Allonger progressivement l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans ? La proposition faite par le candidat Emmanuel Macron n’en finit pas de faire réagir. A La Réunion, et en particulier dans le secteur du BTP, le sujet fait grincer des dents.
Frédéric, frigoriste de 36 ans, est clairement contre un tel projet : "Je travaille depuis l’âge de 16 ans et je commence déjà à ressentir les effets des poids que je soulève. Je trouve que c’est vraiment compliqué de nous demander de tenir jusqu’à 65 ans. Sincèrement là, il pousse un peu trop loin le bouchon".
Revoir le reportage de Réunion La 1ère :
Pour une prise en compte du critère de la pénibilité
Un cri du cœur dont se fait aussi l’écho la Capeb, la Confédération des artisans et des petites entreprises du bâtiment, qui souhaite une réforme "équitable et juste". "Le bâtiment c’est un travail qui use, donc il faut un régime spécifique pour tout ce qui concerne la pénibilité", défend Cyrille Rickmounie, son président.
Et ce dernier demande d’ailleurs à ce qu’il n’y ait pas de distinguo entre les acteurs classiques du privé et les travailleurs indépendants, voire même les métiers de l’administration.
"Une réforme injuste et brutale"
Du côté de la CGTR qui prépare la venue de son secrétaire général Philippe Martinez, on dit également non à la retraite à 65 ans. "Il faut une retraite à 60 ans pour que ceux qui étaient au travail puisse profiter de leur retraite et que les jeunes trouver un emploi", réagit Philippe Bughon, secrétaire général de la CGTR.
Même la CFDT estime qu'il s'agirait d'une réforme "injuste et brutale". Invité dans le journal de 12h30 sur Réunion La 1ère, Joël Dalleau, le représentant départemental du syndicat juge cette proposition "insupportable pour les salariés" : "65 ans, c’est un âge inacceptable pour prendre sa retraite", réagit-il encore.
Revoir l'intervention de Joël Dalleau sur Réunion La 1ère :
Une espérance de vie inférieure à La Réunion
Et puis, il y a cette vérité statistique : passé 65 ans, rares sont ceux qui peuvent réellement jouir pleinement de leur retraite. L’espérance de vie varie selon l’origine sociale du retraité et à cet âge, les Réunionnais sont en moins bonne forme, souligne Sébastien Seguin, chef du service Etudes et Diffusion à l’INSEE.
"A La Réunion, à peu près les trois quarts des personnes de 65 ans et plus souffrent de maladies chroniques telles que le diabète, explique le statisticien. C’est beaucoup plus qu’en métropole et ça pose la question de l’espérance de vie finalement en bonne santé. Elle est moindre à La Réunion : elle est de deux ans inférieure à ce qu’on observe en métropole".
Sans oublier que la population des séniors sans emploi est faible à La Réunion : 28 % entre 60 et 64 ans. Reculer l’âge de la fin de la vie active pourrait ainsi amplifier les inégalités, sans résoudre la question du financement de la retraite ou celle de l’emploi.
Les propositions des autre candidats à la présidentielle
Emmanuel Macron n’est pas le seul à proposer le recul de l’âge de la retraite à 65 ans. La candidate LR Valérie Pécresse défend elle aussi ce projet de réforme, avec l’objectif annoncé pour 2030 de proposer une pension de retraite équivalente d’au moins au Smic net par mois. Le candidat d’extrême droite Eric Zemmour veut pour sa part faire passer l’âge de la retraite à 64 ans d’ici 2030.
Marine Le Pen (RN), Anne Hidalgo (PS), Yannick Jadot (EELV), Jean Lassalle (Résistons !) et Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) sont, eux pour le maintien de la retraite à 62 ans. Tandis que Jean-Luc Mélenchon (LDI), Fabien Roussel (PCF), Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière) et Philippe Poutou (NPA) proposent au contraire d’abaisser l’âge de la retraite à 60 ans.