C'est un drame de la misère humaine à laquelle cette famille portoise est confrontée chaque jour. Depuis trois ans qu'elle a emménagé, elle voit croître contre son mur d'enceinte l'habitat de fortune construit par un marginal qui accumule des monceaux d'ordures sur les quelques feuilles de tôle qui forment son abri.
"Je suis dégoûtée pour mes petits-enfants, mais aussi pour lui"
"Je suis une mamie dégoûtée", explique Farida Govin, qui vit en mitoyenneté avec le taudis et est persuadée que les problèmes de santé de son petit-fils ont un lien avec l'insalubrité des lieux, régulièrement fréquenté par les rats. "Je suis dégoûtée pour mes petits-enfants, mais aussi pour ce monsieur qui vit hors soins. C'est un crève-cœur. Il a besoin d'être protégé et pris en charge. Il n'est pas responsable de sa situation."
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Terrain privé
La Portoise exprime son exaspération de voir la situation perdurer, alors qu'elle a déjà sollicité la mairie et les services de l'Etat. "Depuis deux ans, c'est du ping-pong entre les deux" lâche-t-elle, écœurée.
La mairie se dit pourtant consciente du problème, mais indique se trouver dans une impasse juridique. "Les riverains nous remontent très régulièrement des problèmes de salubrité. On a fait des opérations de nettoyage, notamment à la période cyclonique, mais c'est un terrain privé" répond Prisca Aure, directrice générale des services de la mairie du Port.
Sans papiers
"Comme c'est une propriété privée, on ne peut pas agir pour le compte d'un privé mais seulement mettre en demeure les propriétaires de nettoyer leur parcelle", souligne la cadre municipale.
Or, cette parcelle fait l'objet d'une succession compliquée, et la commune n'a aucun interlocuteur valable. Quant au squatteur, il semble refuser l'aide proposée.
"On ne sait pas quel est son vrai nom, ni son âge. Il n'a pas d'identité, aucuns papiers. Malgré les recherches du CCAS, on n'a pas retrouvé sa trace dans l'état civil français" précise la commune. Qui ajoute ne pouvoir "accompagner vers un relogement que des personnes françaises ou avec un titre de séjour en règle."
"Syndrome de Diogène"
En 2023, la préfecture avait émis une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de l'occupant qui dit être né à Madagascar, mais celle-ci n'a jamais été mise à exécution. Encore faudrait-il être informé de son pays d'origine avec certitude.
La commune soupçonne que l'homme, qui aurait autour de 70 ans, est atteint d'un "syndrome de Diogène." "On se rend compte qu'il tient des propos incohérents, et qu'il est désociabilisé. Le CCAS s'est mis en relation avec la préfecture car il se met en situation de danger", reprend la DGS.
Curatelle
Une démarche auprès du tribunal a pourtant été réalisée pour qu'il puisse être accompagné : depuis 2017, l'homme a été placé sous curatelle de la Croix Marine. "Ils essayent de reconstituer son état civil. On a essayé de lui faire faire une visite médicale, mais il n'a pas souhaité être accompagné. On ne sait pas quel est son état de santé." Bref, un casse-tête pour la commune, qui reconnaît avoir "atteint (ses) limites d'action."
Reste à savoir si l'UDAF, qui assure les activités de la Croix Marine depuis sa liquidation judiciaire, parviendra à "prendre des mesures avec la préfecture pour le mettre en sécurité", conclut la mairie. Et soulager la famille Govin.