Cette semaine, 48 addictologues français écrivaient au ministre de la Santé afin de demander au gouvernement de soutenir le "Dry January" - aussi connu sous le nom de "Défi de Janvier" en France - mois sans alcool après les fêtes de fin d'année.
Tous questionnent la politique de prévention du gouvernement envers le problème de santé publique représenté par la consommation d'alcool, et aimeraient que cette initiative, présente dans d'autres pays, soit également soutenue en France. Car selon le Collège universitaire national des enseignants d'addictologie, le soutien de Santé Publique France à l'opération serait suspendu.
Regarder le reportage de Réunion La 1ère :
"Une occasion manquée"
Sur l'île, l'addictologue David Mété a du mal à comprendre l'immobilisme de l'Etat, qu'il juge "incompréhensible". D'autant que "le Dry January, ou Janvier Sobre est un événement de plus en plus populaire, bien accueilli par la population. De plus en plus de personnes y adhèrent, et ça fait du bien, ça a été démontré en Angleterre" avance le Dr Mété.
"C'est une occasion manquée de faire évoluer notre relation à l'alcool".
Dr David Mété, addictologue au CHU de La Réunion
Les lobbies pointés du doigt
L'addictologue - qui fait lui-même partie des signataires du courrier envoyé au ministère de la Santé - pointe du doigt le pouvoir des lobbies alcooliers qui pourrait expliquer cette absence de soutien.
"Le gouvernement, sous le pouvoir des lobbies alcoolier, fait défaut et ne remplit pas ses missions alors qu'il faut rappeler que l'alcool fait près de 45 000 décès dans notre pays"
Dr David Mété, addictologue au CHU de La Réunion
"Inadmissible", "inexcusable"
La faute est d'autant plus "inadmissible à ce niveau de compétences", "au sommet de l'Etat", estime-t-il, souhaitant qu'un jour la population s'empare du sujet.
"C'est une faute inexcusable, qui, à un moment donné je l'espère, entraînera des actions judiciaires. J'espère que des collectifs de citoyens, demanderont des comptes à ces politiques sur leur défaut à mettre en place une politique de santé publique pour protéger la population".
Dr David Mété, addictologue au CHU de La Réunion
Le coût social de l'alcool
A ceux qui penseraient que le "Dry January" nuit aux affaires des alcooliers, le Dr Mété rétorque : "Le coût social de l'alcool est bien supérieur à son bénéfice, si on prend en compte les conséquences sur la société et les dommages sur la santé", soutient le professionnel de santé.
"On voit la différence avec la lutte contre le tabagisme, beaucoup plus énergique : on voit bien qu'il y a un problème avec l'alcool"
Dr David Mété, addictologue
"Il faut dire cette vérité"
Ces dommages sur la santé, l'addictologue les rappelle car, "il faut dire cette vérité" : "l'alcool est une substance toxique, addictive, cancérigène, tératogène (qui provoque des malformations sur les foetus, ndlr)". A La Réunion, sa consommation excessive est impliquée dans 400 à 450 décès chaque année, selon le Dr Mété.
A La Réunion, des pouvoirs publics engagés
S'il pointe du doigt la volonté au niveau national, le spécialiste constate aussi que les acteurs locaux affichent quant à eux une "politique ambitieuse", qu'il s'agisse du préfet ou de l'ARS de La Réunion. Ces derniers, selon lui, font montre d'une "prise de conscience à la hauteur" et d'un réel engagement sur le sujet de la lutte contre l'alcool.
"L'idée derrière tout ça c'est la modération"
Peu importe, avec ou sans le soutien du ministère de la Santé, le "Défi de Janvier" aura bien lieu pour de nombreuses personnes. Ce mois sans alcool, depuis 2020, est très médiatisé et encouragé grâce au travail d'associations.
"Ce sont des initiatives qui font prendre conscience d'un certain nombre de choses. On sait qu'on boit beaucoup. L'idée derrière tout ça c'est la modération, surtout en période de fêtes on sait qu'on a du mal à se contrôler", résume le client d'un restaurant dionysien croisé ce samedi.
Questionner son rapport à l'alcool
En effet, l'idée du "Dry January" ou du "Défi de Janvier" est de questionner son rapport à l'alcool en évitant d'en consommer pendant tout un mois.
"Il s’agit d’une opération positive qui consiste pour chacun,dans le cadre d’un mouvement collectif, à s’interroger sur la place que prend l’alcool dans sa vie et de relever le défi de ne pas en consommer pendant cette période. Il s’agit d'une opération de mobilisation sociale sur une base volontaire qui n’est ni normative ni moralisatrice", résume le Collège universitaire national des enseignants d'addictologie, dans ce fameux courrier à Aurélien Rousseau.