"Jours de la Nuit" : cette année, éteindre les lumières est encore plus important pour permettre l'envol des pétrels

Pétrel de Barau
Chaque année, le premier envol des jeunes pétrels est perturbé par la pollution lumineuse. Mais cette fois-ci, la SEOR parle d'un "risque d'échouage sans précédent", en raison de la nouvelle lune qui coïncide avec le pic d'envol. Dans ce contexte, il convient plus que jamais d'éteindre nos éclairages artificiels durant ces quelques jours, pour la survie du pétrel de Barau et du pétrel noir, deux espèces menacées.

A partir de ce vendredi soir, on observera moins de lumière sur la voie publique. Du 7 avril au 3 mai, c'est tout un programme d'actions qui est engagé par le Parc national dans le cadre des "Jours de la Nuit", et 24 acteurs publics et privés s'inscrivent cette année dans une démarche d'extinction de leur éclairage. 

Mais pourquoi éteindre les lumières à cette période plutôt qu'une autre ? Parce qu'elles sont un vrai danger pour les jeunes pétrels de Barau qui s'envolent en cette saison. 

Christian Léger de la SEOR est l'invité du JT de 19H

Un premier envol vers l'océan pour les jeunes pétrels...

Cet oiseau marin endémique de La Réunion vit en mer toute l'année, mais revient chaque année sur l'île pour se reproduire. A la nuit tombée, ils rejoignent leurs colonies sur le Piton des Neiges et le Grand Bénare. Après cette période de reproduction de septembre à avril, les petits pétrels doivent alors prendre leur envol pour la première fois, et rejoignent l'océan. 

...guidés par le reflet des astres sur l'eau

Pour ce faire, ils suivent le reflet de la lune et des étoiles sur l'océan. C'est pourquoi la présence de lumières artificielles est problématique, confondues avec ces fameux reflets censés les guider. C'est pourquoi ils s'échouent au sol, et sont incapables de s'envoler à nouveau par leurs propres moyens. Sans sauvetage, ils n'ont aucune chance de survie, souligne la SEOR (Société d'études ornithologiques de La Réunion). Dans ces conditions, depuis 2000, le Pétrel de Barau est classé "en danger d'extinction" par l'IUCN. 

96% des échouages attendus entre le 7 avril et le 3 mai

Cette année, c'est entre le 7 avril et le 3 mai que 96% des échouages de pétrels sont attendus. D'où les dates choisies pour le programme des Jours de la Nuit. Mais la période du 13 au 28 avril, correspondant au pic des envols, est la plus critique, concentrant 83% des échouages attendus. Les efforts d'extinction de l'éclairage doivent alors être maximaux, dès 19h, selon les recommandations de la SEOR, qui sollicite une "extinction impérative des éclairages sportifs avant 19h". 

"Un risque d'échouage sans précédent" cette année

Cette période est d'autant plus critique cette année que la nouvelle lune aura lieu le 20 avril, en plein coeur du pic d'envol des jeunes oiseaux. Cette "lune noire" ne produisant pas les reflets sur la mer attendus par les pétrels, le risque est encore plus fort de les voir désorientés par l'éclairage artificiel. 

Ainsi, la SEOR craint "un risque d'échouage sans précédent", soit "entre 900 et 1200 Pétrels signalés échoués du 1er avril au 12 mai" selon les prévisions. Pour comparaison, les autres années où cette nouvelle lune coïncidait plus ou moins avec le pic d'envol (2012, 2015, 2018 et 2020), la SEOR a comptabilisé en moyenne près de 950 échouages de pétrels. 

Des facteurs aggravant la pollution lumineuse

Pire encore, certains facteurs décuplent la pollution lumineuse, précise la SEOR. 

"Toutefois, il est probable que cette prévision maximale de 1200 échouages soit largement dépassée si les efforts d’extinctions ne sont pas entrepris. Si des conditions météo dégradées (pluie, vent, nuages bas,..) ont également lieu au cours de la période d’envol, la pollution lumineuse serait décuplée et entre 1500 et 2000 échouages pourraient avoir lieu"

SEOR

C'est pourquoi il est d'autant plus important d'éteindre, en priorité, les éclairages situés sur les couloirs de passage des jeunes pétrels, vers la mer. 

Couloir d'envol des pétrels

Des extinctions dans 17 communes 

24 acteurs publics et privés sont cette année engagés dans une démarche d'extinction de l'éclairage : 17 communes sur les 24 de La Réunion éteindront l'éclairage public soit sur l'ensemble de la commune, soit seulement sur certains secteurs ou sur les sites sportifs. 

A l'Entre-Deux par exemple, la commune a fait le choix d'une extinction totale de l'éclairage public durant le mois de l'opération.

"La ville sera dans le noir complet, sauf à une ou deux exceptions. Au début, les gens n'acceptaient pas : pour eux, le fait d'être dans le noir amènerait plus de vols et de malveillance. Mais il a été prouvé par la gendarmerie que pendant cette période les gens sortent moins, et qu'il y en a moins. Les gens l'ont accepté au fil des années, on voit bien le ciel et les étoiles, et on dort mieux"

Olivette Hoarau, gestionnaire du service des sports de la mairie de l'Entre-Deux

Outre les communes, la CINOR et la CIVIS procèderont aussi à des extinctions de plusieurs des sites intercommunaux, comme le sentier littoral nord, les bibliothèques et stades intercommunaux...

Du côté des centres commerciaux, les Grands Centres (Sainte-Clotilde, Sainte-Suzanne, Saint-Pierre) éteindront les lumières de leur parking, et celui du Cap Sacré Coeur éteindra son écran géant et ses façades lumineuses. 

Des animations gratuites pour sensibiliser

Outre les extinctions, il s'agira aussi de sensibiliser, à travers des animations gratuites. L'Observatoire des Makes organise une soirée d'observation, l'Entre-Deux une balade nocturne, La Possession un "escape game", le Palm hôtel un lâcher de pétrels, ou encore Kelonia des visites nocturnes. Les agents du Parc national eux, ont écrit des contes à la découverte d'environnement nocturnes de l'île : ils sont à retrouver en ligne au www.lesjoursdelanuit.re 

Le pétrel noir, encore plus menacé

Depuis 2020, ce programme vise à "améliorer, préserver et valoriser nos environnements nocturnes par le biais d'un travail de connaissance", selon le Parc national, en conciliant "préoccupations écologiques et considérations socio-culturelles afin d'atteindre un éclairage raisonné et pragmatique à La Réunion". 

Le pétrel de Barau est en danger d'extinction, mais le pétrel noir l'est encore plus, en "danger critique d'extinction" : les scientifiques estiment à 200 le nombre d’individus à La Réunion, et donc dans le monde... car ces oiseaux ne se reproduisent qu'ici. 

Que faire en cas de découverte d'un pétrel échoué ? 

  •  mettez le dans un carton 
  • ne le nourrissez pas 
  • appelez le centre de soins de la SEOR au 0262 20 46 65, qui le prendra en charge et le relâchera rapidement