute mesure d’aide et de soutien nécessaire dans le cadre de la présente procédure", informe la procureure de la République.

"Elle était en danger"

Ce nouveau féminicide n'est pas sans soulever de questions autour de la prise en charge des victimes de violences conjugales. Dans un long communiqué, l'Union des Femmes Réunionnaises (UFR) se pose la question de l'efficacité des dispositifs de mise à l'abri des victimes. Et s'interroge sur ce qui "aurait pu être fait pour sauver la vie de cette mère de famille", alors que les violences étaient dénoncées et que l'entourage était en alerte. 

"Elle était en danger et elle avait alerté sur les violences qu'il lui infligeait. Il lui a arraché la vie caché dans la nuit. Il a tranché comme s'il avait un droit supérieur de lui ôter la vie, s'affranchissant de la justice des hommes" 

Union des Femmes Réunionnaises

Des dispositifs de mise à l'abri et de prévention inefficaces ?

Selon l'UFR, le 115, numéro d'urgence sociale est "saturé", des femmes en sont "tous les jours refoulées", et les programmes de prévention autour du sexisme et ses victimes, bien qu'existants, ont peine à être financés.

"Notre association déplore que la cause des femmes soit encore et toujours renvoyée au manque de moyens et au bénévolat. Nous refusons toute société qui baissera les bras et admettra le triste décompte des féminicides", achève l'Union des Femmes Réunionnaises. 

"Il faut écouter les femmes elles-mêmes"

"Il y a des dispositifs qui fonctionnent, et d'autres dont on continue de s'interroger sur leur efficacité", souligne quant à elle la sénatrice Evelyne Corbière Naminzo, également présidente de l'UFR. Souhaitant que les choses bougent désormais. "Maintenant il faut prendre des décisions, et surtout écouter celles qui sont les mieux informées de ces situations : les femmes elles-mêmes. Elles doivent tout gérer à la fois : la situation financière, les violences, et la mise à l'abri pour elles-mêmes et leurs enfants", achève-t-elle. 

Les réactions du préfet Jérôme Filippini, invité sur le plateau de Réunion La 1ère : 

Invité plateau Jérôme Filippini partie 1