David Mété n’est pas un promeneur comme les autres, dans la jungle urbaine il ne cherche pas les ilots de verdure, mais traque les panneaux publicitaires des alcooliers.
Une déformation professionnelle, pour cet addictologue par ailleurs chef du service dédié au CHU et président de la fédération régionale d’addictologie (FRAR) .Dans cette quête, son attention se porte sur un produit en particulier : le rhum.
"Le rhum à très bas prix : un vestige de l’ère coloniale"
Les alcools forts représentent la moitié de la consommation d’alcool dans l’île, et dans deux tiers des cas, le choix des consommateurs se porte sur le rhum.
Le professionnel de santé regrette la fiscalité particulièrement basse appliquée sur le rhum à La Réunion, elle est 47 fois inférieure à ce qui est pratiquée dans l’Hexagone.
Ce n’est pas une chance d’avoir la dose d’alcool la moins chère de France, c’est au contraire une inégalité majeure de santé publique
David Mété, chef du service addictologie au CHU de La Réunion
Dans un courrier adressé aux politiciens, l’addictologue demande une augmentation « des droits d’accises » soit les taxes appliquées sur l’alcool. Elles sont évaluées à plus de 1600 € par hectolitre d’alcool pur dans l’Hexagone, contre 38 € dans notre département.
Le Syndicat des Producteurs de Rhums de La Réunion réfute cette affirmation indiquant dans un communiqué :
" la fiscalité du rhum sur le marché réunionnais n'est pas la moins élevée des Départements d'Outre-mer. Ainsi, le rhum réunionnais est le plus taxé de tous les DOM. "
Il précise également qu'en " mettant en place des fiscalités privilégiées pour le vin ou le rhum, le législateur avait pour but de soutenir l'agriculture française, que ce soit la filière viticole dans l'hexagone ou la filière canne sur notre île ".
Outre la mortalité liée à la consommation d’alcool dans l’île, 450 décès par an, le médecin considère aussi les dommages collatéraux pour les familles, tels que les accidents de la route et les violences. Autant d’arguments, qui, selon le médecin devraient mettre un terme aux exonérations dont bénéficient les distilleries, avantage qu'il considère comme "un vestige de l'ère coloniale".
Ce à quoi répond le SPRR : " comme le vin fait partie de l'identité bordelaise, le rhum fait partie de l'histoire de La Réunion ".
La Réunion symboliquement réduite à son rhum ?
L’addictologue dénonce la valorisation du rhum Charrette aussi bien sur les panneaux 4x3 que dans les prospectus publicitaires, et traque en particulier les références qui vantent la qualité du « Rhum Charrette ». Qu’ils s’agisses d’un label( le meilleur de l’île, nou la fé etc ) ou de motifs qui sont perçus positivement par l’acheteur tels qu’une photographie du volcan ou le Mahavéli, le drapeau de La Réunion.
Le Syndicat des Producteurs de Rhum de La Réunion indique que la publicité sur l'alcool est strictement encadrée par la loi du 10 janvier 1991, dite loi EVIN. Et ajoute que la publicité " respecte parfaitement les textes légaux et réglementaires ".
Dans sa tribune, David Mété, développe deux arguments qui devraient, selon lui, dissuader tout consommateur :
- Le rhum Charrette incarne l’alcoolisme et ses nombreuses conséquences désastreuses à La Réunion depuis son apparition en 1972.
- Le produit est unanimement critiqué par les experts en spiritueux pour sa médiocrité et la faiblesse de ses qualités aromatiques qui lui permet tout juste d’être reconnu comme un rhum traditionnel.
Regardez le reportage de Réunion la 1ère :