Lundi 17 juillet 2023, la Première ministre Elisabeth Borne a présidé un comité interministériel de la sécurité routière. A son issue, plusieurs mesures ont annoncées, dont la requalification du délit d'homicide involontaire pour accidents de la route en "homicide routier".
Ce changement de dénomination est malgré tout symbolique, puisqu'il ne change rien aux peines encourues. Néanmoins, il s'agissait selon la Première ministre de reconnaître le statut des victimes.
Le reportage de Réunion La 1ère :
"Pour que ça soit mieux accepté"
Daniel Decotte, le président du comité de la prévention routière à La Réunion, reconnaît que la création de ce délit spécifique est positive pour les victimes.
"Je pense que c'est pour que ça soit mieux accepté pour la victime et son entourage, pour qui le terme est difficile à vivre, car on dit que c'est involontaire alors que la personne a commis cette infraction très souvent après avoir pris des produits psychotrope ou fait un excès de vitesse"
Daniel Decotte, président du comité de la prévention routière à La Réunion
"Ça n'a aucun intérêt"
Ce qui ne l'empêche pas d'être sceptique quant aux effets d'une telle mesure pour les auteurs de ces délits. "Si c'est seulement changer la qualification et ne pas changer les peines et rester sur un délit, ça n'a aucun intérêt", achève Daniel Decotte.
"C'est de l'hypocrisie"
Même avis du côté de Thierry Barret, victime d'un accident de la route qui l'a laissé handicapé en 1999. Ce membre de l’association EIVA (Ecoute, information pour les victimes d’accident) reste dubitatif face à cette annonce. Pire, "ça ne passe pas du tout", réagit-il.
"Ça complique encore plus la vie pour les victimes de jouer sur les mots. C'est de l'hypocrisie. Pour moi, quand quelqu'un prend le volant avec de l'alcool ou de la drogue, il est conscient de ses actes".
Thierry Barret, victime d'un accident de la route en 1999
De cinq à dix ans d'emprisonnement
Si les victimes d'accidents de la route et associations de prévention routière ont du mal à se réjouir, c'est que rien n'a changé au niveau des peines encourues.
"Dans le cadre d'un homicide involontaire routier, la peine de base est de cinq ans, et peut aller jusqu'à dix ans en fonction du nombre de circonstances aggravantes", rappelle le bâtonnier de Saint-Denis, Me Laurent Payen. Des circonstances aggravantes qui peuvent être la consommation d'alcool et/ou de stupéfiants, la vitesse excessive ou encore l'usage du téléphone au volant.
Toujours un délit
Mais pour le bâtonnier, difficile d'aller plus loin puisque juridiquement, il ne s'agit pas d'homicides volontaires. "Il peut y avoir une conscience qu'en ayant bu ou pris des stupéfiants on augmente le risque d'accidents, mais ce n'est pas pour ça que juridiquement il y a une volonté de donner la mort", explique-t-il. "De toute façon même si on avait voulu changer les peines, on aurait pas pu aller plus loin, un délit reste un délit et la peine maximum est de dix ans", achève le bâtonnier.
Le permis suspendu en cas de conduite sous stupéfiants
Parmi les autres mesures prises autour de la sécurité routière ce lundi, le gouvernement souhaite que les conducteurs sous stupéfiants voient leur permis automatiquement suspendu, soit la perte de 8 points sur leur permis au lieu de six points actuellement.
Le reportage de Réunion La 1ère :
Le gouvernement a également annoncé la création d'un délit de grand excès de vitesse pour les dépassements supérieurs de 50km/h à la réglementation. Jusqu'ici, seule la récidive était délictuelle, le premier contrôle étant puni par une simple contravention.
L'accent mis sur les deux-roues en outre-mer
Elisabeth Borne a également annoncé que des mesures seraient dédiées aux territoires d'outre-mer, notamment au regard du nombre d'accidents liés aux deux-roues motorisés.
A La Réunion, depuis le début de cette année, 19 personnes ont déjà trouvé la mort sur les routes. En cause, l'alcool, puis la vitesse, et les stupéfiants.
45 tués sur la route à La Réunion en 2022
En outre-mer, 283 personnes sont décédées sur les routes en 2022, dont 45 à La Réunion. Selon l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière, la mortalité routière dans les territoires d'outre-mer est en hausse de 11% par rapport à 2019.