Pierre Moscovici est en visite officielle à La Réunion, ce jeudi 28 mars et demain, vendredi 29 mars. Le président de la Cour des comptes et ancien ministre, donnera une conférence à l’Université de La Réunion sur le thème "Quelles réponses de l’action publique face aux crises ?". Demain, il interviendra aussi lors de l’audience solennelle, au siège de la chambre régionale des comptes, à Saint-Denis.
Dans un rapport présenté le 5 mars dernier, la Cour des Comptes appelle à une réforme profonde de l'octroi de mer.
Trois questions à Pierre Moscovici, président de la Cour des Comptes, en visite à La Réunion.
Réunion La 1ère : Pourquoi remettre en cause aujourd’hui l’octroi de mer ?
Pierre Moscovici : C’est un des plus vieux impôts de la République. Je mesure à quel point cette manne financière est nécessaire pour les collectivités, cela représente tout de même 1,64 milliards d’euros pour l’ensemble des Outre-mer.
Il y a plusieurs raisons de le remettre en cause. La première est qu’il faut un agrément de la commission européenne et le prochain est en 2027 (…). Il vaut mieux que le régime soit réformé avant, plutôt que l’agrément soit refusé et qu’on arrive au pied du mur.
La seconde chose est que parfois, l’octroi de mer est un faux-ami. Oui, c’est une manne financière, mais une manne qui va essentiellement au fonctionnement des communes. Elle ne privilégie pas les investissements, et n’aide pas à financer les infrastructures dont La Réunion a besoin (...). C’est aussi un facteur d’augmentation des prix.
Pour toutes ces raisons, je pense que défendre le statu-co n’est pas la bonne attitude. Le rapport de la cour des Comptes est une analyse objective, une évaluation de politique publique, mais c’est le gouvernement qui décidera. Les propositions de réforme dépendent de lui.
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous :
Réunion La 1ère : Les élus de La Réunion sont vent debout contre cette réforme. La présidente de Région, Huguette Bello, parle de "vision biaisée voire déformée" dans votre rapport. Que lui répondez-vous ?
Pierre Moscovici : Ce n’est pas un rapport fait de Paris, il a été fait avec la chambre régionale des comptes de La Réunion-Mayotte. Il est parti d’expériences de terrain et c’est fait dans la concertation. Tout rapport peut être discuté, mais il n’est pas biaisé. C’est un élément pour la décision et le débat public.
Je note qu’il y a des propositions de réformes radicales, comme la substitution d’une sorte de TVA régionale à l’octroi de mer. Ce n’est pas ce que propose la cour des comptes. Nous ne sommes pas pour passer à un régime complètement différent.
En revanche, nous plaidons pour une réforme ambitieuse qui permette de mieux piloter le dispositif et d’éviter un certain nombre de biais. Et avec bien sûr une préservation des ressources pour les collectivités locales, car je sais à quel point elles sont indispensables pour les Outre-mer (…).
Réunion La 1ère : Sur le dérapage des dépenses publiques, vous dites que la situation est préoccupante. L’heure est aux économies. A quel scénario faut-il s’attendre à La Réunion ?
Pierre Moscovici : Nous avons aujourd’hui un déficit public qui est trop élevé de 5,5 % du PIB. Cela nous place en mauvaise posture par rapport à nos partenaires européens.
Nous sommes parmi les déficits les plus élevés. Notre dette publique est la 3ème de la zone euro derrière la Grèce et l’Italie. La différence est que la Grèce et l’Italie voient leur dette publique descendre, mais pas nous.
Cela nous met dans une situation compliquée. Si nous ne faisons rien, nous paierons le remboursement de la dette plus cher, car cela aura un impact sur la crédibilité de la France dans l’Europe, et nous n’aurons plus de moyens pour investir.
C’est pourtant dans l’intérêt des Réunionnais d’avoir des investissements structurels et structurants. Mais ces investissements, nous n’aurons pas les moyens de les faire si nous sommes endettés. C’est pour cela qu’il est impératif de nous désendetter : c’est d’abord par la croissance, peut être une part d’imposition et enfin la maîtrise des dépenses publiques.