Déloger les vivants pour faire de la place aux morts. C'est l'équation à la fois triste et inéluctable qui vient bouleverser la vie d'Harry V., un voisin immédiat du cimetière de Saint-Benoît.
L'homme de 64 ans vit là depuis des dizaines d'années, dans cette maison qu'il a aménagée de ses mains, utilisant notamment les restes de faïence inutilisés des caveaux pour carreler son salon. Un domicile qu'il ne souhaite quitter pour rien au monde, alors que les travaux d'extension souhaités par la commune vont le contraindre, lui et deux autres habitants, à l'expulsion d'ici 2025.
Regardez le reportage de Réunion La 1ère :
"Je ne sais pas si je vais rester là où s'ils vont me mettre à Bras-Fusil, mais je suis inquiet" explique le soixantenaire, qui aide les visiteurs à entretenir les tombes. "C'est l'endroit qu'ils ont choisi, mais moi je ne veux pas y aller, je veux rester là."
Dans ce quartier tranquille proche de la mer et de la rivière où il va pêcher les bichiques, Harry a ses habitudes, son confort et n'a aucune envie d'en changer. "Je veux mourir ici, et après ils pourront prendre la maison", souhaite Harry.
Des cimetières à saturation
Mais pour la municipalité, pas moyen de faire autrement. "La ville est soumise à un problème de place au niveau de ses cimetières, qui sont quasiment à saturation" justifie Willy Gravinat, directeur général adjoint des services, en charge du cadre de vie.
"C'est pourquoi nous devons trouver les terrains disponibles pour pouvoir faire les extensions nécessaires et permettre aux familles de Saint-Benoît d'inhumer sur le territoire de Saint-Benoît."
L'urgence est réelle : à ce jour, il ne reste que douze emplacements d'inhumation pour permettre l'achat de nouvelles concessions.
300 nouveaux emplacements prévus
"La ville a identifié dix fonciers d'une surface totale de 2 100 m2, des fonciers communaux qui sont occupés illégalement", reprend le DGA. "Donc on vise à récupérer ces fonciers pour pouvoir aménager environ 300 nouveaux emplacements."
La ville indique encore avoir engagé depuis 2013 des discussions à l'amiable avec ces occupants sans droit ni titre, au nombre de neuf. "Sur neuf, six sont déjà relogés dans des logements décents grâce au service habitat", précise Willy Gravinat.
Maintenir le dialogue
Trois s'opposent encore cependant au déménagement. "On continuera le dialogue jusqu'au bout pour trouver la meilleure solution possible", assure le cadre communal. "Sinon, ce sera à l'autorité de prendre la décision des actions à mener."
Harry, lui, préférerait que la commune construise de nouveaux cimetières ailleurs.