Grand Raid 2019 : le parcours de la Diagonale des Fous

166 km, 9 600 m de dénivelé positif, La Diagonale des Fous est la course emblématique du Grand Raid. Sa 27ème édition partira de la Ravine Blanche à Saint-Pierre, jeudi 17 octobre à 22h.
2 470 hommes et 278 femmes sont inscrits au départ de la Diagonale des Fous. Moyenne d’âge des coureurs : 44 ans. De 21 à 77 ans, tous se sont préparés durant des mois, voire des années, pour pouvoir prendre le départ de cette course devenue mythique. Des " fous " qui s’élanceront jeudi 17 octobre, à 22h, de Ravine Blanche à Saint-Pierre.

Parmi les 2 748 inscrits figurent des " élites ". Des traileurs de haut niveau, rodés à l’exercice. Certains ayant marqués les précédentes éditions seront présents. Dans le désordre, il faudra ainsi compter sur Freddy Thévenin, David Hauss, Benjamin Postaire ou encore Mico Clain. Pas de Kilian Jornet, ni de Jim Walmsley, en revanche du côté des extérieurs, on devrait retrouver Antoine Guillon et Benoit Girondel.

Du côté des femmes, de beaux noms se disputeront également la première marche du podium, à savoir Alexandra Clain, Christine Bénard,Hélène Valette, Sandrine Béranger ou encore Alexandra Rousset.
 

La pression monte avant le départ


Rassemblées dans la zone d’attente à La Ravine Blanche, les 2 748 coureurs sont impatients de se lancer dans cette course folle. Impatients mais stressés. Les regards et les gestes en donnent en tout cas l’impression. Chacun sa méthode pour se "mettre dans la course", mais dans les faits, la plupart d’entre eux se plongent dans leur bulle.
©Réunion la 1ère
 
On vérifie son matériel, on réfléchit aux derniers préparatifs pour être sûr de ne rien avoir oublié. Et puis, il y a aussi les petits doutes de dernière minute : " mon assistance sera-t-elle bien présente aux points prévus, ai-je bien pris mes piles de rechanges pour ma frontale, mes vêtements contre le froid, ma casquette pour le soleil,… ? ". On pense à sa course, on se demande si ses prévisions des heures de passage seront bonnes, on craint que les anciennes blessures ne se réveillent, autant dire que le mental cogite. Enfin, plus pour longtemps.
 

Les Fous sont lâchés


D’abord, les joëlettes s’élancent. Comme Chaque année, elles prennent le départ 30 minutes avant les autres traileurs, à 21h30. Pour cette 27ème édition du Grand Raid, l'association RAJ, Réunion Aventure Joëlettes, permettra à 11 personnes portées de traverser, elles-aussi, l'île. 31 porteurs, ainsi que des médecins, kinésithérapeutes et autres bénévoles se relaieront pour rendre cette aventure possible. Au total pas moins de 70 personnes parcourront 100 km, dont 80 km de portage, sur près de 9 600 m de dénivelé cumulé. Arrivée prévue le dimanche 20 octobre à La Redoute.
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22h approche. Tous les fous se dirigent vers la ligne de départ. Le cœur bât de plus en plus vite pendant le décompte. Ca y est, le départ est donné. D’un coup, les coureurs sont aspirés par le flux. Le rythme est soutenu, les Fous galvanisés par les encouragements des spectateurs venus en nombre, souvent bien même au-delà de leurs limites avoueront certains. Dans cette ambiance, ils ne s’en rendent pas vraiment compte. Ce n’est qu’au 1er km qu’ils commencent à mesurer ce départ trop rapide. Le cœur et les jambes envoient des signaux. La prise de conscience arrive alors, pour atteindre l’objectif, à savoir La Redoute, il faut modérer son allure.

La première difficulté apparaît à 8km du départ avec le premier champ de cannes. Côte et boue sont à gérer. Les groupes de niveaux commencent à se former et bien souvent les mêmes coureurs se côtoieront, au moins pour la première journée. Arrivés à Domaine Vidot, à Mont-Vert-Les-Hauts, une haie d’honneur attend les coureurs. Le public rebooste et motive davantage encore les Fous, qui désormais " savent pourquoi ils sont là ". Mais le Domaine Vidot est aussi le 1er ravitaillement, et le 1er lieu d’abandons. A ce moment-là, les coureurs quittent la route et entrent dans les sous-bois et les sentiers. Les choses sérieuses commencent.
 
Pas question de traîner d’ailleurs, quelques kilomètres plus loin, le risque de bouchons est fort au moment de descendre vers la rivière. Ensuite, s’entame une première et très grosse montée jusqu’à notre Dame-de-la-Paix, qui s’achève sur un terrain très vallonné, et avec un bon dénivelé positif. Arrive alors le prochain point de ravitaillement à Trou Blanc.

La nuit pèse toujours, on prie pour qu’il ne pleuve pas, le froid est mordant. Heureusement, la soupe chaude et salée est là pour réconforter les coureurs. C’est reparti pour une petite montée jusqu’au Nez de Bœuf, et une descente vers Mare-à-Boue par le Chalets-des-Pâtres. Attention dans le sentier par contre, les coureurs traversent les pâturages bordés de fils barbelés. En cas de pluie, les glissades coûtent cher. Si le terrain est sec en revanche, on se laisser aller.
 

Direction Cilaos


Enfin, les coureurs atteignent Mare-à-Boue, lieu où attendent déjà les familles et leurs " ravitos ", les amis, les bénévoles, le team également. Les autres années, ce ravitaillement était réputé car tenu par les militaires. Au menu, il y a avait alors pâtes et poulet grillé. A ce stade, l’estomac accepte encore la nourriture. Il faut donc en profiter pour reprendre des forces après 5 à 6 heures de course déjà.

C’est ensuite reparti. La montée vers le coteau Kerveguen est un passage pénible car boueux et technique. Une sacrée descente jalonnée d’une dizaine d’échelles mène ensuite à Mare-à-Joseph et se poursuit vers Cilaos. Reste pour cela à traverser la forêt et la rivière du Bras de Benjoin, une dernière petite montée, raide cependant, et c’est l’arrivée au stade de Cilaos.
 
Dans les sentiers à Cilaos

L’étape est parmi les plus importantes de la Diagonale des Fous. Après une nuit dans les sentiers, c’est en effet l’occasion de se jauger. Beaucoup continueront, mais certains choisiront l’abandon, car bien souvent pas en assez bonne condition. Mais l’ambiance réchauffe en général le moral et le cœur. Cilaos est en effet un lieu réputé pour sa convivialité. Les familles sont présentes, les spectateurs aussi. Et puis, C’est aussi un gros point de ravitaillement. Repas chaud, mais aussi kinésithérapeutes, podologues, masseurs et médecins permettent aux Fous de reprendre les forces nécessaires. 65 km ont déjà été parcourus, reste encore une centaine à faire.

Les premiers coureurs atteignent Cilaos au petit matin, le soleil est alors à peine levé. La température, encore bien fraîche, va en revanche grimper. Direction le cirque de Mafate, et celui-là, c’est de jour qu’il faudra le traverser !

D’abord, il faut passer la cascade Bras-Rouge. Une petite descente au bord de la rivière, dans un cadre enchanteur, réchauffé par les premiers rayons du jour. Parfait pour la remise en jambes. Sauf que les choses sérieuses ne tardent pas à se rappeler aux bons souvenirs des traileurs. La remontée est sévère jusqu’à la route d’Ilet à Cordes, 300m de dénivelé sur 2km de distance seulement pour atteindre le début du sentier du Col du Taïbit. La route d’Ilet à Cordes marque le début d’une longue portion en solitaire. Seuls les Mafatais et les supporters les plus motivés seront ensuite encore présents.
 
Le passage est désormais très étroit et vertigineux
C’est par la montée du Taïbit qu’elle commence. Une partie dont la réputation n’est plus à faire et que bon nombre de coureurs redoutent. Heureusement, elle se fait à l’ombre, à travers tantôt la forêt et tantôt une végétation plus basse. Le moment est alors dur, mais plutôt " agréable ". Les coureurs pourront d’ailleurs trouver sur leur chemin un petit remontant. L’association Trois Salazes propose en effet sa célèbre " tisane ascenseur ", sensée leur redonner un petit coup de fouet pour arriver jusqu’au sommet !
 

Mafate en plein soleil

La vue sur Marla y est exceptionnelle, de quoi rendre la descente particulièrement plaisante. Une fois l’ilet atteint, on ne traîne pas, un petit ravitaillement, une courte sieste éventuellement, pas plus de 10 à 15 minutes, et c’est reparti. Une jolie montée, que tous les randonneurs connaissent, les emmène jusqu’à la Plaine des Tamarins, en traversant la superbe forêt du même nom. Il arrive d’ailleurs d’y croiser des vaches.
 
Le Col des Bœufs est rapidement atteint, puis la Plaine des Merles, et enfin la bascule vers l’autre partie de Mafate est effectuée. Les coureurs partagent alors le tracé de La Mascareignes sur 6 km via le Sentier Scout. En bas, ceux de La Mascareignes iront à droite en direction de l’Ilet à Malheur, ceux de la Diagonale des Fous à gauche en direction d’Ilet à Bourse. Les écarts commencent à bien se creuser, le 1er passe vers 10h30, le second 11h55, selon les pointages de l’an dernier.

D’un ilet à un autre, d’Ilet à Bourse à Grand Place, le dénivelé n’est pas fort, mais l’ensoleillement est au maximum. Le soleil au zénith fait mal aux coureurs, qui le subiront plus encore dans les prochains kilomètres. A Grand Place les Bas, la pause est bienvenue. Un sacré morceau les attend ensuite. La montée de la Roche Ancrée jusqu’à Roche Plate est particulièrement difficile en plein cagnard, même pour un coureur reposé. Les plus performants mettront 2 heures.
 
Pendant que certains tentent de récupérer, allongés à proximité du sentier, d’autres quittent Roche Plate à l’attaque de la montée du Maïdo.
Mais ils ne sont pas au bout de leur peine. La Brèche est sur leur route, il faut rallier le Maïdo. La montée est sans pitié, 920 m de dénivelé sur 6 km de distance. Sur le parcours le niveau d’avancée est inscrit sur la roche, 25%, 50%, 75%. La progression est suivie, mais attention double effet garanti ! Joie et désespoir s’entremêlent alors. Il va falloir supporter 2 nouvelles heures de montée. Un seul mot d’ordre avancer. Doucement mais sûrement, sans jamais s’arrêter, et ce, malgré les crampes qui commencent à se manifester.
 
Au point culminant, pas de ravitaillement ! Il faut encore marcher pour atteindre celui de Tête Dure, pourtant il serait déjà le bienvenu. A la sortie de Mafate, les coureurs sont rincés. Tout a besoin d’être requinqué, le physique surtout, le moral aussi ! Il faut dire que la plus grande descente du parcours les attend. Les tentes du ravitaillement sont bien pleines, les traileurs bien cassés cherchent à reprendre des forces à tout prix.
 
 

Sortie des cirques, encore 40 km à parcourir


A ce stade, rien n’est acquis. S’annonce en effet une longue descente jusqu’à Sans-Soucis, près de 13 km subis par les Fous, et qui se finit par de grandes marches auxquelles même les plus avertis ne pourront résister. C’est en fin de journée que les coureurs atteindront le ravitaillement installé à l’Ilet Savannah. Un ravitaillement complet avec repas chaud, kinésithérapeute ou encore podologue.

Après 126 km de course, vient la traversée de la Rivière-des-Galets, la petite, mais très raide, remontée pour enfin redescendre par le pénible sentier Kaala et ses échelles, jusqu’à la Place Festival à La Possession. De nuit, les glissades sont à craindre, la prudence est donc recommandée. Dernière ligne droite, direction La Redoute.
 
Une petite sieste à La Possession et il faut désormais affronter le Chemin des Anglais. Ses pavés, parfois penchés, font mal aux jambes et demandent une concentration devenue difficile à atteindre. La remontée de la Grande Chaloupe jusqu’au Colorado est la plus éprouvante. Passé Saint-Bernard à La Montagne, le sentier devient sec, friable et donc glissant. Cette partie est particulièrement dure pour le moral.  
 
Un moral pourtant reboosté au Colorado. L’ambiance y est folle, grisante même. Là, les coureurs parlent bien souvent d’un sentiment de "renaissance", retrouvant ainsi un regain d’énergie qui les emmènera jusqu’au stade de La Redoute, point final de cette Diagonale des Fous.
 
La descente revêt pour certain des allures de délivrance, pour d’autres de supplice. Les sensations ont disparues, seul l’objectif compte. Les derniers pourront au moins dire qu’ils l’ont fait. Aller au bout est déjà un exploit. Pour preuve, une fois l’arrivée passée, tous pourront se parer du désormais célèbre t-shirt "J’ai survécu".
 
166 km, à travers les plus beaux et plus difficiles reliefs de La Réunion, auront alors été parcourus.