Lutte contre les violences faites aux femmes : où en est La Réunion ?

Un colloque était organisé à la Région.
Malgré la forte mobilisation, les chiffres des violences faites aux femmes ne diminuent pas à La Réunion. À l'occasion de la journée internationale d'élimination de ce fléau, les acteurs de lutte ont évoqué les moyens engagés et réfléchi à de nouvelles pistes de travail.

Avec une triste deuxième place au classement des départements les plus violents envers les femmes, La Réunion est concernée au premier chef par la journée internationale de lutte contre l'élimination de ce fléau. 


21 féminicides recensés depuis 2015, 14,6 femmes victimes pour 1000 habitants en 2023, 12 femmes qui signalent des violences chaque jour en moyenne... Des chiffres qui font froid dans le dos malgré les nombreux moyens engagés depuis une vingtaine d'années. 


"Nous avons un dispositif étoffé sur le terrain, avec un officier référent départemental de la lutte contre les violences intrafamiliales, une maison de protection des familles et 55 référents VIF dans l'ensemble des unités" rappelle pourtant le colonel Christophe Heurtebise, commandant en second de la gendarmerie de la Réunion.

Regardez le reportage de Réunion La 1ère : 

Violences faites aux femmes préfet

Des enquêteurs spécialisés en renfort 


En zone gendarmerie, on comptabilise chaque année 3500 faits de violences intrafamiliales, dont 76 % de femmes victimes. "Malgré un dispositif performant, ce chiffre ne diminue pas et a même tendance à augmenter entre 2023 et 2024", souligne l'officier. 


Aussi, les moyens des forces de l'ordre vont encore être renforcés à partir de l'année prochaine. 
"Pour 2025, 2026 et 2027, il y aura trois fois six enquêteurs de gendarmerie spécialisés dans l'accueil, l'instruction judiciaire des dossiers et l'orientation vers les dispositifs spécialisés qui seront affectés", annonce le préfet Patrice Latron. 

"Repérage et prévention"


Parmi les nouveaux dispositifs en vigueur à La Réunion, l'aide d'urgence versée aux victimes pour faire face aux dépenses immédiates quand elles quittent leur conjoint, ou l'ouverture d'un centre d'accueil pour les auteurs de violences.


Mais il reste encore beaucoup à faire. "Il y a encore beaucoup de femmes qui ne parlent pas. Donc il faut du repérage puis de la prévention, de l'accompagnement et continuer la lutte. Y compris en direction des auteurs pour que ça ne se renouvelle pas"  souligne Sylvie Guillery, directrice régionale aux droits des femmes et à l'égalité.

"Accompagner tout de suite"


À la Région, où était organisé un colloque sur le sujet, on a aussi planché sur les moyens d'extraire les femmes du processus d'enfermement qui accompagne les violences domestiques. De ce point de vue, l'annonce gouvernementale de généraliser la possibilité de déposer plainte au sein de l'hôpital est une avancée bienvenue.

Regardez le reportage de Réunion La 1ère : 

Violences faites aux femmes colloque région

"Les personnes victimes, si on ne les accompagne pas tout de suite, on les perd. Elles passent à travers les mailles du filet" rappelle Pascaline Roussel, psychologue.


"Au moment où la violence à lieu, on est dans la phase où la personne est la plus réceptive aux aides et on peut l'accompagner. Si on attend trop et qu'elle est à nouveau en phase de "lune de miel", elle ne sera pas disponible pour accepter l'aide qu'on pourra lui apporter" précise la praticienne. 

"Il faut une loi-cadre" 

Sensibiliser, mobiliser et proposer des avancées en faveur des victimes, pourquoi pas en réformant l'arsenal législatif. C'est ce que prône depuis des années Huguette Bello.

"Ce dont nous avons besoin, c'est qu'il y ait une loi-cadre pour que ce qui est écrit dans le Code pénal, dans le Code de la santé publique, dans le Code civil, soit regroupé pour que nous ayons plus de moyens, ainsi que l'Espagne l'a fait avec la loi Zapatero" martèle la présidente de Région.

"Enjeu de civilisation"

Mais pour l'universitaire Mario Serviable, les violences faites aux femmes représentent aussi un véritable "enjeu de civilisation."  "Cette journée doit d'abord s'adresser aux hommes", souligne-t-il. "Dans le monde du vivant, l'homme est le seul animal qui maltraite la partie féminine de l'espèce, celle qui engage l'avenir. Tuer celle qui porte la vie, c'est la fin de l'espèce humaine."