Dans son nouveau rapport régional sur le mal-logement dévoilé ce mercredi 02 juin, la Fondation Abbé Pierre estime que plus de 100 000 personnes sont mal logées à La Réunion. De surcroit, près de 3 Réunionnais sur 10 sont touchés de près ou de loin par la crise du logement.
En 2021, la Fondation Abbé Pierre a publié, au niveau national, un rapport sur l’état du mal-logement dans lequel elle a analysé les conséquences très inquiétantes que la crise sanitaire a eu, et va avoir, sur le quotidien de millions de français. Une analyse pour l'île de La Réunion a également été publiée.
On y apprend justement qu'à La Réunion, environ 100 000 personnes sont mal logées. C’est ce qui ressort du rapport dévoilé aujourd’hui par la Fondation Abbé Pierre. Un document qui précise également que près de 3 Réunionnais sur 10 sont touchés de près, ou de loin, par la crise du logement.
De la crise sanitaire à la crise sociale à La Réunion
Le sondage IPSOS réalisé pour la FAP « Perception du mallogement, quel impact de la crise de la Covid-19 sur le logement ? » révèle que la situation financière d’un tiers des Français, 32 %, s’est dégradée depuis le début de la crise sanitaire. Cette dégradation affecte davantage les personnes déjà les plus fragiles:
- 43 % des 18 - 24 ans,
- 55 % des allocataires APL
- 14 % des Français ont notamment eu des difficultés liées au logement (paiement des loyers, dégradation du logement) en 2020
- et 29 % des Français expriment des craintes liées au logement pour 2021
Les effets de la crise sanitaire, au niveau social, ont accentué les inégalités sociales et la précarisation de nombreux Réunionnais, à partir du confinement, comme en témoigne un nombre d’allocataires des minima sociaux à la hausse : + 3 500 nouveaux allocataires des minimas sociaux entre mai et septembre 2020 à La Réunion
Autre indicateur révélateur, le nombre de demandeurs d'emploi. Le rapport note une augmentation du nombre de personnes inscrites à Pôle Emploi de février à août 2020. Selon une étude de l’Insee dévoilée dans le rapport, le sous-emploi lié à l’activité partielle a atteint 20 % des personnes en emploi au 2ème trimestre 2020, soit deux fois plus qu’au dernier trimestre de 2019. Les personnes sans emploi qui souhaitent travailler sont de plus en plus nombreuses et représentent 25 % des 15 - 64 ans (3 points de plus que fin 2019).
Augmentation du nombre de demandes d’aide alimentaire
Depuis le début de la crise sanitaire, les besoins en aide alimentaire sont en augmentation. Le rapport de la Fondation Abbé Pierre révèle que pour la Banque Alimentaire :
- 3 527 colis ont été distribués en 2020 soit une hausse de 13 % par rapport à 2019
- près de 86 694 personnes ont bénéficié des colis alimentaires (+10 %) au travers de la distribution de 1 250 tonnes de denrées alimentaires (+37 %) ;
Pour la Croix-Rouge, entre le 1er semestre 2019 et le 1er semestre 2020 :
- 26 879 personnes aidées (+37 %)
- 11 257 colis distribués (+36 %)
Hausse des loyers impayés
L’ARMOS, qui regroupe les 7 promoteurs sociaux de l'île, constate une augmentation de la dette de + 6 % sur les soldes des locataires présents sur 2020. Les bailleurs sociaux observent une forte augmentation des impayés en avril 2020 (+ 198 794€ par rapport au mois précédent), un rattrapage important en mai (- 266 951 €), et une nouvelle hausse à partir de juin (+ 163 820 €).
Sur le second semestre 2020, le montant de la dette est aussi élevé que sur les mois précédents le confinement, mais avec un nombre moins important de ménages en impayés. Cela traduit probablement une fragilisation des ménages qui avaient déjà contracté une dette locative indique la Fondation Abbé Pierre dans son rapport.
Habitat indigne : 18 000 bâtis dans l’île. La Fondation propose un plan d’action en 4 actes
La Fondation Abbé Pierre consacre, cette année, un chapitre thématique à la lutte contre l'habitat indigne. Selon l'Observatoire Réunionnais de l'Habitat Indigne, près de 18 000 bâtis sont recensés comme tels sur l'île, plus de 30 000 personnes n'ont pas accès à de l'eau chaude. Or, les actions déployées par les acteurs réunionnais ne sont pas suffisantes pour couvrir l'ensemble des besoins indique la Fondation Abbé Pierre. Les personnes impactées finissent par être épuisées, moralement et physiquement, au point de s'isoler socialement faute de pouvoir accueillir des proches dans un logement digne.
Par conséquent, la Fondation Abbé Pierre propose un plan d'action de « Lutte contre l'habitat indigne : objectif 0 en 10 ans » avec 4 axes qui se déclinent en 23 préconisations concrètes et opérationnelles:
- Fixer des objectifs de résultat pour l'Etat et les collectivités territoriales (Région, Conseil Départemental, Intercommunalités, Villes) ;
- Mettre les personnes au centre de la lutte contre l'habitat indigne ;
- Développer des réponses adaptées aux besoins des ménages non pris en charge par les dispositifs existants ;
- Réaliser un suivi régulier de la stratégie de lutte contre l'habitat indigne et prévoir un plan de communication ;
La lutte contre l'habitat indigne nécessite une volonté politique forte, tant au niveau du Préfet que des élus locaux, qui doivent prendre davantage leurs responsabilités et utiliser les moyens préventifs, incitatifs et coercitifs dont ils disposent.
Le droit au logement digne et décent est inscrit dans les lois de la République, il appartient à tous les acteurs en responsabilité de le défendre pour répondre aux besoins d'aujourd'hui et de demain rappelle la Fondation Abbé Pierre qui cite en exemple que pour l'année 2020, le nombre d’arrêtés préfectoraux relatifs à l’insalubrité a chuté (de 92 en 2019 à 65 en 2020).
Ce chiffre n’est qu’un des marqueurs du ralentissement des politiques de l’habitat pendant la période de crise sanitaire précise le rapport dont vous pouvez lire l'intégralité ci-dessous ⤵
L'état du mal-logement à l'Ile de la Réunion pour 2020-2021
Les personnes sans-abri face à la crise sanitaire
Selon le rapport, les personnes sans abri ont tout d’abord rencontré d’importantes difficultés pour se nourrir, en raison de la fermeture de certains lieux et de la perte de leurs revenus issus, le plus souvent, de l’économie informelle comme la mendicité et le travail non déclaré.
L’accès à l’eau, pour boire, se laver, cuisiner et respecter les mesures barrières, s’est également révélé très complexe, par manque de fontaines, de douches ou de toilettes publiques en fonction des territoires. Par ailleurs, certains lieux ont fermé durant le confinement en 2020. Ainsi, l’isolement des personnes s’est accentué, avec des liens sociaux qui se sont rompus.
La crise sanitaire a eu un effet accélérateur sur les dynamiques autour du Logement d’Abord. Plusieurs places d’hébergement, avec l’engagement d’éviter tout retour à la rue, ont été mises en place à la sortie du confinement. Ainsi, l’État a réquisitionné 94 places, remplissant les conditions de dignité et de confort notamment une chambre, un lit, une douche et des espaces communs.
Au total, 100 personnes ont été hébergées, à Saint-Pierre, à Saint-Paul et à Saint-Denis. Parmi ces personnes :
- 71 sont relogées dont 59 avec une mesure d’accompagnement social,
- 13 sont hébergées dans des structures d’hébergement d’insertion,
- 6 sont retournées dans leur famille,
- 4 ont quitté le territoire (retour à Maurice, en France),
- 6 ont quitté par elles-mêmes le dispositif avant la fin du confinement.
Le reportage de Jean-Claude Toihir et Thierry Chenayer :
Erick Fontaine, administrateur de la CNL, la Confédération Nationale du Logement, pointe lui du doigt les bailleurs sociaux de l’île. Pour lui, les logements livrés sont inférieurs à la demande.
Erick Fontaine interrogé par Florence Bouchou :
Philippe vit dans un habitat indigne depuis 20 ans
Philippe a 50 ans. Depuis plus de 20 ans, ce réunionnais vit dans un logement insalubre à Bras-Panon. Une pièce de 12 mètres carrés, sans eau, ni douche, ni toilettes lui sert de lieu de vie.
Si i gaign range un ti morceau pou moin vive (...) la pa besoin plus que ça
Depuis des années, Philippe vit comme il peut. Pour l'électricité, il compte sur la générosité d'un voisin. Pour l'eau, le quinquagénaire utilise un robinet et il fait sans eau chaude. Pour ce qui est des sanitaires, c'est Dame Nature qui pourvoit à ses besoins.
Le reportage de Jean-Claude Toihir et Thierry Chenayer :