Saint-Denis : enquête sur un vaste trafic international de batteries usagées

Le cerveau mauricien d'un vaste trafic international de batteries usagées est actuellement en garde à vue dans les locaux de la section  de recherches de Saint-Denis. Son arrestation met un terme au démantèlement d'une juteuse filière entre La Réunion, Madagascar, l'Asie et le Moyen Orient .

L'enquête débute avec la saisie de 1200 batteries  par les douanes en décembre 2012. Les batteries sont dissimulées dans deux containers, masquées par des pneus, de la ferraille et des blocs moteurs. Elles sont alors en attente au Port Est, en partance pour Madagascar. 

Au delà des amendes douanières, le parquet de Saint-Denis décide de l'ouverture d'une enquête judiciaire confiée aux gendarmes de la section de recherches de Saint-Denis. L'exportateur et le transitaire sont connus. Mais il reste aux enquêteurs à mener un véritable travail de fourmis pour retracer l'ensemble de la filière. Deux transitaires véreux sont identifiés au fil des investigations. Un coup de filet est opéré en décembre 2014. Les suspects sont mis en examen et placés en détention provisoire pour quatre mois.

Deux filières

Les recherches ont permis de repérer deux filières distinctes. Un transitaire appréhendé est en cheville avec un petit exportateur d'origine malgache dont les petites mains ratissent les batteries aux quatre coins de l'île. Cette filière « artisanale » exporte les batteries usagées  à raison de quatre à cinq tonnes par voyage. Direction Madagascar.

C'est de la Grande Ile que les produits toxiques repartent au profit de sociétés indo-pakistanaises. En Inde, les batteries détournées achèvent leur périple dans les mains de trafiquants sans scrupule. Ceux-ci utilisent généralement des enfants pour extraire le plomb dont les batteries sont gorgées à 90%. Saturnisme et dégâts neurologiques irréversibles sont la rançon de cet odieux trafic.

 « Des traders »

Mais les gendarmes de la section de recherches de Saint-Denis ne sont pas au bout de leurs surprises. Ils identifient une deuxième filière d'exportations illégales. Celle-ci utilise des sociétés en sommeil, sorte de coquilles vides qui sont réactivées pour les besoins des trafiquants.  Le numéro de Kbis est valide mais le gérant est de paille et les coordonnées fausses.

De fil en aiguille, les enquêteurs sont toutefois parvenus à mettre un nom sur deux gros poissons. De riches exportateurs mauriciens qui, bien à l'abri dans l'île sœur et cachés derrière un homme de paille, gèrent les flux de batteries par téléphone.  Ce sont ceux que les enquêteurs ont baptisé « les traders ». Ils expédient des lots de batteries d'environ 20 tonnes à destination de la Chine, de Dubaï aux Emirats-Arabes-Unis ou du Pakistan.

Juteux trafic

Les transactions se font en fonction de l'évolution des cours du plomb, entre 500 et 650 euros la tonne. La particularité de ce juteux trafic tient dans les cours soutenus dont bénéficie la filière illégale. D'abord parce qu'aucune précaution n'est prise quant à l'emballage et le transport des produits toxiques. Ensuite parce que le coût de la main d'oeuvre qui collecte le précieux métal est dérisoire.

A La Réunion, un container plein rapporte 2 000 euros aux collecteurs « marron ». Pour les « traders » mauriciens, c’est le jackpot. Car le container de 20 tonnes est facturé 12 000 euros pièce.

Au terme de trois ans d'enquête, les gendarmes ont mis la main sur 257 tonnes de batteries par le biais de contrôles douaniers avec une saisie record à 105 tonnes. Soit un manque à gagner d'environ 150 000 euros pour les trafiquants. 

Un résultat honorable mais une goutte d'eau si l'on considère que 1700 tonnes de batteries quittent chaque année notre île en toute illégalité. Un trafic aussi juteux que honteux estimé à un million d'euros.


En images avec Eric Lainé et Frédéric Testa.