Maurice : 200 millions de $ échappent au fisc kenyan via l'île sœur

La CCCC, société chinoise implantée au Kenya, aurait fraudé le fisc du pays en passant par des boîtes postales basées à l'île Maurice. Il est question 200 millions de $
L'île Maurice, sans le savoir, facilite-t-elle l'évasion fiscale de sociétés chinoises installées au Kenya ? Les inspecteurs des finances du pays africains estiment que 200 millions de $ ont été transférés vers des boites postales mauriciennes.

Ce nouveau dossier vient d'être révélé par Will Fitzgibbon. Le journaliste d'investigation avait mis au jour les "Mauritius leaks". Autant dire que cette nouvelle affaire financière, si elle s'avère exacte, inquiète le milieu bancaire de l'île Maurice. 

L'île sœur vient de tout juste de sortir de la liste noire de l'Union européenne des pays et territoires non-coopératifs à des fins fiscales. Nos voisins ne peuvent pas se permettre de réintégrer ce listing qui limite les échanges et les affaires avec l'UE. 

D'ailleurs, dès la publication de ces premières informations, le ministre mauricien des Services Financiers, Mahen Seeruttun s'est voulu rassurant. Le directeur de Transparency Mauritius, Rajen Bablee, prévient que les garde-fous doivent impérativement jouer leur rôle : "Si à Maurice nous continuons à pratiquer la politique de l’autruche, nous pourrons être épinglés de nouveau", précise Défimédia.

Des boites postales 

D'après les éléments recueillis par Will Fitzgibbon, confirmés par L'Express de Maurice, China Communications Constructions Company (CCCC) aurait dû verser 200 millions de $ d'impôts dans les caisses du ministère des Finances du Kenya. Pour se soustraire à l'impôt, la CCCC aurait effectué des investissements dans quatre sociétés mauriciennes. Des boîtes aux lettres qui disposent de bureaux, d'une secrétaire, mais n'ont pas la moindre activité. Cet investissement fictif est lucratif grâce au traité, de non-double imposition, signé par les deux pays. 

En 2019, une affaire identique avait mis fin à des traités identiques avec la Zambie, le Lesotho, et le Sénégal. Ce dernier pays estimait l'évasion fiscale, via cet accord, à 257 millions de $. 

Les pays pauvres premières victimes 

Ce fonctionnement n'est malheureusement pas nouveau. L'île Maurice, comme de nombreux pays insulaires, a largement profité de ces tours de passe-passe illégaux. Le journaliste Will Fitzgibbon souligne que ce n'est pas une simple anecdote : "L'île Maurice, qui pendant des années s'est présentée comme la « porte d'entrée de l'Afrique », a longtemps incité les entreprises faisant des affaires en Afrique à créer des sociétés écrans sur l'île. Maurice offre aux entreprises le secret, de faibles taux d'imposition et un réseau de traités bilatéraux qui, selon les critiques, permettent aux entreprises rentables d'éviter de payer des impôts dans certains des pays les plus pauvres du monde."

L'Express de Maurice a tenté de contacter les mis en cause. La réponse se limite à un communiqué : "Standard Chartered est au courant des allégations mentionnées dans l'article de presse. La Banque adopte un cadre solide de conformité en matière de criminalité financière et adhère à des normes et contrôles locaux et mondiaux rigoureux qui s'appliquent à nos clients, à nos parties prenantes et à notre personnel. Le Groupe applique une position de tolérance zéro lorsque des preuves crédibles de toute violation des normes ou tentatives de contournement des contrôles existent parmi ses opérations."